Camille Montavon

Camille Montavon

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Camille Montavon est titulaire d’un Bachelor en droit, d’un Master en droit et d’un Doctorat en droit délivrés par l’Université de Neuchâtel. Dès 2023, elle est Maître-assistante à l’Université de Genève, où elle est également co-responsable de la Law Clinic sur les droits des personnes vulnérables depuis 2022. Avant cela, Camille Montavon travaille en tant qu’assistante-doctorante au sein de la Chaire de droit pénal et de criminologie de l’Université de Neuchâtel. Dans ce cadre, elle dispense notamment les travaux pratiques de droit pénal général. De 2017 à 2022, elle est par ailleurs chercheuse associée au projet de recherche FNS Right to Truth, Truth(s) through Rights: Mass Crimes Impunity and Transitional Justice. En février 2023, elle soutient avec succès sa thèse de doctorat réalisée sous la direction de la Professeure Sévane Garibian (Les tribunaux d’opinion face à l’impunité des crimes de masse : quelle légitimité pour quelle effectivité ?), et obtient la mention summa cum laude.

Ses recherches s’inscrivent principalement dans les domaines du droit pénal, des théories critiques du droit, de la philosophie du droit et de la justice transitionnelle.

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La pertinence des instruments de pronostic médico-légaux pour l’évaluation du risque de récidive

Les instruments de pronostic médico-légaux actuariels prennent en considération de manière limitée les changements biographiques influençant le risque de récidive, dont l’âge. Les outils de pronostic SPJ (Structured Professional Judgment), tels que FOTRES, tiennent en revanche compte de ces éléments évolutifs mais sont standardisés, de sorte qu’ils ne peuvent fonder à eux seuls une expertise visant à évaluer le risque de récidive (ici dans le cadre d’une conversion de mesure selon l’art. 56 al. 3 CP). Dès lors que ces outils reposent sur une généralisation de données empiriques, leurs résultats revêtent un rôle d’indice, parmi d’autres, dans le cadre de l’évaluation du risque. Les résultats doivent en tout état de cause être corroborés au moyen d’une analyse différenciée dans chaque cas d’espèce.

Signalement à des fins d’expulsion dans le Système d’information Schengen : inapplicabilité du principe de non-rétroactivité de la loi pénale

Dans la mesure où les principes de non-rétroactivité de la loi pénale et de la lex mitior (art. 2 al. 1 et 2 CP) s’appliquent aux dispositions légales posant les conditions d’une incrimination et prévoyant des sanctions (soit les peines et mesures applicables), ils n’entrent pas en ligne de compte s’agissant du signalement à des fins d’expulsion dans le Système d’information Schengen (SIS). Et pour cause, le signalement relève du droit d’exécution et ne constitue pas une sanction, contrairement à l’expulsion pénale per se (art. 66a ss CP). La nécessité du signalement doit être évaluée à l’aune du droit en vigueur au moment du prononcé de l’expulsion pénale.

L’exception au prononcé d’une interdiction à vie d’exercer une activité et la notion de « cas de peu gravité »

En cas de condamnation pour pornographie impliquant des actes d’ordre sexuel avec des mineurs, le principe est celui du prononcé d’une interdiction à vie de toute activité professionnelle et non professionnelle organisée supposant des contacts réguliers avec des mineurs (art. 67 al. 3 let. d ch. 2 CP). La renonciation exceptionnelle à cette interdiction suppose que soient remplies les conditions cumulatives prévues par l’art. 67 al. 4bis CP, à savoir qu’il s’agisse d’un cas de peu de gravité et que ladite interdiction ne paraisse pas nécessaire pour empêcher la récidive. Le tribunal doit renoncer à prononcer l’interdiction si ces deux conditions sont remplies et que les lettres a et b de cette même disposition (exception à l’exception) ne sont pas applicables. La notion de cas de peu de gravité doit être appréhendée strictement. Télécharger et détenir 136 images à contenu pornographique dur ne peut manifestement pas être interprété comme étant de peu de gravité.

Spectacle humoristique à relents négationnistes punissables :  des propos contraires aux valeurs de la CEDH ne bénéficient pas de la protection de la liberté d’expression

La remise en question de l’existence des chambres à gaz durant l’Holocauste constitue une négation de l’extermination systématique des personnes juives sous le régime nazi et est dès lors susceptible de réaliser les éléments constitutifs de l’art. 261bis par. 4 in fine CP (incriminant la négation, la minimisation ou la justification d’un génocide ou d’autres crimes contre l’humanité), même si les propos négationnistes sont tenus dans le cadre d’un spectacle humoristique. Si la protection de la liberté d’expression au sens de l’art. 10 CEDH couvre également la satire, elle est néanmoins restreinte par la clause de l’interdiction de l’abus de droit de l’art. 17 CEDH. Ainsi des propos contraires aux valeurs sous-tendant la CEDH se voient-ils soustraits à la protection de l’art. 10 CEDH par le biais de l’art. 17 CEDH.

Infraction d’abus d’autorité : le dessein de nuire à autrui peut résider dans l’acte de contrainte per se

Le Tribunal fédéral confirme sa jurisprudence relative à l’art. 312 CP incriminant l’abus d’autorité : l’agent étatique qui recourt, avec conscience et volonté, à un moyen de contrainte de manière excessive, accepte, à tout le moins, de causer un préjudice à autrui et se rend coupable de cette infraction, quand bien même son but serait légitime. Le dessein de porter préjudice à autrui, tel qu’exigé par l’art. 312 CP, peut résider dans l’acte de contrainte en soi. Dans de telles circonstances, l’intention en tant qu’élément constitutif subjectif n’a plus de portée indépendante. Par ailleurs, le principe d’accusation est respecté même si l’acte d’accusation ne mentionne pas que le recourant aurait dû s’attendre à humilier ou blesser la victime.

Condamnation de l’organe d’une société en tant que complice d’une infraction commise par cette personne morale

Le principe ne bis in idem est respecté lorsque l’organe d’une société est condamné pénalement en tant que complice d’une soustraction d’impôt pour laquelle la personne morale a déjà été sanctionnée comme auteure principale, dont la punissabilité découle de la faute de son organe. Un tel cumul de sanctions – qui est d’ailleurs autorisé par le texte clair de l’art. 181 al. 3 LIFD – n’est en effet pas contraire au droit fédéral, dès lors qu’une société et ses organes sont des sujets fiscaux indépendants et qu’il n’y a donc pas d’identité des personnes punies.

Le ministère public n’est tenu de participer à l’audience d’appel que lorsque la peine privative de liberté encourue par la personne prévenue est de plus d’un an

L’interprétation littérale de l’art. 337 al. 3 CPP est telle que le ministère public est notamment tenu de soutenir en personne l’accusation devant le tribunal lorsqu’il requiert une peine privative de liberté de plus d’un an, ce par quoi il faut comprendre 12 mois et un jour au minimum. Aussi le ministère public est-il dispensé de participer personnellement à l’audience d’appel lorsque la personne prévenue n’encourt pas une peine de plus d’un an. Ceci vaut également dans les cas de défense obligatoire. En l’espèce, le recourant a été condamné à 12 mois de privation de liberté en première instance et lui seul a fait appel de cette décision, le ministère public n’ayant donc pas requis de peine plus élevée. Étant admis que la juridiction d’appel ne peut pas prononcer une peine supérieure (art. 391 al. 2 CPP), le ministère public est dispensé de participer à l’audience.

La désignation en tant que juges suppléants d’individus exerçant une activité parallèle de greffiers au sein de la même Cour : violation du droit à un tribunal indépendant et impartial

Le Tribunal fédéral tranche une question qu’il avait jusqu’alors laissée ouverte, à savoir celle de la compatibilité, avec le principe de l’indépendance des juges, de la désignation, en qualité de juges suppléants, d’individus exerçant simultanément une activité de greffiers au sein de la même Cour. Il juge cette situation contraire au droit à un tribunal indépendant et impartial au sens des art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH, dès lors que, dans le cadre de leur activité principale de greffiers, les juges suppléants se trouvent dans un rapport hiérarchique avec les juges en chefs siégeant dans la même formation de jugement. La hiérarchie formelle qui existe à l’extérieur du collège de juges crée une apparence de hiérarchie informelle à l’intérieur de la formation de jugement, susceptible de porter atteinte à l’indépendance judiciaire des juges suppléants.

La fiction de retrait de l’appel déclaré par une partie ne pouvant pas être citée à comparaître

Un appel est réputé retiré si la partie qui l’a déclaré ne peut pas être citée à comparaître (art. 407 al. 1 let. c CPP). Les autorités doivent démontrer avoir entrepris tous les efforts nécessaires à l’identification du domicile de notification de la partie concernée, laquelle a toutefois un devoir de collaboration à cet égard. La fiction de retrait de l’appel trouve application même lorsqu’un conseil juridique a été désigné; en effet, lorsque le prévenu est tenu de comparaître personnellement, une communication de la convocation à l’adresse du conseil ne permet pas une notification juridiquement valable. La seule condition à la mise en œuvre de la fiction prévue à l’art. 407 al. 1 let. c CPP est l’impossibilité d’une notification en bonne et due forme de la citation à comparaître à la partie concernée. Le fait que celle-ci se soit faite représentée en audience d’appel ou qu’elle ait manifesté à son conseil juridique vouloir participer à la procédure n’est pas déterminant. En l’espèce, le recourant a fait preuve de mauvaise foi en formant appel contre le jugement de première instance mais en faisant simultanément échec à une notification valable de sa convocation à l’audience, ce par la renonciation à indiquer son lieu de résidence.

La responsabilité pénale du détenteur d’un compte Facebook public pour des publications de tiers constitutives de l’art. 261bis CP

En l’état actuel du droit suisse et à la différence de ce qui prévaut en droit français, il n’est pas de disposition légale qui régit la responsabilité pénale des utilisateurs de réseaux sociaux tels que Facebook pour la diffusion, sur leur compte et par des tiers, de contenus haineux ou discriminatoires et donc illégaux (art. 261bis CP). Il est contraire au principe de la légalité (art. 1 CP et 7 CEDH) de fonder une obligation de surveillance et modération des commentaires à charge du détenteur d’un compte sur la base d’un risque accru de diffusion de contenus illégaux, lui-même déduit de circonstances comme les sujets polémiques généralement débattus sur ledit compte ou le type de commentaires qui y sont fréquemment publiés.

Primauté d’application de la LAsi sur les dispositions pénales de la LEI en cas de décision de renvoi exécutoire : sanctions et principe de la légalité

L’art. 2 al. 1 LEI prévoit l’application de cette loi aux personnes étrangères dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral, en particulier celles de la LAsi. Lorsqu’une personne requérante d’asile fait l’objet d’une décision de renvoi exécutoire, l’obligation de collaborer à l’obtention de documents de voyage au sens de l’art. 8 al. 4 LAsi prime celle des art. 120 al. 1 let. e cum art. 90 let. c LEI. La LAsi ne prévoyant pas – contrairement à la LEI – de sanction pour la violation d’une telle obligation, une peine prononcée sur la base des art. 120 al. 1 let. e cum art. 90 let. c LEI – inapplicables dans une telle configuration – viole le principe de la légalité.

Classement partiel implicite et possibilité de complément de l’acte d’accusation après la décision de renvoi du Tribunal fédéral

Devant le tribunal, le ministère public n’est pas lié par l’appréciation juridique des faits contenue dans l’acte d’accusation et peut aller au-delà des propositions qu’il contient (art. 337 al. 2 CPP). Ce n’est toutefois possible que lorsque les faits décrits dans l’acte permettent cette autre qualification juridique. Sinon, une modification de l’acte est nécessaire en vertu de l’art. 333 al. 1 CPP. Des compléments d’information apportés par le ministère public dans son réquisitoire en première instance ne peuvent pas compenser une modification formelle de l’acte d’accusation. En particulier, la mention de la modification de l’accusation au procès-verbal de l’audience ne suffit pas à la rendre valable. Ce refus de complément de l’accusation constitue un classement partiel implicite et il ne saurait être reproché à la victime de ne pas l’avoir contesté, faute de décision de classement explicite indiquant les voies de droit. Lorsque la victime a formulé sa demande de complément de l’acte en première et deuxième instances et que cette requête n’a pas été traitée correctement, le complément demeure possible même après la décision de renvoi du Tribunal fédéral.