I. En fait
Par jugement du 25 novembre 2022, le Tribunal de police de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a condamné A à une amende de CHF 400.- pour violation simple des règles de la circulation routière, de conduite sans permis et pour une contravention au règlement général de police de la commune de U (RGP). Le 10 juillet 2023, la Cour d’appel pénale du Tribunal du canton de Vaud a rejeté l’appel de A. Selon les faits retenus par cette autorité, A a circulé, sur la roue arrière au guidon de son motocycle, à un régime élevé en petite vitesse sans être porteur du permis de conduire. Sa conduite a provoqué du bruit et a troublé l’ordre et la tranquillité publics.
A forme un recours au Tribunal fédéral (TF) contre le jugement du 10 juillet 2023 et conclut à sa libération des accusations de violation de règles de la circulation routière et de contravention au RGP ; subsidiairement, il conclut à sa libération du chef d’accusation de contravention au RGP et à une réduction de l’amende.
II. En droit
D’abord, selon le recourant, la Cour cantonale se serait fiée aveuglément au témoignage d’un agent de police, au lieu de l’apprécier comme n’importe quel autre moyen de preuve. Pour soutenir sa thèse, le recourant a produit des témoignages écrits selon lesquels des personnes se trouvant sur place n’auraient pas vu la manœuvre dangereuse (c. 2 et c. 2.4).
Le TF rappelle sa jurisprudence en matière d’appréciation des moyens de preuves et notamment en ce qui concerne les rapports de police. Le principe de l’appréciation libre des preuves interdit d’attribuer d’entrée de cause une force probante accrue à certains moyens de preuve comme de tels rapports (TF 6B_55/2018 du 17.5.2018, c. 1.1 ; et jurisprudence citée). Cela ne signifie cependant pas qu’on puisse dénier d’emblée toute force probante à un tel document. Celui-ci est en effet, par sa nature, destiné et propre à servir de moyen de preuve dans la mesure où il reproduit les constatations de la police (TF 6B_55/2018 du 17.5.2018, c. 1.1 ; et jurisprudence citée). Dans le cas d’espèce, notre Haute Cour considère que les témoins se trouvaient à plus de 100 mètres du recourant et que ce dernier a eu des contacts avec eux avant les débats, lui laissant le loisir de les influencer. En outre, le texte des témoignages a été écrit personnellement par le recourant et ensuite signé par les témoins. Ainsi, ils ne sont pas de nature à renverser les faits établis sur la base des déclarations du policier (c. 2.2 à c. 2.5).
Ensuite, le recourant reproche aux différentes autorités d’avoir sanctionné son comportement sur la base de deux dispositions de rangs législatifs distinctes : l’art. 42 al. 1 LCR (en lien avec l’art. 33 let. b OCR) et l’art. 59 al. 1 RGP. Les deux dispositions, de niveau fédéral et communal, viseraient à réprimer un seul comportement, soit le bruit excessif causé par la conduite d’un véhicule ; le fait d’être sanctionné sur la base des deux dispositions violerait le principe de la primauté du droit fédéral au sens de l’art. 49 Cst (c. 3).
Selon l’art. 49 al. 1 Cst, le droit fédéral prime le droit cantonal qui lui est contraire, de sorte que les cantons ne sont pas autorisés à légiférer dans les matières exhaustivement réglementées par le droit fédéral. Une loi cantonale peut cependant subsister dans la même matière si elle poursuit un autre but que celui recherché par le droit fédéral. Ce n’est que lorsque la législation fédérale exclut toute réglementation dans un domaine que le canton perd toute compétence (ATF 145 IV 10, c. 2.1 ; et jurisprudence citée) (c. 3.1).
En vertu de l’art. 123 al. 1 Cst., la législation en matière de droit pénal et de procédure pénale relève de la compétence de la Confédération. Les cantons conservent le pouvoir de légiférer sur les contraventions de police qui ne font pas l’objet d’une législation fédérale conformément à l’art. 335 al. 1 CP (TF 6B_1297/2017du 26.6.2018, c. 2.2.1). Ainsi, les cantons peuvent prévoir de sanctionner par une amende les contraventions si le droit fédéral ne protège pas – par un ensemble complet de prescriptions – le bien juridique concerné (ATF 138 IV 13, c. 3.3.1 ; et jurisprudence citée). Si le droit fédéral laisse de côté tout un domaine du droit pénal ou s’il ne sanctionne que certains comportements, il y a alors place pour des dispositions cantonales (ATF 129 IV 276, c. 2.1 ; et jurisprudence citée) (c. 3.2).
Selon l’art. 82 al. 1 Cst., la Confédération légifère en matière de circulation routière ; il s’agit d’une compétence globale et concurrente (TF 2P.83/2005 du 26.1.2006, c. 6.1 ; et jurisprudence et doctrine citées). Cette compétence est globale et s’étend ainsi à toutes les matières pertinentes pour la circulation routière ; elle est concurrente par rapport au droit cantonal qui garde en revanche sa place tant que la Confédération n’a pas légiféré exhaustivement. Par la LCR et les ordonnances qui la complètent, la Confédération a très largement fait usage de sa compétence législative et a dans la même mesure évincé les compétences cantonales (c. 3.3).
En matière de bruit causé par un véhicule, l’art. 42 al. 1 LCR prévoit que le conducteur doit veiller à ne pas incommoder les usagers de la route et les riverains, notamment en provoquant du bruit, de la poussière, de la fumée ou des odeurs qu’il peut éviter ; il devra veiller le plus possible à ne pas effrayer les animaux. En tant que lex specialis par rapport à l’art. 335 al. 1 CP, l’art. 106 al. 3 LCR prévoit que les cantons restent compétents pour édicter des prescriptions complémentaires sur la circulation routière, sauf en ce qui concerne les véhicules automobiles et les cycles, les tramways et chemins de fer routiers (ATF 104 IV 288, c. 3) (c. 3.4 et c. 3.5).
Dans le cas d’espèce, l’art. 59 al. 1 RGP dispose que tout acte sur le domaine public de nature à porter atteinte à l’ordre, à la tranquillité, à la sécurité et au repos publics est interdit. Sont notamment compris dans cette interdiction : les querelles, les bagarres, les chants bruyants, les cris, les attroupements tumultueux ou gênant la circulation ou les usagers, les pétards, les coups de feu, les jeux bruyants ou tous autres bruits excessifs tels ceux produits pas une conduite de véhicule motorisé inappropriée et dérangeante. L’art. 12 sanctionne les infractions au RGP par une amende (c. 3.7).
Dans un tel contexte, selon notre Haute Cour, la dernière phrase de l’art. 59 al. 1 RGP poursuit le même but que l’art. 42 al. 1 LCR en lien avec l’art. 90 al. 1 LCR. De ce fait, cette phrase viole l’art. 106 al. 3 LCR ainsi que le principe de la primauté du droit fédéral et l’amende fixée sur la base de l’art. 59 al. 1 RGP doit être annulée (c. 3.8 et c. 3.9).