Le séjour préalable dans un établissement ouvert ne constitue pas une condition impérative de l’octroi du travail externe (art. 77a CP)

Le régime du travail externe intervient en principe après un séjour d’une durée appropriée dans un établissement ouvert ou dans la section ouverte d’un établissement fermé conformément à l’art. 77a al. 2 CP et aux dispositions intercantonales et cantonales d’application. Il ne s’agit toutefois pas d’une condition impérative, ce qui ressort notamment de l’utilisation du terme « en principe » dans lesdites dispositions. Le régime du travail externe ne peut dès lors pas être refusé au seul motif que la personne condamnée n’a pas effectué un tel séjour.

I. En fait

A a été condamné en 2019 pour escroquerie par métier, gestion déloyale aggravée, gestion fautive, faux dans les titres et soustraction d’objets mis sous main de l’autorité à une peine privative de liberté de cinq ans et demi. Au cours de l’année 2021, il a été sommé deux fois par l’Office d’exécution de peines vaudois (OEP) de se présenter aux Établissements de la plaine de l’Orbe afin d’exécuter le solde de sa peine sous le régime de la détention ordinaire. Les deux ordres d’exécution de la peine ont toutefois été annulés, le médecin conseil du Service pénitentiaire ayant constaté l’inaptitude de A, pour des raisons médicales, à effectuer sa peine. Le deuxième avis émis par le médecin précisait toutefois que A serait apte à exécuter sa peine, dès le 3 janvier 2022, avec prise en charge du service médical de l’établissement carcéral.

A a requis le 30 septembre 2021 de pouvoir exécuter le solde de sa peine sous le régime du travail et logement externes. L’OEP l’a toutefois convoqué le 7 octobre 2021 pour qu’il effectue sa peine en régime de détention ordinaire dès le 12 janvier 2022 et a, par décision du 3 novembre 2021, refusé sa demande en lien avec le régime du travail et logement externes. A recourt devant le Tribunal cantonal qui confirme la décision de l’OEP puis porte sa cause devant le Tribunal fédéral. 

II. En droit

Le recourant se plaint notamment d’une violation de l’art. 77a CP qui régit le travail externe et le logement externe ainsi que des dispositions intercantonales et cantonales d’application (art. 106 al. 2 LTF) (c. 2).

Le Tribunal fédéral commence par rappeler que le travail externe représente l’étape finale de la progression d’un détenu avant sa libération conditionnelle ou définitive. Aux termes de l’art. 77a CP, l’octroi du régime du travail externe est subordonné à la réalisation de trois conditions. Premièrement, et dès lors que le travail externe constitue une phase d’élargissement progressif de l’exécution de la sanction et non pas un mode d’exécution (TF 6B_131 2016 du 3.3.2016, c. 2.2), le détenu doit avoir subi une partie de sa peine correspondant, en général, à la moitié de cette dernière. De plus, le détenu ne doit pas présenter de risque de fuite ou de récidive. Ces deux conditions, de nature impérative, sont complétées par une troisième exigeant que le détenu ait, en principe, été placé en milieu ouvert pendant une durée appropriée (établissement ouvert ou section ouverte d’un établissement fermé) (c. 2.2).

Les exigences de l’art. 77a CP sont concrétisées, dans le canton de Vaud par les art. 164 ss du Règlement vaudois du 16 août 2017 sur le statut des personnes condamnées exécutant une peine privative de liberté ou une mesure (ci-après : RSPC) ainsi que la Décision concordataire du 25 septembre 2008 de la Conférence latine des autorités cantonales compétentes en matière d’exécution des peines et des mesures concernant le travail externe ainsi que le travail et le logement externes (ci-après : la Décision concordataire) (c. 2.3). L’art. 164 RSPC ainsi que l’art. 1 al. 6 Décision concordataire disposent que la durée maximale du travail externe ne doit, en principe, pas excéder douze mois, phase de travail et logement externes compris. Tout en précisant que l’art. 77a CP ne constitue désormais plus une « Kannvorschrift » – contrairement à ce qui prévalait pour la semi-liberté sous l’ancien droit – le Tribunal fédéral confirme sa jurisprudence de 2006, laquelle relève que les directives fixant la durée minimale et maximale de la semi-liberté à respectivement trois et douze mois ne violent pas le droit fédéral. Il précise toutefois que la limitation de la durée du travail et du logement externes dans les directives à un maximum de douze mois ne doit pas constituer une limite rigide dès lors qu’il est nécessaire de pouvoir prendre en compte les situations individuelles (c. 2.4).

Dans le cas d’espèce, la cour cantonale a refusé d’octroyer le régime du travail externe au recourant en argumentant que ledit régime ne constitue pas une modalité d’exécution de la peine, mais une phase de l’élargissement progressif de cette dernière. Ainsi, pour pouvoir en bénéficier, il serait nécessaire, selon l’instance cantonale, que la personne se trouve en détention ou qu’elle soit placée par l’autorité. L’utilisation du terme « détenu » à l’art. 77a CP  ainsi que la référence aux « personnes placées dans un établissement d’exécution de peines ou de mesures ainsi que celles placées dans un établissement ou une structure non pénitentiaire » à l’art. 161 RSPC le confirmerait. Le recourant considère quant à lui remplir les conditions de l’art. 77a CP dès lors qu’il a exécuté, principalement en détention provisoire, plus de la moitié de sa peine et qu’en ayant passé plusieurs années en liberté sans commettre d’infraction il démontre ne présenter ni risque de fuite ni de récidive (c. 2.5.1).

Le Tribunal fédéral relève que l’usage, à l’art. 77a al. 2 CP tout comme aux art. 165 al. 1 let. b RSPC et 4 al. 1 let. b Décision concordataire, du terme « en principe » révèle que la condition du séjour préalable en milieu ouvert n’est pas de nature impérative. Notre Haute Cour ajoute également que la libération conditionnelle, qui constitue la dernière phase de l’exécution d’une peine privative de liberté, peut être accordée directement après la détention provisoire. Il n’est pas nécessaire que le condamné se trouve en détention lorsque la décision de libération conditionnelle est prise. Le Tribunal fédéral arrive ainsi à la conclusion que les mêmes principes peuvent s’appliquer à la phase qui précède la libération conditionnelle, soit le régime du travail externe (c. 2.5.2).

La cour cantonale ne pouvait ainsi, sans violer le droit fédéral, considérer le séjour préalable en milieu ouvert comme une condition impérative de l’octroi du régime de travail externe et le refuser sur cette base. Par conséquent, le Tribunal fédéral admet le recours et renvoie la cause à la cour cantonale pour qu’elle détermine si les conditions du travail externe sont en l’espèce données (c. 2.5.3).

Proposition de citation : Laura Ces, Le séjour préalable dans un établissement ouvert ne constitue pas une condition impérative de l’octroi du travail externe (art. 77a CP), in : https://www.crimen.ch/130/ du 19 août 2022