Les articles en droit matériel

Violations des art. 3, 8 et 14 CEDH : la France condamnée pour de graves défaillances dans la protection de mineures victimes de viols

Les autorités françaises ont violé leurs obligations positives de protéger la dignité (art. 3 CEDH), la vie privée (art. 8 CEDH) et le droit à la non-discrimination de mineures (art. 14 CEDH) ayant dénoncé des faits de viol. La législation française, son application dans les cas d’espèce et la conduite des procédures pénales s’avèrent ainsi contraires aux art. 3, 8 et 14 CEDH.

Afficher et distribuer des stickers avec des drapeaux LGBTQ formant une croix gammée est constitutif d’une incitation à la haine pénalement répréhensible

L’affichage et la distribution, dans l’espace public, d’autocollants avec des drapeaux LGBTQ disposés en croix gammée est constitutif d’incitation à la haine au sens de l’art. 261bis al. 1 CP. Le drapeau arc-en-ciel, même dans sa version renouvelée en 2018 en vue d’une plus grande inclusivité, représente, objectivement, à tout le moins les personnes homosexuelles, soit un groupe protégé par la norme pénale. Il est sans pertinence qu’il symbolise également d’autres minorités (not. trans et racisées), et que le recourant prétende avoir ciblé exclusivement la fraction la plus politisée du mouvement. Les stickers suscitent, dans l’esprit de tout tiers moyen, une association entre les personnes LGBTQ et le régime nazi, portant atteinte à la dignité de ces dernières et attisant un sentiment hostile à leur égard. Sous l’angle de la liberté d’expression, on ne peut admettre qu’il en va simplement d’une action « anti-wokiste » de contestation des revendications du mouvement LGBTQ. Même dans un contexte politique, l’assimilation du mouvement LGBTQ à un régime totalitaire ou autoritaire irait au-delà d’une confrontation d’opinions et porterait atteinte à la dignité humaine des personnes visées.

Une application de l’art. 11A al. 1 let. c LPG/GE (loi genevoise sur la mendicité) viole le principe de proportionnalité et porte ainsi atteinte aux droits fondamentaux : Le TF prononce un acquittement

Dans un arrêt destiné à publication, le TF qualifie la formulation « aux abords immédiats » de l’art. 11A al. 1 let. c LPG/GE de trop imprécise, en particulier dans le contexte de la mendicité. Notre Haute Cour rappelle en outre qu’une sanction pénale visant la mendicité passive ne peut être prononcée qu’en ultima ratio. Elle revient sur l’importance de l’accessibilité à l’information en matière de pénalisation de comportements, en particulier s’agissant de personnes allophones.

Le Tribunal fédéral élargit le champ d’application de la gestion déloyale à l’ensemble des actifs de la société anonyme surendettée

Jusqu’à présent, la diminution volontaire du patrimoine d’une société anonyme unipersonnelle surendettée relevait de l’infraction impossible de gestion déloyale. Dans le présent arrêt, le Tribunal fédéral opère un revirement de jurisprudence en retenant que le champ d’application de l’art. 158 CP comprend l’ensemble de la fortune brute d’une SA (somme des actifs), et non uniquement sa fortune nette (actifs moins fonds étrangers). Partant, tout acte de disposition de l’actionnaire unique au détriment de sa société constitue un dommage pour les créanciers de cette dernière, même si elle se trouve en état de surendettement au moment des faits.

Liberté d’expression et réglementation sur les armes : le TF annule la condamnation d’une journaliste

Une journaliste peut se prévaloir de l’art. 10 CEDH relatif à la liberté d’expression, de la presse et des médias, pour justifier une violation de la loi sur les armes, les accessoires d’armes et les munitions dans le cadre de l’application de l’art. 14 CP. En effet, au vu du rôle essentiel de « chien de garde » des journalistes dans une société démocratique, la liberté de presse doit être spécialement protégée.

Le droit de se taire durant une perquisition et le seuil de la tentative de contrainte

Demander à un prévenu le code de son téléphone portable durant une perquisition sans l’avoir informé au préalable de son droit de se taire viole l’art. 158 al. 1 let. b CPP. Les preuves qui en résultent sont inexploitables au sens des art. 141 al. 1 et 158 al. 2 CPP. Par ailleurs, le seuil de la tentative de contrainte n’est pas atteint lorsque le prévenu menace des jeunes femmes dans le but d’obtenir des rendez-vous à visée sexuelle, sans que le lieu ni le moment de ces rencontres ne soient déterminés.

Chiffre d’affaires fictif et faux dans les titres dans le cadre des demandes de crédits Covid-19

L’infraction de faux dans les titres (art. 251 CP) liée au formulaire de demande de crédit Covid-19 relève du faux intellectuel. Il s’agit dès lors, de déterminer si les fausses déclarations du preneur de crédit, notamment sur le chiffre d’affaires basé sur la comptabilité, constituent un faux intellectuel. Selon le TF, une indication fictive de ce chiffre d’affaires est effectivement propre à prouver un fait juridiquement pertinent et peut donc être qualifiée de faux dans les titres.

Concours idéal entre la tentative d’assassinat et la violation de la Loi interdisant Al-Qaïda et l’État islamique

L’art. 2 al. 1 Loi interdisant Al-Qaïda et l’État islamique vise à protéger la sécurité publique, tandis que l’art. 112 CP criminalisant l’assassinat protège la vie humaine. Les biens juridiquement protégés par ces infractions ne se recoupent pas entièrement. Lorsqu’une personne commet un attentat pour l’organisation terroriste État islamique portant atteinte à la vie ou à l’intégrité de victime(s), l’organisation interdite est simultanément promue et encouragée et la sécurité publique menacée, de sorte qu’il se justifie de retenir l’existence d’un concours idéal au sens de l’art. 49 al. 1 CP entre l’art. 112 (cum art. 22) CP et l’art. 2 LAQEI.

Responsabilité pénale de l’expert fiscal en cas de soustraction d’impôt anticipé (art. 61 al. 1 LIA en lien avec l’art. 5 DPA) : conseiller n’est pas instiguer

Le fait de conseiller son client sur les moyens légaux pour « échapper » au paiement de l’impôt anticipé et les risques fiscaux potentiels ne saurait être assimilé à une instigation du client à ne pas déclarer spontanément l’impôt anticipé.