I. En fait
Par jugement du 1er mars 2022, A est condamné à une peine privative de liberté de 180 jours, sous déduction de 2 jours de détention provisoire, ainsi qu’à une amende de CHF 800.- pour diverses infractions (vol, violation de domicile, séjour illégal et contravention LStup).
Saisie sur appel de A, la 2ème Chambre pénale de la Cour suprême bernoise réforme partiellement le jugement de première instance et libère A de l’accusation de vol. Elle le condamne à 120 jours de peine privative de liberté, sous déduction de 2 jours de détention provisoire, ainsi qu’à une peine pécuniaire de 12 jours-amende à CHF 10.- et une amende de CHF 350.-.
A interjette recours au Tribunal fédéral et conclut à ce qu’une peine privative de liberté de 90 jours soit prononcée à son encontre, sous déduction de 4 jours de détention provisoire, et que l’ensemble des frais de la procédure bernoise soit laissé à la charge du canton de Berne. A titre subsidiaire, il conclut à l’annulation du jugement attaqué et à ce que la cause soit renvoyée à l’instance précédente pour nouvelle décision.
II. En droit
Dans un premier grief, le recourant se plaint d’une violation de son droit d’être entendu, plus spécifiquement que l’arrêt attaqué serait motivé de manière insuffisante s’agissant de la fixation de la peine. Après avoir rappelé les principes applicables en la matière (c. 1.1 ss), en particulier sa jurisprudence en matière de concours (art. 49 CP ; ATF 149 IV 217, c. 1.1 ; ATF 144 IV 313, c. 1.2 et les références citées), le Tribunal fédéral parvient à la même conclusion. En effet, si l’autorité précédente a invoqué un certain nombre d’éléments à charge contre le recourant, force est d’admettre que la motivation reste insuffisante. En particulier, le jugement attaqué est muet sur la nature des actes appréhendés comme trois infractions distinctes à l’art. 119 LEI, sous l’angle de l’unité d’action ou de la notion de délit continu. Par ailleurs, la Cour suprême bernoise n’expose pas dans quelle mesure les précédentes « nombreuses condamnations » de A justifieraient une augmentation de plus d’un tiers de la peine globale fixée pour les quatre infractions retenues en concours, d’autant moins que le casier judiciaire du recourant n’est pas retranscrit dans l’arrêt entrepris. Notre Haute Cour rappelle effectivement qu’elle a précédemment jugé que la prise en compte d’antécédents, et l’augmentation de la quotité qui en découle, ne devait pas revenir à punir une seconde fois le prévenu pour des actes déjà jugés (ATF 120 IV 136, c. 3b ; TF 6B_49/2012 du 5.7.2012, c. 1.2). Le recours doit par conséquent être admis sur ce point (c. 1.2 à 1.4).
A se plaint également d’une violation de l’art. 51 CP. Il estime que l’autorité précédente aurait dû imputer quatre jours de détention provisoire, et non pas uniquement deux, sur la peine privative prononcée. Selon lui, chaque jour de détention provisoire entamé doit être considéré comme un jour complet de détention à imputer. Dans ses déterminations, la Cour suprême bernoise soutient, quant à elle, que seuls les jours complets, soit 24 heures, doivent être imputés, ce qui n’inclut pas une détention qui se situe « à cheval » sur deux jours (c. 2). Se référant à l’art. 110 al. 7 CP, le Tribunal fédéral expose que la notion de « détention avant jugement » vise toute détention ordonnée en cours d’un procès pénal pour les besoins de l’instruction, pour des motifs de sûreté ou en vue de l’extradition. La privation de liberté à subir doit ainsi, chaque fois que cela est possible, être compensée avec la détention déjà subie (ATF 135 IV 126, c. 1.3.6 et les références citées). La doctrine précise que l’unité déterminante dans ce cadre est le « jour ». Selon l’art. 110 al. 6 1ère phrase CP, le jour est compté à raison de 24 heures consécutives, et non pas nécessairement de 00h00 à 23h59. Cela étant, la question de savoir combien de jours de détention avant jugement doivent être imputés lorsque la détention s’étend sur deux jours civils consécutifs n’est pas réglée par l’art. 51 CP (c. 2.1).
Notre Haute Cour constate qu’elle n’a pas tranché la question de la durée minimale de la détention avant jugement nécessaire pour pouvoir imputer une durée de détention s’étendant sur deux jours (soit lorsque l’arrestation intervient le premier jour et la libération le lendemain). Elle relève toutefois avoir déjà jugé qu’une fraction de jour de détention devait être comptabilisée comme un jour complet (TF 6B_65/2012 du 23.2.2012, c. 1). La doctrine va dans le même sens et ajoute que si la détention avant jugement s’étend sur deux jours civils consécutifs, le deuxième jour n’est imputé que si la durée totale dépasse 24 heures. Certains auteurs soutiennent cependant que dans cette dernière hypothèse, l’imputation doit être de deux jours, peu importe que la durée totale de privation de liberté ne dépasse pas 24 heures. Selon eux, dès qu’une détention d’au moins 12 heures s’étend sur deux jours civils consécutifs, ce sont deux jours qui doivent être imputés en application de l’art. 51 CP (c. 2.2.1).
Se référant aux différentes méthodes d’interprétation de la loi, le Tribunal fédéral expose que le sens purement littéral des art. 51 CP cum art. 110 CP conduit à retenir qu’un jour est compté à raison de 24 heures, soit 48 heures pour pouvoir imputer deux jours de détention avant jugement (c. 2.2.2). D’un point de vue historique, le Message du Conseil fédéral n’apporte aucune précision sur ce point (not. FF 1999 II 1787 ss, ch. 213.26) (c. 2.2.3). La méthode téléologique commande d’examiner l’esprit et l’intérêt protégé de la disposition, qui vise ici à « indemniser » le condamné pour l’atteinte causée à son droit fondamental à la liberté personnelle (ATF 133 IV 150, c. 5.1). Vu l’atteinte causée, on ne saurait exiger l’écoulement de 24 heures effectives pour comptabiliser un jour à imputer, respectivement 48 heures pour deux jours. Dès lors, il faut plutôt admettre qu’un jour entamé de détention doit être imputé en principe comme un jour complet. Cependant, ce principe ne peut être transposé au deuxième jour incomplet et consécutif de détention, sous peine de provoquer des inégalités de traitement selon l’heure d’arrestation et de libération. En effet, une personne arrêtée à 23h puis relâchée le lendemain à 3h du matin, soit après 4 heures de détention, bénéficierait d’une imputation de deux jours, tandis que celle arrêtée à 3h du matin et relâchée le même jour à 23h se verrait imputer qu’un jour, alors que la détention a duré 20 heures. De même, le prévenu arrêté plusieurs fois durant quelques heures, mais réparties sur deux jours consécutifs, ne serait pas traité de la même manière qu’une personne arrêtée plusieurs fois le même jour. Cela étant, une interprétation conforme impose de tenir compte d’un minimum d’heures effectivement passées en détention, lorsqu’un deuxième jour civil est entamé, pour calculer l’imputation sur la peine. Le modèle « d’au moins 12 heures de détention » proposé par certains auteurs constitue une solution médiane, qui ne gomme toutefois pas entièrement le risque d’inégalité de traitement précité (c. 2.2.4).
Au regard des développements qui précèdent, notre Haute Cour est d’avis qu’il y a lieu de retenir qu’une fraction de jour de détention doit être comptée comme un jour complet à imputer sur la peine. Mais lorsque la détention avant jugement s’étend sur deux jours civils consécutifs, celle-ci doit dépasser la durée minimale de 24 heures pour donner droit à l’imputation de deux jours de détention sur la peine (c. 2.3).
Dans le cas d’espèce, le recourant a été détenu entre les 5 et 6 octobre 2020 puis entre les 26 et 27 février 2021, mais aucune de ces périodes prises isolément n’a dépassé 24 heures. Par conséquent, c’est sans violer le droit fédéral que l’autorité précédente a déduit un total de deux jours pour les deux périodes de détention considérées, et non pas quatre (c. 2.4).
Le recours est partiellement admis, le jugement attaqué annulé et la cause renvoyée à l’autorité cantonale pour nouvelle décision (c. 3).