Kastriot Lubishtani

Kastriot Lubishtani

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Kastriot Lubishtani est titulaire du brevet d’avocat et doctorant en droit à l’Université de Lausanne où il rédige une thèse consacrée à l’incrimination et la répression du terrorisme en droit suisse avec une perspective de droit comparé. Bénéficiaire d’une bourse Doc.Mobility du Fonds national suisse, il a été chercheur invité à l’Institut Max Planck pour l’étude du crime, de la sécurité et du droit, à l’Université Libre de Bruxelles, à l’UC Berkeley School of Law et au British Institute of International and Comparative Law. Il est en outre co-fondateur de swissprivacy.law et appartient également au Peer Review Board des revues sui generis et ex/ante.

Ses champs de recherche se concentrent sur le droit pénal (général, spécial et de procédure), mais portent plus globalement sur le droit de la sécurité nationale et s’étendent au droit constitutionnel, ainsi qu’au droit de la protection des données et de la transparence.

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Traiter un individu de « Taliban » est une injure

Le fait que l’Afghanistan soit actuellement à nouveau sous le contrôle du régime des Taliban et que ce dernier entretienne des relations diplomatiques avec des États ne change rien au fait qu’il s’agit d’une organisation terroriste au sens de l’art. 260ter CP. Par conséquent, traiter un individu de « Taliban » doit être interprété en ce sens qu’il appartient à cette organisation et commet par là une infraction pénale, si bien qu’il s’agit d’une injure (art. 177 CP).

Juge dans la procédure simplifiée qui échoue, puis dans la procédure ordinaire : pas un motif de récusation en principe

Le fait pour un juge de la procédure ordinaire d’avoir siégé dans le tribunal ayant rejeté une procédure simplifiée ne constitue en principe pas un motif de récusation au sens de l’art. 56 let. f CPP. Il n’y a donc pas lieu de redouter une activité partiale lorsque la procédure simplifiée n’a pas abouti en raison du fait que le prévenu n’a pas confirmé ses aveux lors des débats. Il en va autrement lorsque la procédure simplifiée échoue parce que le tribunal considère que la sanction proposée par le ministère public est trop clémente et plus généralement lorsqu’un juge s’exprime dans la procédure simplifiée d’une manière ne laissant aucun doute quant au fait qu’il a déjà forgé sa conviction en tenant la culpabilité du prévenu pour établie.

Collecte en Suisse et remise sur sol étatsunien de données bancaires : condamnation pour actes exécutés sans droit pour un État étranger (art. 271 CP) confirmée

La collecte en Suisse d’une liste de clients d’une société de gestion de fortune, le voyage jusqu’aux États-Unis pour remettre ces données au U.S. Department of Justice en vue d’un Non Prosecution Agreement et leur remise effective à cette autorité étrangère sur sol étatsunien est un procédé qui a pour effet de contourner l’assistance administrative et l’entraide judiciaire, car il relève de la compétence exclusive des autorités suisses. Ce comportement réalise par conséquent les éléments constitutifs objectifs et subjectifs de l’art. 271 CP incriminant les actes exécutés sur territoire suisse et sans droit pour un État étranger.

Motif de récusation tiré de la lecture du dispositif immédiatement après les plaidoiries

La lecture du dispositif par un magistrat immédiatement après les plaidoiries et sans délibération avec le greffier fonde, au moins en apparence, une suspicion de partialité qui justifie l’admission d’une demande de récusation (art. 56 let. f CPP). En outre, le dépôt d’une telle demande six jours après le jour de l’audience correspondant au moment auquel le motif de récusation est connu n’est pas tardif au regard de l’art. 58 al. 1 CPP.

Compétence exclusive de l’autorité de recours (art. 20 CPP) lors d’une demande de récusation visant le ministère public (art. 59 al. 1 let. b CPP)

L’art. 59 al. 1 let. b CPP prévoit la compétence exclusive de l’autorité de recours (art. 20 CPP) pour connaître d’une demande de récusation visant le ministère public, notamment lorsque la cause est pendante devant le tribunal de première instance. Ce dernier n’est donc pas compétent dans une telle hypothèse contrairement à ce que retenait la jurisprudence cantonale zurichoise.

Comblement d’une lacune proprement dite aux art. 269 al. 2 CPP et 66a CP par rapport à l’art. 2 LAQEI

Bien que le catalogue respectif des art. 269 al. 2 CPP concernant les mesures de surveillance secrète et de l’art. 66a CP au sujet de l’expulsion obligatoire contienne l’art. 260ter (a)CP incriminant l’organisation criminelle (et terroriste), tel n’est pas le cas de l’art. 2 LAQEI (Loi fédérale interdisant Al-Qaïda et l’État islamique). L’interprétation des art. 269 al. 2 CPP et 66a CP conduit toutefois à retenir que l’absence de l’art. 2 LAQEI est une lacune proprement dite qui doit en conséquence être comblée modo legislatoris par l’autorité judiciaire (art. 1 al. 2 CC).

L’art. 392 al. 1 let. a CPP n’est applicable qu’en présence d’une appréciation différente des faits à l’exclusion d’une requalification juridique

Aux termes de l’art. 392 al. 1 let. a CPP, l’admission d’un recours de certains des prévenus ou condamnés permet l’annulation ou la modification de la décision attaquée en faveur des personnes qui n’ont pas interjeté recours pour autant que l’autorité supérieure se repose sur une appréciation différente des faits par rapport à l’autorité inférieure. Le Tribunal fédéral exclut ainsi l’application de l’art. 392 CPP pour une requalification juridique du même état de fait. À cet égard, le constat d’une violation du principe de célérité amène l’autorité de recours à considérer les actes constitutifs de celle-ci comme une question de fait justifiant l’application de l’art. 392 al. 1 let. a CPP.

Condamnation contraire au principe de la légalité pour violation d’une mise à ban en raison d’une durée de stationnement dépassée

Le stationnement autorisé durant des heures creuses indiquées au moyen d’un panneau de signalisation alors même que la zone fait l’objet d’une mise à ban est ouvert à un nombre indéterminé de personnes pendant ces heures. Dans cet espace-temps, il s’agit donc d’une route publique. Le dépassement de la durée de stationnement payé intervenu pendant ces heures s’analyse dès lors sous l’angle de la LCR et son ordonnance et non en relation à la mise à ban sanctionnée au moyen du droit cantonal. Il s’ensuit qu’une condamnation fondée sur la violation de la mise à ban est illicite, car elle est contraire au principe de la légalité.

Le délit d’initié secondaire (art. 154 al. 3 LIMF) est une infraction donnant lieu à extradition

Dans une procédure d’entraide, le fait de recevoir des informations d’intermédiaires provenant d’initiés primaires connus est, prima facie, constitutif du délit d’initié secondaire au sens de l’art. 154 al. 3 LIMF. Punissable par une peine privative de liberté d’un an au plus, cette infraction ne peut donner lieu à l’extradition vers les États-Unis sur la base du TExUS (art. 2 al. 1), mais tel pourrait être le cas sous l’angle du droit suisse (art. 35 al. 1 let. a EIMP). En vertu du principe de faveur, l’extradition peut donc être accordée.

L’art. 291 CP entre en concours parfait avec l’art. 119 cum 74 al. 1 let. a LEI

L’art. 119 cum 74 al. 1 let. a LEI a pour bien juridiquement protégé la sécurité et l’ordre publics, en particulier en matière de stupéfiants. Il se distingue donc de l’art. 291 CP qui protège l’autorité publique et vise à garantir l’exécution d’une expulsion judiciaire ou administrative. Partant, l’art. 291 CP entre en concours parfait avec l’art. 119 cum 74 al. 1 let. a LEI.

Le complétement factuel de l’acte d’accusation devant la juridiction d’appel

Lorsque la cause est entre les mains de la juridiction d’appel, l’interdiction de la reformatio in peius lui défend d’inviter le ministère public à procéder à un complétement factuel de l’acte d’accusation et, par là même, de rendre une déclaration de culpabilité étendue par rapport à celle du jugement attaqué du tribunal de première instance. Si l’autorité de poursuite procède toutefois en ce sens, l’art. 333 al. 2 CPP n’est pas applicable devant la juridiction d’appel, sauf à méconnaître le droit à un double degré de juridiction garanti par la LTF (art. 80 al. 2), le droit constitutionnel (art. 32 al. 3 Cst.) et le droit international des droits de l’homme (art. 2 par. 1 Protocole n° 7 CEDH).

Les conditions de la libération conditionnelle de l’internement

Les exigences de l’art. 64a al. 1 CP pour la libération conditionnelle de l’internement sont très strictes et la probabilité que l’auteur se conduise bien en liberté doit être élevée. L’âge et, conformément au principe de proportionnalité, les nombreuses années de privation de liberté, peuvent abstraitement être invoqués en faveur de la libération conditionnelle de la mesure d’internement. Il ne s’agit toutefois pas de critères absolus dans l’évaluation de la dangerosité d’une personne internée et ils doivent continuer à être mis en balance avec l’intérêt à la protection des victimes.