Camille Montavon

Camille Montavon

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Camille Montavon est docteure en droit et maître-assistante à l’Université de Genève, où elle est également co-responsable de la Law Clinic sur les droits des personnes vulnérables depuis 2022. Elle est chargée d’enseignement de la philosophie du droit pour le semestre d’automne 2024-2025 à l’Université de Neuchâtel. En 2024, elle est nommée membre du comité du Groupe suisse de criminologie (GSC) et réalise un séjour de recherche en tant que Visiting Research Fellow à la School of Law, Politics and Sociology de l’Université du Sussex.

Avant cela, Camille Montavon a travaillé en tant qu’assistante-doctorante au sein de la Chaire de droit pénal et de criminologie de l’Université de Neuchâtel. Dans ce cadre, elle a dispensé les travaux pratiques de droit pénal général. De 2017 à 2022, elle a par ailleurs été chercheuse associée au projet de recherche FNS Right to Truth, Truth(s) through Rights: Mass Crimes Impunity and Transitional Justice.

Ses recherches actuelles s’inscrivent principalement dans les domaines du droit pénal et de la philosophie du droit. Elle travaille plus spécifiquement sur les relations entre le droit pénal et la/les sexualité(s) et les identités de genre, avec un accent plus particulier sur les crimes de haine à l’encontre des personnes LGBTIQ+.

Voir ses Publications scientifiques et sur crimen.ch.

Tous ses articles

Abaissement contraire à la dignité humaine fondé sur l’origine ethnique, l’appartenance raciale et l’orientation sexuelle (art. 261bis CP)

Le terme « africain » entre dans la notion d’ethnie au sens de l’art. 261bis CP, dans la mesure où un tiers moyen non averti le comprend comme une désignation générique de toutes les ethnies africaines. Il n’est à cet égard pas pertinent de s’interroger sur la capacité des destinataires de la déclaration litigieuse à distinguer les différentes ethnies d’Afrique. Le mot « africain » est également inclus dans la caractéristique identitaire de la race car il est associé à la couleur de peau dans l’esprit de la majorité des individus. Les statuts de personne étrangère, réfugiée et requérante d’asile ne correspondent en revanche ni à une ethnie, ni à une race au sens de l’art. 261bis CP (confirmation de jurisprudence). Par ailleurs, l’assimilation des unions homosexuelles à des couples contre-nature revient à décrire l’homosexualité comme non naturelle et les personnes homosexuelles comme des citoyens de seconde zone, et conséquemment à les abaisser d’une façon contraire à la dignité humaine.

Affaire Soral : première condamnation pour incitation à la haine en raison de l’orientation sexuelle

Est constitutif d’une incitation à la haine (art. 261bis par. 1 CP) le fait de qualifier, dans une vidéo sur Internet, une journaliste de « militante queer » (dans le sens de désaxée) et de « grosse lesbienne militante pour les migrants ». Au vu des termes choisis, il ne fait pas de doute que le recourant se réfère à l’orientation sexuelle de la journaliste, soit une caractéristique protégée par l’art. 261bis CP depuis sa modification en 2020. Les termes lesbienne et queer ne sont pas utilisés dans un contexte neutre, mais dans un discours rabaissant et déshumanisant, incitant à mépriser la journaliste et l’ensemble des personnes homosexuelles en raison de leur orientation sexuelle.

Visites intimes en détention : un droit réservé aux personnes détenues pouvant justifier de relations stables et durables

Il est conforme au droit constitutionnel et au droit conventionnel, notamment au droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8 CEDH), de refuser, sur la base d’un règlement cantonal, une visite intime à un détenu qui ne peut justifier d’une relation stable et durable avec sa partenaire libre. Cette double condition de stabilité et de durabilité répond à la logique voulant que les visites (comme moyen de conserver des relations avec le monde extérieur selon l’art. 84 CP) visent le maintien de liens affectifs étroits entre proches.

Toxicodépendance, responsabilité pénale et expertise psychiatrique

L’autorité pénale (d’instruction ou de jugement) doit ordonner une expertise s’il existe une raison sérieuse de douter de la responsabilité de l’auteur (art. 20 CP), c’est-à-dire lorsqu’elle a effectivement des doutes à ce propos, ou qu’elle aurait dû en avoir compte tenu des circonstances. Une dépendance aux stupéfiants peut être un indice sérieux, propre à générer de tels doutes et à fonder la nécessité d’une expertise, mais uniquement si elle a entraîné une nette perturbation de la conscience, de la faculté volitive ou de la capacité à réagir de l’auteur au moment de la commission des faits. La consommation de drogues à elle seule ne suffit pas à jeter un doute sur la responsabilité pénale. De même, on ne saurait retenir une toxicodépendance et, dans le prolongement, mettre en question la pleine responsabilité de l’auteur, sur la seule base d’une consommation de plusieurs stupéfiants, surtout lorsque celle-ci est sporadique ; dans un tel cas, l’autorité n’est donc pas tenue d’ordonner une expertise.

Le prononcé d’une détention pour motifs de sûreté dans le cadre d’une décision judiciaire ultérieure à l’exécution d’une peine

Le prononcé d’une détention pour des motifs de sûreté en vue ou dans le cadre d’une décision judiciaire ultérieure indépendante suppose de sérieuses raisons de penser que l’exécution d’une peine ou d’une mesure privative de liberté sera ordonnée à l’encontre de la personne condamnée (art. 364a et 364b CPP). Ce changement de sanction (art. 65 al. 1 CP) est possible uniquement si, après l’entrée en force du jugement initial, de nouveaux faits ou moyens de preuves, alors inconnus du tribunal mais déjà existants au moment du premier jugement, sont apparus et satisfont les conditions d’une mesure. Conformément à la jurisprudence de la CourEDH, ces nouveaux faits et moyens de preuve doivent porter sur la nature de l’infraction ou sur la culpabilité, et non uniquement sur les conditions du prononcé ultérieur de la mesure.

La conversion d’une mesure ambulatoire en mesure institutionnelle à la suite d’une peine privative de liberté

La conversion d’une mesure thérapeutique ambulatoire en une mesure institutionnelle après l’exécution complète d’une peine privative de liberté (ici de neuf ans) porte sérieusement atteinte à la liberté personnelle de la personne qui en fait l’objet. Son prononcé suppose une dangerosité particulière de l’intéressé et une grave mise en danger de la sécurité publique après l’échec de la thérapie ambulatoire, ce qui doit être évalué au regard de la nature, ainsi que de la gravité des actes commis et prédits. La mesure institutionnelle doit être l’unique moyen d’atteindre le but de prévention, conformément à un examen strict de sa proportionnalité. À ce dernier égard, il s’impose de procéder à une mise en balance des intérêts de la sécurité publique et du droit à la liberté personnelle, la durée de la privation de liberté déjà subie devant être prise en compte. Plus cette dernière est importante, plus la probabilité et la gravité d’infractions futures doivent être élevées. S’agissant du prononcé d’une mesure institutionnelle, il convient toutefois de garder à l’esprit que la privation de liberté qu’elle induit n’existe pas pour elle-même, mais est mise au service d’un traitement efficace.

La pertinence des instruments de pronostic médico-légaux pour l’évaluation du risque de récidive

Les instruments de pronostic médico-légaux actuariels prennent en considération de manière limitée les changements biographiques influençant le risque de récidive, dont l’âge. Les outils de pronostic SPJ (Structured Professional Judgment), tels que FOTRES, tiennent en revanche compte de ces éléments évolutifs mais sont standardisés, de sorte qu’ils ne peuvent fonder à eux seuls une expertise visant à évaluer le risque de récidive (ici dans le cadre d’une conversion de mesure selon l’art. 56 al. 3 CP). Dès lors que ces outils reposent sur une généralisation de données empiriques, leurs résultats revêtent un rôle d’indice, parmi d’autres, dans le cadre de l’évaluation du risque. Les résultats doivent en tout état de cause être corroborés au moyen d’une analyse différenciée dans chaque cas d’espèce.

Signalement à des fins d’expulsion dans le Système d’information Schengen : inapplicabilité du principe de non-rétroactivité de la loi pénale

Dans la mesure où les principes de non-rétroactivité de la loi pénale et de la lex mitior (art. 2 al. 1 et 2 CP) s’appliquent aux dispositions légales posant les conditions d’une incrimination et prévoyant des sanctions (soit les peines et mesures applicables), ils n’entrent pas en ligne de compte s’agissant du signalement à des fins d’expulsion dans le Système d’information Schengen (SIS). Et pour cause, le signalement relève du droit d’exécution et ne constitue pas une sanction, contrairement à l’expulsion pénale per se (art. 66a ss CP). La nécessité du signalement doit être évaluée à l’aune du droit en vigueur au moment du prononcé de l’expulsion pénale.

L’exception au prononcé d’une interdiction à vie d’exercer une activité et la notion de « cas de peu gravité »

En cas de condamnation pour pornographie impliquant des actes d’ordre sexuel avec des mineurs, le principe est celui du prononcé d’une interdiction à vie de toute activité professionnelle et non professionnelle organisée supposant des contacts réguliers avec des mineurs (art. 67 al. 3 let. d ch. 2 CP). La renonciation exceptionnelle à cette interdiction suppose que soient remplies les conditions cumulatives prévues par l’art. 67 al. 4bis CP, à savoir qu’il s’agisse d’un cas de peu de gravité et que ladite interdiction ne paraisse pas nécessaire pour empêcher la récidive. Le tribunal doit renoncer à prononcer l’interdiction si ces deux conditions sont remplies et que les lettres a et b de cette même disposition (exception à l’exception) ne sont pas applicables. La notion de cas de peu de gravité doit être appréhendée strictement. Télécharger et détenir 136 images à contenu pornographique dur ne peut manifestement pas être interprété comme étant de peu de gravité.

Spectacle humoristique à relents négationnistes punissables :  des propos contraires aux valeurs de la CEDH ne bénéficient pas de la protection de la liberté d’expression

La remise en question de l’existence des chambres à gaz durant l’Holocauste constitue une négation de l’extermination systématique des personnes juives sous le régime nazi et est dès lors susceptible de réaliser les éléments constitutifs de l’art. 261bis par. 4 in fine CP (incriminant la négation, la minimisation ou la justification d’un génocide ou d’autres crimes contre l’humanité), même si les propos négationnistes sont tenus dans le cadre d’un spectacle humoristique. Si la protection de la liberté d’expression au sens de l’art. 10 CEDH couvre également la satire, elle est néanmoins restreinte par la clause de l’interdiction de l’abus de droit de l’art. 17 CEDH. Ainsi des propos contraires aux valeurs sous-tendant la CEDH se voient-ils soustraits à la protection de l’art. 10 CEDH par le biais de l’art. 17 CEDH.

Infraction d’abus d’autorité : le dessein de nuire à autrui peut résider dans l’acte de contrainte per se

Le Tribunal fédéral confirme sa jurisprudence relative à l’art. 312 CP incriminant l’abus d’autorité : l’agent étatique qui recourt, avec conscience et volonté, à un moyen de contrainte de manière excessive, accepte, à tout le moins, de causer un préjudice à autrui et se rend coupable de cette infraction, quand bien même son but serait légitime. Le dessein de porter préjudice à autrui, tel qu’exigé par l’art. 312 CP, peut résider dans l’acte de contrainte en soi. Dans de telles circonstances, l’intention en tant qu’élément constitutif subjectif n’a plus de portée indépendante. Par ailleurs, le principe d’accusation est respecté même si l’acte d’accusation ne mentionne pas que le recourant aurait dû s’attendre à humilier ou blesser la victime.

Condamnation de l’organe d’une société en tant que complice d’une infraction commise par cette personne morale

Le principe ne bis in idem est respecté lorsque l’organe d’une société est condamné pénalement en tant que complice d’une soustraction d’impôt pour laquelle la personne morale a déjà été sanctionnée comme auteure principale, dont la punissabilité découle de la faute de son organe. Un tel cumul de sanctions – qui est d’ailleurs autorisé par le texte clair de l’art. 181 al. 3 LIFD – n’est en effet pas contraire au droit fédéral, dès lors qu’une société et ses organes sont des sujets fiscaux indépendants et qu’il n’y a donc pas d’identité des personnes punies.