Les articles en procédure pénale

L’indemnisation d’une détention injustifiée devant les Tribunaux suisses lorsque la CourEDH a déjà alloué une satisfaction équitable

Lorsque la CourEDH a accordé une satisfaction équitable (art. 41 CEDH) suite au constat de la violation de la CEDH, le requérant ne peut, indépendamment du dédommagement déjà alloué, prétendre à une indemnisation supplémentaire dans le cadre de la procédure de révision subséquente devant le Tribunal fédéral. En effet, une base légale en ce sens fait défaut en droit suisse. Le recours d’une personne qui réclamait, en sus de l’indemnité de € 40’000.- allouée par la Cour, plusieurs centaines de milliers de francs pour sa détention injustifiée entre 2010 et 2022, est ainsi rejeté.

La production de pièces provenant de procédures pénales dont les jugements ne figurent plus au casier judiciaire

La nouvelle loi sur le casier judiciaire, entrée en vigueur le 23 janvier 2023, est moins restrictive s’agissant de l’utilisation des données radiées. Cependant, compte tenu du droit à l’oubli ainsi que de l’intérêt à la réhabilitation et à la resocialisation de la personne concernée, le lien de connexité et la pertinence de la condamnation antérieure doivent être scrupuleusement démontrés. Bien que l’élément temporel ne puisse être ignoré au moment de la pesée des intérêts, il convient de prendre en considération la gravité des infractions ayant fait l’objet des procédures dont les jugements ont été éliminés du casier judiciaire, les éventuelles condamnations figurant dans l’extrait du casier judiciaire actuel, et les chefs de prévention faisant l’objet de la procédure actuelle.

Les résultats d’une surveillance secrète mise en œuvre à l’étranger et transmis au procureur suisse ne constituent pas des « découvertes fortuites » soumises à autorisation du Tribunal des mesures de contrainte

L’autorité de poursuite pénale suisse qui obtient par la voie de l’entraide judiciaire des résultats de mesures de surveillance secrètes contre le prévenu, en l’espèce des communications opérées aux Etats-Unis sur l’application ANOM (fausse application de chat créée par le FBI notamment), ne doit pas procéder comme en cas de « découvertes fortuites » (art. 278 CPP). Le Tribunal des mesures de contrainte n’est pas compétent pour autoriser l’exploitation de ces preuves. Il appartient au juge du fond de se prononcer sur l’exploitabilité de telles preuves obtenues auprès d’autorités étrangères.

Indemnisation forfaitaire du défenseur d’office et violation du droit d’être entendu

Le tribunal qui refuse d’accorder une rémunération effective de l’activité déployée par un défenseur d’office et décide de lui appliquer un taux forfaitaire arrêté par un règlement cantonal doit motiver sa décision. En ce sens, la simple mention qu’il n’y a pas lieu de s’écarter dudit forfait, complétée en deuxième instance par l’indication que le poste problématique, en l’espèce celui concernant la correspondance, est artificiellement gonflé par des activités qui ne remplissent pas les exigences légales pour prétendre à une indemnisation, ne sont pas suffisantes. Elles ne permettent pas de déterminer si le montant alloué couvre la rémunération du défenseur d’office.

Violation de la maxime d’accusation consécutive à une condamnation pour actes d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance

Une condamnation fondée sur l’art. 191 CP viole la maxime d’accusation (art. 9 et 325 CPP) lorsque l’acte d’accusation n’expose pas que la victime était incapable de résistance au moment des faits, que l’auteur s’en est rendu compte, qu’il a exploité son état pour obtenir un acte d’ordre sexuel et l’infraction reprochée au prévenu.

Contrôle d’identité et violation de l’art. 5 CEDH

Une détention d’une durée de 6 heures pour des motifs de contrôle de sécurité suite à une manifestation viole l’art. 5 CEDH. En effet, cette mesure a été jugée par la CourEDH comme ne respectant pas les principes de proportionnalité et de nécessité. En particulier, les autorités suisses n’ont pas réussi à démontrer l’intention des requérants de commettre un acte illégal ; elles n’ont d’ailleurs initié aucune poursuite à leur encontre.

Le prononcé d’une détention pour motifs de sûreté dans le cadre d’une décision judiciaire ultérieure à l’exécution d’une peine

Le prononcé d’une détention pour des motifs de sûreté en vue ou dans le cadre d’une décision judiciaire ultérieure indépendante suppose de sérieuses raisons de penser que l’exécution d’une peine ou d’une mesure privative de liberté sera ordonnée à l’encontre de la personne condamnée (art. 364a et 364b CPP). Ce changement de sanction (art. 65 al. 1 CP) est possible uniquement si, après l’entrée en force du jugement initial, de nouveaux faits ou moyens de preuves, alors inconnus du tribunal mais déjà existants au moment du premier jugement, sont apparus et satisfont les conditions d’une mesure. Conformément à la jurisprudence de la CourEDH, ces nouveaux faits et moyens de preuve doivent porter sur la nature de l’infraction ou sur la culpabilité, et non uniquement sur les conditions du prononcé ultérieur de la mesure.

Exploitabilité des preuves obtenues lors d’une fishing expedition

Les preuves obtenues lors d’une fishing expedition sont exploitables aux conditions de l’art. 141 al. 2 CPP, c’est-à-dire si l’intérêt public à l’élucidation d’une infraction grave prévaut sur l’intérêt privé à l’inexploitabilité de la preuve, à tout le moins si le grief est soulevé dans un recours contre le jugement au fond.

Délai de recours et jours fériés (GE)

En vertu de l’art. 1 al. 2 de la loi genevoise du 3 novembre 1951 sur les jours fériés (LJF ; rs/GE J 1 45), lorsque le 1er janvier tombe un dimanche, le 2 janvier n’est férié que pour les collaborateurs de certaines entreprises du canton de Genève. Cette règle ne revient pas à ériger le 2 janvier en jour férié officiel selon le droit cantonal genevois. Le recours formé le mardi 3 janvier, alors que le délai court jusqu’au lundi 2 janvier, est donc tardif en vertu de l’art. 90 al. 2 CPP.

La renonciation écrite du prévenu à faire opposition à l’ordonnance pénale

Le prévenu allophone, dépourvu de conseil juridique, à qui une ordonnance pénale est notifiée en mains propres au poste de police, avec une traduction orale par un policier, ne peut pas valablement renoncer (cf. art. 386 CPP) à faire opposition par le biais d’une déclaration écrite générique, signée sur-le-champ, dont rien n’indique qu’elle aurait été traduite dans une langue qu’il comprend. Une telle manière de faire contrevient au principe d’équité de la procédure.

Ordonnance pénale, désignation des prévenus et prohibition du formalisme excessif : confirmation d’un arrêt de principe

Dans le cadre de plusieurs arrêts rendus en lien avec l’évacuation d’activistes installés sur la colline du Mormont (VD), le Tribunal fédéral a eu l’occasion de confirmer certains développements récents en matière de droit à l’anonymat et de désignation des prévenus. Ainsi, l’esprit de l’art. 353 al. 1 let. b CPP suppose que les prévenus soient distinguables, sans risque de confusion, mais non qu’ils soient strictement désignés par leurs identités. Dès lors, en désignant des prévenus de façon générique dans des ordonnances pénales, l’autorité ne peut, sous peine de formalisme excessif, déclarer ensuite leurs oppositions irrecevables en raison du non-respect des exigences de forme alors même que ceux-ci ont formé opposition sous la même désignation que celle employée à leur égard par les autorités.