Amende additionnelle (art. 42 al. 4 CP) : le Tribunal fédéral précise sa jurisprudence

Le Tribunal fédéral précise sa jurisprudence en lien avec l’art. 42 al. 4 CP. Pour tenir compte du caractère accessoire de l’amende additionnelle, celle-ci ne peut dépasser un cinquième (20%) de la sanction globale – fixée en fonction de la culpabilité –, laquelle est composée de la peine principale avec sursis et de l’amende additionnelle.

I. En fait    

Par jugement du 7 juin 2021, le Tribunal de district de Lucerne condamne A à une peine pécuniaire avec sursis de 25 jours-amende à CHF 30.- avec un délai d’épreuve de deux ans ainsi qu’à une amende de CHF 900.- pour diverses violations de la LCR et de la LStup. Il fixe en outre à 30 jours la peine privative de liberté de substitution en cas de paiement non-fautif. Saisi d’un appel, le Tribunal cantonal lucernois confirme la condamnation mais réduit la peine pécuniaire prononcée avec sursis à 19 jours-amende à CHF 30.- et l’amende à CHF 280.- (dont 100.- d’amende pour la contravention à la LStup, sanctionnée de façon indépendante). Le délai d’épreuve reste inchangé et la peine privative de liberté de substitution est abaissée à neuf jours. Le Ministère public forme recours devant le Tribunal fédéral contre cette décision et conclut à ce que A soit condamné à une peine pécuniaire avec sursis de 25 jours-amende à CHF 30.- assortie d’un délai d’épreuve de deux ans et à une amende de CHF 280.-, laquelle devra être convertie en une peine privative de liberté de substitution de 9 jours en cas de non-paiement fautif de l’amende.

II. En droit

Dans son recours, le Ministère public fait valoir une violation de l’art. 42 al. 4 CP. D’après lui, l’instance d’appel aurait à tort soustrait la valeur convertie de l’amende additionnelle de la peine pécuniaire avec sursis, la réduisant ainsi de 25 à 19 jours-amende à CHF 30.- (c. 1.1.1).

Le Tribunal cantonal lucernois retient quant à lui qu’eu égard aux circonstances du cas d’espèce une peine pécuniaire avec sursis de 25 jours-amende à CHF 30.- avec un délai d’épreuve de deux ans était adaptée à la culpabilité de A. Une amende additionnelle au sens de l’art. 42 al. 4 CP devait toutefois être prononcée afin que le condamné prenne conscience de la gravité de la situation. Considérant que l’amende additionnelle ne peut en principe pas aller au-delà d’un cinquième de la peine principale, l’autorité d’appel prononce une amende complémentaire de CHF 180.- et ramène la peine pécuniaire à 19 jours-amende à CHF 30.-. Elle prononce finalement une amende de CHF 100.- (non contestée dans le cadre du recours) s’agissant de l’infraction à la LStup (c. 1.2).

Aux termes de l’art. 42 al. 4 CP, le juge peut prononcer, en plus d’une peine avec sursis, une amende à titre de sanction immédiate (art. 106 CP). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le prononcé d’amende additionnelle entre en considération lorsque, malgré l’octroi du sursis pour une peine pécuniaire ou privative de liberté, l’autorité pénale souhaite infliger à l’auteur une amende dont il doit s’acquitter. Le cumul de peines poursuit des buts de prévention spéciale. En outre, la peine privative de liberté ou la peine pécuniaire assortie du sursis revêt une importance prépondérante au contraire de l’amende additionnelle qui ne joue qu’un rôle secondaire. Le prononcé d’une amende additionnelle ne doit pas aboutir à une aggravation de la peine globale ou permettre une peine supplémentaire. Cela permet uniquement à l’autorité pénale de prononcer, dans le cadre de la peine adaptée à la culpabilité, une sanction conforme à la gravité des faits et à la personnalité de l’auteur (ATF 146 IV 145, c. 2.2 ; ATF 135 IV 188, c. 3.3). Afin de satisfaire au caractère accessoire de l’amende immédiate, le Tribunal fédéral a fixé sa limite supérieure à un cinquième, sans préciser sur quelle quotité de peine le cinquième est calculé (ATF 146 IV 145, c. 2.2 selon lequel « Der Verbindungsbusse darf gegenüber der bedingten Strafe nur untergeordnete Bedeutung zukommen. Die Obergrenze beträgt grundsätzlich einen Fünftel » ; ATF 135 IV 188, c. 3.4.4). Des exceptions à cette règle sont envisageables à l’égard de peines moins élevées dans le but de garantir que la peine immédiate ne soit réduite à un montant symbolique (ATF 135 IV 188, c. 3.4.4) (c. 1.3.1).

Afin de préciser sa jurisprudence, le Tribunal fédéral souligne que l’amende additionnelle au sens de l’art. 42 al. 4 CP ne peut pas aller au-delà d’un cinquième (soit 20%) de la sanction proportionnée à la culpabilité, laquelle est composée de la peine principale avec sursis ainsi que de l’amende additionnelle (ATF 135 IV 188, c. 3.4.4 ; TF 6B_1232/2013 du 31.1.2014, c. 5 ; TF 6B_83/2010 du 8.7.2010, c. 6.1 contrairement aux arrêts TF 6B_773/2022 du 26.10.2022, c. 5.1 ; TF 6B_784/2022 du 5.10.2022, c. 1.2.4 ; TF 6B_498/2021 du 30.5.2002, c. 2.2, qui fixent la limite supérieure de l’amende additionnelle à 20% de la sanction principale ou de la peine pécuniaire avec sursis) (c. 1.3.2).

Dans le cas d’espèce, l’instance d’appel a considéré, compte tenu de l’ensemble des circonstances, qu’une peine pécuniaire avec sursis de 25 jours-amende à CHF 30.- correspondait à la faute de l’auteur. Afin d’attirer l’attention de l’intimé sur la gravité de la situation, il était également indiqué de prononcer une amende additionnelle. Le Tribunal cantonal lucernois a de ce fait réduit la sanction à 19 jours-amende à CHF 30.- pour la compléter d’une amende de CHF 180.-. Il a ainsi réparti la sanction de 25 jours-amende à CHF 30.- entre la sanction principale prononcée avec sursis et l’amende additionnelle. Rappelant la limite fixée, le Tribunal fédéral constate que dans le cas d’espèce, l’amende additionnelle ne peut par conséquent dépasser CHF 150.- (25×30 = 750 ; 750×20% = 150). Dès lors, l’amende additionnelle à laquelle A a été condamné se situe au-delà du cadre des 20% autorisés. Elle n’est en principe pas admissible et viole l’art. 42 al. 4 CP (c. 1.4.1)

Toutefois, le recours ne portait pas sur une réduction de l’amende additionnelle à CHF 150.-, mais tendait à une augmentation de la peine pécuniaire (prononcée avec sursis). Le Tribunal fédéral relève que si l’art. 42 al. 4 CP prévoit la possibilité d’infliger une amende additionnelle, ladite base légale ne permet pas de contester la peine principale, laquelle est fixée selon les règles générales des art. 47 ss CP. Notre Haute Cour observe à cet égard que le recours ne contient aucune motivation quant à l’absence de conformité au droit de la peine principale prononcée (art. 42 al. 2 LTF) (c. 1.4.2).

Le Tribunal fédéral rejette par conséquent le recours dans la mesure de sa recevabilité (c. 2).

III. Commentaire

Cette décision du Tribunal fédéral vient préciser un point important en matière de peine immédiate complémentaire selon l’art. 42 al. 4 CP. Si elle réaffirme la limite de 20%, elle souligne qu’elle doit être calculée sur la sanction globale (combinée) et non pas sur la peine pécuniaire prononcée avec sursis (dite peine principale). Elle prend ainsi le contre-pied d’une série de jurisprudences récentes rendue sur la question retenant que l’amende complémentaire devait s’élever au maximum à 20% de la peine principale (et non globale) (arrêts TF 6B_773/2022 du 26.10.2022, c. 5.1, TF 6B_784/2022 du 5.10.2022, c. 1.2.4, TF 6B_498/2021 du 30.05.2002, c. 2.2). Notons que le regeste de l’ATF 135 IV 188 indique que la peine immédiate pouvait se monter à « un cinquième, respectivement à 20 %, de la peine principale ». Or, le texte de l’arrêt au considérant 3.4.4 calcule le maximum de la peine additionnelle à 20% de la peine combinée. L’interprétation de l’art. 42 al. 4 CP méritait donc une clarification, bienvenue dans cet arrêt. 

Toutefois, le Tribunal fédéral aurait pu s’assurer du respect de ces principes en définissant une méthode. En effet, le raisonnement de la Cour cantonale était à notre sens méthodiquement correct, mais mathématiquement inexact : après avoir fixé une peine correspondant à la culpabilité (25 jours-amende à CHF 30.-), les juges cantonaux ont réparti celle-ci entre une peine principale (de 19 jours-amende à CHF 30.-) et une peine immédiate (le solde, à savoir 6 jours-amende à CHF 30.- « transformés » en amende ferme de CHF 180.-). Or, la répartition effectuée dans un second temps aurait dû correspondre à 4/5e pour la peine principale (soit 20 jours-amende à 30.-) et 1/5e (5xCHF 30.-) pour la sanction immédiate. Le Tribunal fédéral, bien qu’il semble implicitement approuver la méthode, se borne à rappeler que la sanction immédiate ne saurait dépasser un cinquième de la sanction globale. Pour les juges de siège, cela devrait selon nous signifier qu’il faut procéder en fixant d’abord la sanction proportionnée à la faute puis en la répartissant – correctement toutefois. Il ne faudrait pas, en revanche, qu’une sanction principale soit fixée eu égard à la culpabilité et conformément à l’usage des tribunaux du lieu, assortie du sursis, puis qu’elle soit divisée par quatre (et non par cinq) pour déterminer l’amende immédiate, sans réduction de la peine principale. Le ou la juge pourrait ensuite motiver la décision en indiquant que la culpabilité du prévenu justifie le total cumulé des peines, point sur lequel son large pouvoir d’appréciation n’est revu qu’avec une extrême retenue par le Tribunal fédéral. De fait, il nous aurait semblé préférable que la méthode soit précisée, pour éviter que la peine immédiate représente en réalité une double sanction.

Proposition de citation : Camille Perrier Depeursinge/Laura Ces, Amende additionnelle (art. 42 al. 4 CP) : le Tribunal fédéral précise sa jurisprudence, in : https://www.crimen.ch/214/ du 12 septembre 2023