Les articles en droit matériel
La commission par omission de l’infraction d’atteinte à la paix des morts
Le prévenu qui laisse le corps de son amie intime se décomposer durant deux semaines réalise l’infraction de l’art. 262 al. 1 ch. 3 CP par omission. Sa position de garant est fondée sur l’obligation juridique d’informer l’autorité compétente d’un décès consacrée à l’art. 7 RDSPF.
Abaissement contraire à la dignité humaine fondé sur l’origine ethnique, l’appartenance raciale et l’orientation sexuelle (art. 261bis CP)
Le terme « africain » entre dans la notion d’ethnie au sens de l’art. 261bis CP, dans la mesure où un tiers moyen non averti le comprend comme une désignation générique de toutes les ethnies africaines. Il n’est à cet égard pas pertinent de s’interroger sur la capacité des destinataires de la déclaration litigieuse à distinguer les différentes ethnies d’Afrique. Le mot « africain » est également inclus dans la caractéristique identitaire de la race car il est associé à la couleur de peau dans l’esprit de la majorité des individus. Les statuts de personne étrangère, réfugiée et requérante d’asile ne correspondent en revanche ni à une ethnie, ni à une race au sens de l’art. 261bis CP (confirmation de jurisprudence). Par ailleurs, l’assimilation des unions homosexuelles à des couples contre-nature revient à décrire l’homosexualité comme non naturelle et les personnes homosexuelles comme des citoyens de seconde zone, et conséquemment à les abaisser d’une façon contraire à la dignité humaine.
La rupture de ban et l’inapplicabilité de l’art. 124a LEI
L’art. 124a LEI qui exclut l’application de la Directive sur le retour à la décision et à l’exécution de l’expulsion n’est pas applicable à l’infraction de rupture de ban. Ainsi, une personne qui contrevient à une décision d’expulsion ne peut être condamnée à une peine privative de liberté que lorsque toutes les mesures raisonnables pour l’exécution du retour ont été entreprises.
Créance compensatrice : la solidarité entre plusieurs prévenus est exclue
Contrairement au droit civil (art. 50 al. 1 CO), la solidarité entre plusieurs prévenus est exclue en cas de condamnation à une créance compensatrice sur le plan pénal. L’autorité judiciaire qui prononce une créance compensatrice en faveur du lésé doit s’assurer que le montant dû soit réparti parmi les protagonistes en fonction de la part reçue du butin.
Imputation de la détention avant jugement (art. 51 CP) : le Tribunal fédéral pose la règle de calcul applicable en cas de détention qui se chevauche sur deux jours consécutifs
Lorsqu’une fraction de jour de détention avant jugement a été subie par le condamné, il convient d’imputer un jour complet de détention sur la peine prononcée. En revanche, l’art. 51 CP ne précise pas comment une détention avant jugement qui s’étend sur deux jours consécutifs doit être imputée. Le Tribunal fédéral tranche la controverse doctrinale et pose la règle suivante : ce n’est que lorsque la durée totale de la privation de liberté dépasse 24 heures que le condamné a droit à l’imputation de deux jours de détention sur la peine. Notre Haute Cour rappelle en outre les principes applicables en matière de fixation et de motivation de la peine, notamment la prise en compte des antécédents.
Concours entre tentative de lésions corporelles graves et omission de prêter secours : le Tribunal fédéral précise sa jurisprudence
Un enregistrement vidéo obtenu illégalement et ne figurant pas au dossier peut être utilisé comme moyen de preuve, malgré la violation de l’obligation de tenir un dossier complet, en raison notamment du caractère grave de l’infraction de tentative de lésions corporelles graves, peu importe qu’il s’agisse d’une violation d’une prescription de validité ou d’ordre au sens de l’art. 141 al. 2 ou 3 CPP. Par ailleurs, il n’y a pas de concours entre tentative de lésions corporelles graves (art. 122 CP cum art. 22 al. 1 CP) et omission de prêter secours (art. 128 CP) lorsqu’il n’y a pas de risque de survenance d’un résultat allant au-delà de la blessure acceptée par l’auteur. L’omission de prêter secours est considérée comme une abstention subséquente non punissable (straflose Nachtat) coréprimée (mitbestrafte) par la tentative de lésions corporelles graves commise préalablement, excluant ainsi le concours d’infractions.
Infraction commise à l’étranger : lex mitior et prescription
Lorsque le juge suisse est en charge de statuer sur des crimes ou des délits commis à l’étranger, il se doit d’appliquer le principe de lex mitior entre le droit du lieu de commission de l’infraction et le droit suisse s’agissant de la fixation de la sanction (art. 6 al. 2 et 7 al. 3 CP). Cela implique de prendre en compte la quotité de la peine ainsi que le type de sanction. L’analyse de la prescription du droit du lieu de commission est en revanche exclue.
Assistance au suicide
En confirmant la conformité au droit fédéral de l’acquittement de l’ancien président d’Exit Suisse romande pour avoir prescrit du natrium pentobarbital (NAP) à une femme de 86 ans en bonne santé, mais désireuse de mourir, le Tribunal fédéral a tranché une affaire hautement controversée, mêlant droit et éthique. Le Professeur Thommen de l’Université de Zurich commente l’arrêt TF 6B_393/2023 du 13 mai 2024.
Harcèlement : concours idéal entre les infractions d’utilisation abusive d’une installation de télécommunication et de menaces
L’auteur qui envoie un grand nombre de messages à une plaignante dont certains revêtent un caractère menaçant réalise à la fois l’infraction d’utilisation abusive d’une installation de télécommunication (art. 179septies aCP) et celle de menaces (art. 180 CP).
Assistance au suicide : le Tribunal fédéral précise les limites de la LStup
La prescription de pentobarbital de sodium par un médecin à une personne en bonne santé, sans aucune indication médicale et sans but thérapeutique, ne constitue pas une infraction au sens de l’art. 20 al. 1 let. e LStup en lien avec l’art. 11 al. 1 LStup.
Chiens errants et agressifs : la responsabilité du détenteur
Compte tenu des précédents d’errance, de morsures d’êtres humains et de la mort d’un félin domestique consécutive à une attaque, il n’y a rien d’arbitraire à considérer que la fuite de deux chiens soit imputable à une négligence coupable de la détentrice.
Les petits trafics font les grands délits
Qu’un trafiquant de drogue procède à plusieurs transactions distinctes ou que celles-ci forment un ensemble au sens d’une unité naturelle d’action, il faut toujours additionner les quantités de stupéfiants dont il est question pour déterminer si le trafic tombe sous la circonstance aggravante de l’art. 19 al. 2 let. a LStup. Le Tribunal fédéral confirme sa jurisprudence en ce sens, rendue sous l’ancien droit.