Laura Ces

Laura Ces

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Laura Ces est titulaire du brevet d’avocat. Elle est chercheuse au sein du Centre de droit pénal de l’Université de Lausanne et rédige une thèse de doctorat en droit pénal. Elle a effectué son stage d’avocat dans une étude à Genève, étude pour laquelle elle a continué d’exercer en tant que collaboratrice pendant presque deux ans après la réussite de son brevet. Elle a également travaillé pour l’ONG Trial International qui est active dans le domaine de la compétence universelle.

Ses recherches s’inscrivent principalement dans les domaines du droit pénal général et spécial, de la procédure pénale et du droit international pénal. 

Tous ses articles

Indemnisation forfaitaire du défenseur d’office et violation du droit d’être entendu

Le tribunal qui refuse d’accorder une rémunération effective de l’activité déployée par un défenseur d’office et décide de lui appliquer un taux forfaitaire arrêté par un règlement cantonal doit motiver sa décision. En ce sens, la simple mention qu’il n’y a pas lieu de s’écarter dudit forfait, complétée en deuxième instance par l’indication que le poste problématique, en l’espèce celui concernant la correspondance, est artificiellement gonflé par des activités qui ne remplissent pas les exigences légales pour prétendre à une indemnisation, ne sont pas suffisantes. Elles ne permettent pas de déterminer si le montant alloué couvre la rémunération du défenseur d’office.

Une attente de 17 mois entre le prononcé de l’exécution anticipée de la mesure et la mise en œuvre effective d’un traitement thérapeutique institutionnel viole l’art. 5 § 1 let. e CEDH

Le Tribunal fédéral juge qu’une attente de 17 mois entre le prononcé de l’exécution anticipée de la mesure thérapeutique institutionnelle (au sens de l’art. 59 CP) et la mise en œuvre effective de cette dernière viole l’art. 5 § 1 let. e CEDH. Cette conclusion est notamment motivée par le fait qu’une expertise psychiatrique réalisée en cours de procédure a mis en évidence l’effet néfaste d’un séjour en détention sur l’évolution de la maladie du recourant. De plus, le canton de Berne souffre d’un manque avéré de places de thérapie, ce qui implique de longs délais d’attente avant que la mesure ne puisse effectivement être exécutée. Dans ces circonstances, les autorités cantonales compétentes en matière d’exécution des peines et des mesures ne pouvaient se contenter de contacter, dans un premier temps, que trois des huit établissements susceptibles d’accueillir le recourant. Ce dernier a par conséquent droit à une indemnisation.

Amende additionnelle (art. 42 al. 4 CP) : le Tribunal fédéral précise sa jurisprudence

Le Tribunal fédéral précise sa jurisprudence en lien avec l’art. 42 al. 4 CP. Pour tenir compte du caractère accessoire de l’amende additionnelle, celle-ci ne peut dépasser un cinquième (20%) de la sanction globale – fixée en fonction de la culpabilité –, laquelle est composée de la peine principale avec sursis et de l’amende additionnelle.

Conversion d’une peine pécuniaire en peine privative de liberté de substitution et compatibilité avec la Directive européenne sur le retour

Selon la Directive européenne sur le retour, applicable en Suisse, les mesures de refoulement ont la priorité sur le prononcé d’une peine privative de liberté à l’encontre du ressortissant d’un pays tiers qui est en séjour illégal. Le prononcé d’une peine pécuniaire est compatible avec la Directive s’il n’entrave pas la procédure de renvoi. Dans l’hypothèse où la peine pécuniaire est convertie en une peine privative de liberté de substitution, l’autorité d’exécution doit s’assurer que la conversion est conforme à la réglementation européenne. A cette fin, il est nécessaire d’examiner le dossier relatif à la procédure de droit des étrangers menée à l’encontre de la personne concernée dès lors qu’il permet de déterminer si les mesures nécessaires à la mise en œuvre du renvoi ont été prises et si la conversion de la peine pécuniaire en peine privative de liberté de substitution et, le cas échéant son exécution ne compliquent pas le refoulement.

Refus d’ordonner une nouvelle expertise psychiatrique et préjudice juridique au sens de l’art. 394 let. b CPP

La personne qui souhaite recourir contre le refus du ministère public d’ordonner un acte d’instruction doit établir l’existence d’un préjudice juridique au sens de l’art. 394 let. b CPP. Un pareil préjudice est admis lorsque le refus d’instruire concerne des moyens de preuve qui risquent de disparaître. Si le refus d’instruire porte sur la mise en œuvre d’une nouvelle expertise psychiatrique, le risque que le moyen de preuve disparaisse réside dans le fait que la procédure de première instance a lieu, en règle générale, plusieurs mois voire plusieurs années après l’établissement de l’expertise. Si le tribunal du fond devait arriver à la conclusion que l’expertise psychiatrique présente des lacunes ou est inexploitable, la mise en œuvre d’une nouvelle expertise, après l’écoulement d’un temps conséquent, ne serait potentiellement plus pertinente. Il revient en principe au recourant de démontrer que ce risque pourrait se réaliser.

Saisie de données signalétiques et établissement d’un profil ADN : rappel à l’ordre du Tribunal fédéral

La saisie de données signalétiques ainsi que le prélèvement d’un échantillon et l’établissement d’un profil ADN, s’ils ne servent pas à élucider une infraction pour laquelle une instruction pénale est en cours, ne sont conformes au principe de la proportionnalité que s’il existe des indices sérieux et concrets de l’implication du prévenu dans d’autres infractions, mêmes futures. De plus, il doit s’agir d’infractions revêtant une certaine gravité. En l’espèce, le Tribunal fédéral a considéré que la seule inscription, dans le casier judiciaire du prévenu, d’une condamnation pour une infraction à la LStup ainsi qu’à la LCR ne suffit pas pour retenir que de tels indices existent.

L’utilisation d’une planche de surf à propulsion (eFoil) sur le lac Léman est interdite

Les normes réprimant l’utilisation d’une planche de surf à propulsion (eFoil) sur le lac Léman sont formulées de façon suffisamment claire et précise pour permettre de s’y conformer et, en cas de violation, prévoir les conséquences qui en découlent. La condamnation d’un individu à une amende après que ce dernier a fait usage d’un eFoil sur les rives genevoises du Léman ne viole par conséquent pas le principe de la légalité (art. 1 CP).

Toute personne détenue administrativement en vue de son renvoi doit pouvoir accéder à Internet

La détention administrative sert à assurer l’exécution de la procédure de renvoi. Cela implique que le régime d’exécution est allégé par rapport à celui de la détention provisoire ou de l’exécution des peines privatives de liberté. Dans ce cadre, des restrictions aux droits fondamentaux ne sont admissibles que pour des motifs liés à la sécurité ou au bon fonctionnement de l’établissement carcéral. Il s’ensuit qu’un enfermement de 18 heures par jour en cellule n’est pas conforme au but et au sens de la détention en vue du renvoi et viole le droit à la liberté personnelle. Il ne se justifie pas non plus d’interdire de manière générale l’accès à Internet. Une telle interdiction constitue en effet une restriction disproportionnée aux libertés d’opinion et d’information.

L’utilisation du compte « réservé » d’un détenu afin de financer en partie ses frais de santé n’est pas contraire au droit

Le condamné doit participer aux frais d’exécution de la sanction dans une mesure appropriée par compensation de ceux-ci avec les prestations de travail. Il revient aux cantons de préciser les modalités de participation (art. 380 al. 2 let. a et al. 3 CP). Les cantons peuvent prévoir dans leur législation, sans violer le droit fédéral, qu’une partie de la rémunération du détenu soit prélevée de son compte « réservé » afin de financer ses frais de santé non couverts. Le montant prélevé doit toutefois respecter le principe de la proportionnalité et ne doit dès lors pas empêcher le détenu de subvenir à ses besoins personnels, ni l’entraver dans son épargne en vue de sa libération.

Entité publique en matière de fraude aux assurances sociales (art. 148a CP) : dénonciatrice ou partie plaignante ?

La reconnaissance de la qualité de lésé à l’État implique non seulement que celui-ci soit touché par l’infraction en cause dans des intérêts publics qu’il lui revient de défendre ou promouvoir, mais également qu’il soit directement atteint dans ses droits personnels. L’organe étatique qui agit en tant que détenteur de la puissance publique défend des intérêts publics, de sorte qu’il ne peut pas être simultanément touché directement dans des intérêts individuels qui lui sont propres, la sauvegarde des intérêts publics incombant ainsi au ministère public. Dans le contexte d’une fraude aux assurances sociales, une association de communes dont le but est la mise en œuvre d’une loi cantonale sur l’aide sociale ne peut donc pas se constituer partie plaignante et n’est que dénonciatrice.

Le séjour préalable dans un établissement ouvert ne constitue pas une condition impérative de l’octroi du travail externe (art. 77a CP)

Le régime du travail externe intervient en principe après un séjour d’une durée appropriée dans un établissement ouvert ou dans la section ouverte d’un établissement fermé conformément à l’art. 77a al. 2 CP et aux dispositions intercantonales et cantonales d’application. Il ne s’agit toutefois pas d’une condition impérative, ce qui ressort notamment de l’utilisation du terme « en principe » dans lesdites dispositions. Le régime du travail externe ne peut dès lors pas être refusé au seul motif que la personne condamnée n’a pas effectué un tel séjour.

Indemnisation d’un tiers dans le cadre d’une procédure pénale (art. 434 CPP) : absence de la qualité pour recourir du ministère public

Aux termes de l’art. 81 al. 1 let. b ch. 3 LTF, le ministère public a la qualité pour former un recours en matière pénale lorsqu’il dispose d’un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée. Tel n’est pas le cas lorsqu’il recourt contre l’indemnisation accordée à un tiers non impliqué dans la procédure, dès lors que la décision ne concerne pas un domaine d’activité du ministère public et ne représente par conséquent pas un intérêt que celui-ci est chargé de défendre.