Procédure de mise sous scellés et enregistrement sur clé USB de documents bancaires : le TF valide la pratique de l’AFC

Dans le cadre d’une procédure de mise sous scellés, l’AFC est en droit d’enregistrer les documents concernées sur une clé USB. Le Tribunal fédéral juge cette méthode conforme au droit, estimant qu’elle assure une protection suffisante des droits des personnes concernées par les documents. Par ailleurs, un contrôle sommaire visant à vérifier la complétude des données avant la mise sous scellés est admissible et ne constitue pas une violation du droit fédéral. 

I. En fait

L’Administration fédérale des contributions (ci-après : AFC) ouvre une enquête contre diverses sociétés, notamment pour soustraction d’impôts (art. 175 LIFD). 

Dans le cadre de cette procédure, l’AFC enjoint, par décision du 10 novembre 2021, à la Banque E de lui remettre la documentation relative aux comptes bancaires détenus ou gérés au nom de C en qualité de cocontractant, ayant droit économique ou signataire pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2015. 

Le 18 novembre 2021, la Banque E informe la société A, titulaire d’un compte auprès de la Banque E, qu’elle est également concernée par la demande de communication de la documentation bancaire émanant de l’AFC. La société A requiert la mise sous scellés des documents, en invoquant la protection du secret des affaires. 

La Banque E transmet les documents par voie électronique le 25 novembre 2021. Ces documents font l’objet d’une copie par l’AFC sur une clé USB, sans être ouverts ni consultés, vu la demande de mise sous scellés formée par A.

Par décision du 9 décembre 2021, l’AFC rejette la demande de mise sous scellés de la société A. Celle-ci forme alors un recours auprès du Tribunal pénal fédéral (ci-après : TPF), qui le rejette à son tour. 

La société A saisit ensuite le Tribunal fédéral (ci-après : TF), qui admet le recours dans son arrêt TF 7B_97/2022 du 28.9.2023, estimant qu’il appartient à l’AFC de déposer une requête formelle de levée des scellés auprès de la Cour des plaintes du TPF, afin d’obtenir les documents bancaires. 

Le 6 novembre 2023, l’AFC dépose une demande de levée des scellés auprès de la Cour des plaintes du TPF sur les documents bancaires émis par la Banque E en lien avec la société A. 

Par décision du 3 avril 2021, la Cour des plaintes du TPF rejette cette demande, jugeant que le téléchargement préalable des données par l’AFC, intervenu avant la mise sous scellés, constituait un vice de procédure grave et irrémédiable, faisant obstacle à la mise sous scellés. L’AFC forme un recours en matière pénale contre cette décision auprès du TF. 

II. En droit

Au sens de l’art. 50 al. 1 et 2 DPA, la perquisition visant des papiers doit être opérée avec les plus grands égards pour les secrets privés ; en particulier, les papiers ne seront examinés que s’ils contiennent apparemment des écrits importants pour l’enquête. La perquisition doit être opérée de manière à sauvegarder le secret de fonction, ainsi que les secrets confiés aux ecclésiastiques, avocats, notaires, médecins, pharmaciens, sage-femmes et à leurs auxiliaires, en vertu de leur ministère ou de leur profession. Cette disposition s’applique également aux supports de données électroniques (ATF 148 IV 221, c. 2.1) (c. 2.2.2). 

Dans sa décision de refus de levée des scellés, le TPF s’appuie principalement sur la jurisprudence du TF selon laquelle la sauvegarde ou la reproduction de données dans le cadre d’une procédure de levée des scellés ne peut pas être ordonnée par l’autorité d’instruction (ATF 148 IV 221, c. 2.5). En l’espèce, selon le TPF, il est impossible de déterminer avec certitude comment et quand l’AFC a eu accès aux documents transmis par voie électronique par la Banque E et si elle a pris connaissance de leur contenu. Ainsi, les déclarations de l’AFC selon lesquelles elle ne les aurait pas consultés mais simplement copiés sur une clé USB ensuite scellée, ne suffisent pas à écarter le risque d’un accès prématuré, ce qui constitue un vice de procédure grave et irrémédiable, justifiant le rejet de la demande de levée des scellés (c. 3.1). 

Dans son recours, l’AFC soulève qu’en appliquant de manière aussi stricte l’ATF 148 IV 221 et en interdisant toute sauvegarde ou copie préalable dans le cadre de la procédure de mise sous scellés, la décision du TPF viole le droit fédéral (c. 3.4). 

En l’espèce, la Banque E détenait les documents bancaires. L’AFC a sauvegardé les données sur un support externe pour ensuite le sceller, ce qui constitue selon le TF, une pratique cohérente avec la procédure de mise sous scellés. En effet, il serait difficilement concevable de sceller des données stockées sur un cloud ou un serveur distant. L’alternative d’imprimer les documents pour les sceller sur papier ne garantit pas une meilleure protection. Ainsi, le format des documents doit permettre leur mise sous scellés, ce qui implique leur téléchargement ou enregistrement préalable par l’autorité d’instruction. Par conséquent, la méthode employée par l’AFC d’enregistrer sur un support externe scellé – in casu, une clé USB – est donc conforme au droit (c. 3.4.1). 

S’agissant de la possibilité théorique d’une prise de connaissance prématurée de certaines données, elle ne peut pas être écartée et n’est pas problématique en soi, tout comme c’est le cas lors d’une perquisition domiciliaire. En particulier, dans ces circonstances, la jurisprudence admet un tri sommaire par l’autorité d’instruction afin d’évaluer la pertinence des documents (ATF 143 IV 270). Cette possibilité s’applique également aux supports de données électroniques. De même, il convient d’admettre un contrôle de la part des autorités afin de vérifier si le destinataire de la décision de production des preuves a entièrement satisfait à ses obligations en la matière. Ce contrôle est admissible tant qu’il ne constitue pas une analyse prématurée du contenu. En reprochant à l’AFC un vice de procédure grave qui conduit au rejet de la demande de descellage, l’instance précédente viole le droit fédéral (c. 3.4.2). 

Dans le cas d’espèce, le seul reproche à faire l’AFC est l’éventuel accès prolongé aux données originales via le lien de téléchargement vers PrivaSphere transmis par la Banque E, valable 30 jours. En effet, en cas de demande de mise sous scellés, l’AFC doit supprimer immédiatement toute copie après enregistrement et scellés, afin d’empêcher tout accès non autorisé. Elle doit également le faire sans délai dans la présente procédure, si ce n’est pas déjà le cas (c. 3.4.3). 

Enfin, concernant l’existence d’un intérêt au secret de la société A ou d’éventuels autres obstacles à la levée des scellés, le TF, agissant comme autorité de première instance (art. 80 al. 1 LTF), ne peut se prononcer. L’affaire doit donc être renvoyée à l’instance précédente pour réexamen (c. 3.5). 

Au vu de ce qui précède, le recours est admis, la décision attaquée annulée et l’affaire renvoyée à l’instance précédente pour nouvelle décision (c. 4). 

Proposition de citation : Hélène Rodriguez-Vigouroux, Procédure de mise sous scellés et enregistrement sur clé USB de documents bancaires : le TF valide la pratique de l’AFC, in : https://www.crimen.ch/335/ du 28 mai 2025