Kastriot Lubishtani

Kastriot Lubishtani

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Kastriot Lubishtani est titulaire du brevet d’avocat et doctorant en droit à l’Université de Lausanne où il rédige une thèse consacrée à l’incrimination et la répression du terrorisme en droit suisse avec une perspective de droit comparé. Bénéficiaire d’une bourse Doc.Mobility du Fonds national suisse, il a été chercheur invité à l’Institut Max Planck pour l’étude du crime, de la sécurité et du droit, à l’Université Libre de Bruxelles, à l’UC Berkeley School of Law et au British Institute of International and Comparative Law. Il est en outre co-fondateur de swissprivacy.law et appartient également au Peer Review Board des revues sui generis et ex/ante.

Ses champs de recherche se concentrent sur le droit pénal (général, spécial et de procédure), mais portent plus globalement sur le droit de la sécurité nationale et s’étendent au droit constitutionnel, ainsi qu’au droit de la protection des données et de la transparence.

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Tous ses articles

Production en justice de données soumises au secret bancaire : violation de l’art. 47 LB par dol éventuel

Un avocat ne saurait partir du principe que son client, aussi consciencieux se soit-il montré par le passé, a procédé au caviardage des données soumises au secret bancaire lorsqu’il lui remet un document bancaire en vue de sa production en justice. L’avocat doit prendre connaissance de l’intégralité du document et, cas échéant, caviarder les données qui ne l’ont pas été avant de le produire en justice. À défaut, l’avocat viole le secret bancaire (art. 47 al. 1 let. c LB) par dol éventuel.

Expulsion d’un étranger vers un État tiers sans examen de son droit à y séjourner

L’expulsion pénale d’un étranger (art. 66a CP) vers un « État tiers » doit être possible, ce qui suppose qu’il y bénéficie d’un droit de séjour. Lorsqu’elle est prononcée « vers un pays tiers » sans précision quant à l’État de destination, si ce n’est qu’il ne peut s’agir de l’État où l’étranger ne peut être renvoyé en raison du principe de non-refoulement, l’expulsion est contraire au droit fédéral.

Internement pour participation à une organisation terroriste ?

L’art. 2 LAQEI vise à protéger la sécurité publique avant la commission d’infractions et recule la répression avant le seuil de la tentative punissable. Partant, celui qui viole cette norme n’a ni porté ni voulu porter gravement atteinte aux biens juridiques que sont l’intégrité physique, psychique ou sexuelle au sens de l’art. 64 al. 1 CP. L’internement représentant une pure mesure de sûreté et l’ultima ratio, son prononcé n’entre donc pas en ligne de compte pour la seule participation à une organisation terroriste.

Entité publique en matière de fraude aux assurances sociales (art. 148a CP) : dénonciatrice ou partie plaignante ?

La reconnaissance de la qualité de lésé à l’État implique non seulement que celui-ci soit touché par l’infraction en cause dans des intérêts publics qu’il lui revient de défendre ou promouvoir, mais également qu’il soit directement atteint dans ses droits personnels. L’organe étatique qui agit en tant que détenteur de la puissance publique défend des intérêts publics, de sorte qu’il ne peut pas être simultanément touché directement dans des intérêts individuels qui lui sont propres, la sauvegarde des intérêts publics incombant ainsi au ministère public. Dans le contexte d’une fraude aux assurances sociales, une association de communes dont le but est la mise en œuvre d’une loi cantonale sur l’aide sociale ne peut donc pas se constituer partie plaignante et n’est que dénonciatrice.

Le recouvrement en Suisse par des particuliers d’amendes étrangères est punissable par l’art. 271 CP

Le recouvrement par une entreprise privée en Suisse d’une amende prononcée à raison d’une infraction à la loi sur la circulation routière d’un État étranger est constitutif d’actes exécutés sans droit pour un État étranger selon l’art. 271 CP. Il en va ainsi même si l’entreprise n’est pas directement mandatée par l’autorité étrangère, mais qu’elle opère pour une société tierce, car elle agit dans son intérêt et porte ainsi atteinte à la souveraineté de la Suisse.

Punissabilité du voyage à des fins de terrorisme selon l’art. 2 LAQEI

Le fait de voyager sur un territoire aux mains de l’organisation terroriste État islamique, de vivre en son sein et de participer à la vie s’y déroulant en tant que membre de la communauté et selon les tâches assignées à son genre tombe sous le coup de l’art. 2 Loi interdisant Al-Qaïda et État islamique (LAQEI). Un verdict de culpabilité fondé sur cette disposition, mais sans précision de la variante de l’incrimination commise, n’est contraire ni à l’art. 1 CP ni au droit d’être entendu. De plus, l’art. 2 LAQEI prime l’art. 74 al. 4 LRens tant et aussi longtemps que le Conseil fédéral n’a pas adopté une liste des organisations interdites au sens de l’art. 74 al. 1 LRens. Enfin, la LAQEI est une loi formelle respectant le principe de la légalité même si elle a été adoptée par voie d’urgence.

Traiter un individu de « Taliban » est une injure

Le fait que l’Afghanistan soit actuellement à nouveau sous le contrôle du régime des Taliban et que ce dernier entretienne des relations diplomatiques avec des États ne change rien au fait qu’il s’agit d’une organisation terroriste au sens de l’art. 260ter CP. Par conséquent, traiter un individu de « Taliban » doit être interprété en ce sens qu’il appartient à cette organisation et commet par là une infraction pénale, si bien qu’il s’agit d’une injure (art. 177 CP).

Juge dans la procédure simplifiée qui échoue, puis dans la procédure ordinaire : pas un motif de récusation en principe

Le fait pour un juge de la procédure ordinaire d’avoir siégé dans le tribunal ayant rejeté une procédure simplifiée ne constitue en principe pas un motif de récusation au sens de l’art. 56 let. f CPP. Il n’y a donc pas lieu de redouter une activité partiale lorsque la procédure simplifiée n’a pas abouti en raison du fait que le prévenu n’a pas confirmé ses aveux lors des débats. Il en va autrement lorsque la procédure simplifiée échoue parce que le tribunal considère que la sanction proposée par le ministère public est trop clémente et plus généralement lorsqu’un juge s’exprime dans la procédure simplifiée d’une manière ne laissant aucun doute quant au fait qu’il a déjà forgé sa conviction en tenant la culpabilité du prévenu pour établie.

Collecte en Suisse et remise sur sol étatsunien de données bancaires : condamnation pour actes exécutés sans droit pour un État étranger (art. 271 CP) confirmée

La collecte en Suisse d’une liste de clients d’une société de gestion de fortune, le voyage jusqu’aux États-Unis pour remettre ces données au U.S. Department of Justice en vue d’un Non Prosecution Agreement et leur remise effective à cette autorité étrangère sur sol étatsunien est un procédé qui a pour effet de contourner l’assistance administrative et l’entraide judiciaire, car il relève de la compétence exclusive des autorités suisses. Ce comportement réalise par conséquent les éléments constitutifs objectifs et subjectifs de l’art. 271 CP incriminant les actes exécutés sur territoire suisse et sans droit pour un État étranger.

Motif de récusation tiré de la lecture du dispositif immédiatement après les plaidoiries

La lecture du dispositif par un magistrat immédiatement après les plaidoiries et sans délibération avec le greffier fonde, au moins en apparence, une suspicion de partialité qui justifie l’admission d’une demande de récusation (art. 56 let. f CPP). En outre, le dépôt d’une telle demande six jours après le jour de l’audience correspondant au moment auquel le motif de récusation est connu n’est pas tardif au regard de l’art. 58 al. 1 CPP.

Compétence exclusive de l’autorité de recours (art. 20 CPP) lors d’une demande de récusation visant le ministère public (art. 59 al. 1 let. b CPP)

L’art. 59 al. 1 let. b CPP prévoit la compétence exclusive de l’autorité de recours (art. 20 CPP) pour connaître d’une demande de récusation visant le ministère public, notamment lorsque la cause est pendante devant le tribunal de première instance. Ce dernier n’est donc pas compétent dans une telle hypothèse contrairement à ce que retenait la jurisprudence cantonale zurichoise.

Comblement d’une lacune proprement dite aux art. 269 al. 2 CPP et 66a CP par rapport à l’art. 2 LAQEI

Bien que le catalogue respectif des art. 269 al. 2 CPP concernant les mesures de surveillance secrète et de l’art. 66a CP au sujet de l’expulsion obligatoire contienne l’art. 260ter (a)CP incriminant l’organisation criminelle (et terroriste), tel n’est pas le cas de l’art. 2 LAQEI (Loi fédérale interdisant Al-Qaïda et l’État islamique). L’interprétation des art. 269 al. 2 CPP et 66a CP conduit toutefois à retenir que l’absence de l’art. 2 LAQEI est une lacune proprement dite qui doit en conséquence être comblée modo legislatoris par l’autorité judiciaire (art. 1 al. 2 CC).