Les articles en droit matériel
Le prononcé d’une détention pour motifs de sûreté dans le cadre d’une décision judiciaire ultérieure à l’exécution d’une peine
Le prononcé d’une détention pour des motifs de sûreté en vue ou dans le cadre d’une décision judiciaire ultérieure indépendante suppose de sérieuses raisons de penser que l’exécution d’une peine ou d’une mesure privative de liberté sera ordonnée à l’encontre de la personne condamnée (art. 364a et 364b CPP). Ce changement de sanction (art. 65 al. 1 CP) est possible uniquement si, après l’entrée en force du jugement initial, de nouveaux faits ou moyens de preuves, alors inconnus du tribunal mais déjà existants au moment du premier jugement, sont apparus et satisfont les conditions d’une mesure. Conformément à la jurisprudence de la CourEDH, ces nouveaux faits et moyens de preuve doivent porter sur la nature de l’infraction ou sur la culpabilité, et non uniquement sur les conditions du prononcé ultérieur de la mesure.
Violation de l’obligation d’entretien (art. 217 CP) : le juge pénal doit toujours établir concrètement la capacité du débiteur de s’acquitter de la contribution d’entretien (condition objective de punissabilité)
Une condamnation pour violation de l’obligation d’entretien (art. 217 CP) suppose que le débiteur dispose de moyens suffisants pour s’acquitter de ses obligations, ce qui constitue une condition objective de punissabilité. Dans le cadre de cet examen, le juge pénal doit procéder à une analyse « concrète » de la capacité financière du prévenu, en se référant si besoin aux éléments établis par le juge civil. Entrent dans la capacité financière concrète du prévenu tant ses moyens actuels que les possibilités de gain qui lui sont offertes et qu’il pourrait accepter.
Les critères de fixation de la peine en cas de viol, tentative de viol et contrainte sexuelle commis en commun (art. 49 et 200 CP)
Lorsque plusieurs actes d’ordre sexuel sont commis en commun, l’autorité de jugement doit, selon la jurisprudence rendue en application de l’art. 49 CP, fixer une sanction hypothétique pour chaque acte (avec aggravation pour commission en commun selon l’art. 200 CP) afin de déterminer la peine d’ensemble conforme à la culpabilité du prévenu. À cet égard, il est conforme au droit de tenir compte de la durée d’un viol comme facteur participant à déterminer la culpabilité au sein de l’art. 47 CP.
Prescription des poursuites pénales en raison de la lenteur de l’instruction : le procureur jugé pour entrave à l’action pénale
Le procureur qui engage l’accusation devant le Tribunal de première instance deux mois et demi avant la prescription de l’action pénale ne se rend pas coupable d’entrave à l’action pénale au sens de l’art. 305 al. 1 CP, malgré le classement subséquent de la procédure, faute pour le Tribunal d’avoir pu rendre son jugement avant l’échéance du délai de prescription. Compte tenu des circonstances, le magistrat pouvait légitimement espérer que les procédures seraient menées à terme en temps voulu. Son comportement relève de la négligence consciente et échappe à la sanction pénale.
Une attente de 17 mois entre le prononcé de l’exécution anticipée de la mesure et la mise en œuvre effective d’un traitement thérapeutique institutionnel viole l’art. 5 § 1 let. e CEDH
Le Tribunal fédéral juge qu’une attente de 17 mois entre le prononcé de l’exécution anticipée de la mesure thérapeutique institutionnelle (au sens de l’art. 59 CP) et la mise en œuvre effective de cette dernière viole l’art. 5 § 1 let. e CEDH. Cette conclusion est notamment motivée par le fait qu’une expertise psychiatrique réalisée en cours de procédure a mis en évidence l’effet néfaste d’un séjour en détention sur l’évolution de la maladie du recourant. De plus, le canton de Berne souffre d’un manque avéré de places de thérapie, ce qui implique de longs délais d’attente avant que la mesure ne puisse effectivement être exécutée. Dans ces circonstances, les autorités cantonales compétentes en matière d’exécution des peines et des mesures ne pouvaient se contenter de contacter, dans un premier temps, que trois des huit établissements susceptibles d’accueillir le recourant. Ce dernier a par conséquent droit à une indemnisation.
Pour lire des messages WhatsApp injurieux, il vaut mieux rester en Suisse
Dans le cas de propos injurieux adressés, depuis l’étranger, à un tiers se trouvant à l’étranger par le biais de la messagerie WhatsApp, puis relayés au lésé se trouvant en Suisse, le résultat de l’infraction qu’est l’injure survient au lieu de (la première) prise de connaissance des propos. La compétence territoriale des autorités pénales suisses fondée sur le lieu du résultat (art. 3 al. 1 cum 8 al. 1 CP) est niée.
Violation du domaine secret ou du domaine privé au moyen d’un appareil de prises de vues (art. 179quater CP) : filmer une partie commune d’immeuble ne réalise pas les éléments constitutifs objectifs de l’infraction
Filmer une partie commune d’un immeuble d’habitation sans le consentement des autres habitants ne constitue pas une infraction au sens de l’art. 179quater CP. En effet, les occupants de l’immeuble ne disposent pas d’un droit exclusif les uns par rapport aux autres et ne bénéficient donc pas d’une protection de leur sphère privée en ces lieux.
La victime de traite d’êtres humains n’a pas de droit à obtenir de l’État une indemnisation LAVI correspondant au salaire non perçu
Le texte de la loi qui exclut le dommage purement économique et/ou patrimonial de l’indemnisation LAVI est clair et correspond à la volonté du législateur. Le fait que le recourant, victime de traite d’êtres humains, n’ait pas le droit d’obtenir de l’État une indemnisation LAVI correspondant au salaire non perçu ne saurait par conséquent être corrigé par la voie de l’interprétation. De même, il ne peut être conclu à l’existence d’une lacune proprement dite, qui devrait être comblée par le juge.
Obligation de s’annoncer auprès des autorités sanitaires cantonales au retour d’une zone à risque : l’exigence de précision de l’ordonnance Covid-19 alors en vigueur fait défaut
Une voyageuse ayant rempli une carte de contact de l’OFSP ne peut se voir condamnée sur la base de l’art. 83 al. 1 let. k et al. 2 LEp au motif qu’elle n’a pas simultanément averti les autorités sanitaires cantonales de son entrée en Suisse. Cette obligation d’annonce, prévue dans l’ordonnance Covid-19 sur le transport international des voyageurs en vigueur jusqu’en février 2021, ne saurait être assimilée à l’obligation de faire connaître son identité, ses coordonnées et son itinéraire ancrée à l’art. 41 al. 2 let. a LEp. L’intéressée ne pouvait donc pas être condamnée sur la base de cette disposition. Même à considérer ces deux obligations comme équivalentes, la voyageuse n’a pas enfreint ses devoirs dès lors qu’elle a rempli une carte de contact de l’OFSP.
Viol et contrainte sexuelle : la question de l’éventuel consentement d’une victime ne peut pas être tranchée sur la seule base de vidéos des actes d’ordre sexuel
L’autorité cantonale qui retient que des jeunes femmes ont consenti à des actes d’ordre sexuel sur la base de vidéos, alors que leurs déclarations et des expertises sexologiques indiquent le contraire, sombre dans l’arbitraire. De même, il est manifestement inexact d’établir que le photographe amateur qui a mis en place une stratégie pour obtenir des actes d’ordre sexuel de ses modèles ignorait que ces dernières n’étaient pas consentantes.
Le stealthing est constitutif de désagréments causés par la confrontation à un acte d’ordre sexuel (art. 198 al. 2 CP)
Le stealthing, soit le fait de retirer son préservatif à l’insu de son ou sa partenaire durant un rapport sexuel consenti, est constitutif de désagréments causés par la confrontation à un acte d’ordre sexuel (art. 198 al. 2 CP), en l’état actuel du droit pénal en matière sexuelle. En effet, cette disposition a fonction d’infraction subsidiaire, lorsque, comme dans le cas d’espèce, la contrainte ou l’abus fait défaut. En retirant son préservatif à l’insu de sa partenaire, délibérément, tout en étant conscient que celle-ci pensait qu’il en portait un et ne souhaitait pas qu’il le retire, l’auteur commet un acte d’ordre sexuel sans son consentement et se rend ainsi coupable d’infraction à l’art. 198 al. 2 CP.
La prise en charge des frais d’avocat selon la LAVI
Les frais d’avocat au sens de la LAVI ne peuvent être réclamés qu’au titre d’aide immédiate ou d’aide à plus long terme (art. 13 LAVI) et non au titre d’indemnité (art. 19 LAVI). En outre, la victime LAVI qui ne requiert pas l’assistance judiciaire gratuite dans la procédure pénale peut encore demander ultérieurement la prise en charge de ses frais d’avocat par le biais de l’aide aux victimes. La seconde institution n’est pas subsidiaire à la première.