I. En fait
Il est reproché à A, de nationalité suisse, d’avoir contraint B, sa compagne, à subir deux relations sexuelles au Kosovo le 17 avril 2012. Par la suite, entre 2014 et 2019, A aurait régulièrement étranglé et frappé B au domicile conjugal situé en Suisse. Durant cette même période, il aurait également menacé B de lui faire du mal ainsi qu’à sa famille, de la tuer et de lui prendre leurs enfants.
Par jugement du 30 juin 2022, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne, constate qu’A s’est rendu coupable de lésions corporelles simples qualifiées, voies de fait qualifiées, injure, menaces qualifiées, viol et insoumission à une décision de l’autorité. Il le condamne à 36 mois de peine privative de liberté et à 20 jours-amende à CHF 30.- l’un, ainsi qu’à une amende de CHF 200.-. Par jugement du 22 mars 2023, la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal vaudois rejette le recours le recours de A et confirme le jugement querellé.
A interjette recours en matière pénale contre le jugement sur appel auprès du Tribunal fédéral.
II. En droit
Dans son recours, A invoque notamment une violation de l’art. 7 al. 3 CP et du principe de la lex mitior en lien avec le viol commis au Kosovo qui lui est reproché. Selon lui, les faits reprochés doivent être qualifiés sous l’angle du droit kosovar comme « la commission d’actes sexuels au moyen de menaces d’atteinte à l’honneur ou à la réputation » sur la base de l’art. 194 du Provisional Criminal Code of Kosovo (ci-après : PCCK). Or, et en application de l’art. 90 al. 1 ch. 4 PCCK, cette infraction est prescrite. L’application de ce droit plus favorable exclurait donc la condamnation d’A pour viol (c. 3 et 3.4).
Après avoir admis la compétence de la Suisse pour poursuivre les faits (art. 6 et 7 CP) (c. 3.2 à 3.2.2), le Tribunal fédéral débute son analyse de la double incrimination des faits et relève que son examen doit se faire de manière abstraite. Ainsi, l’acte commis à l’étranger ne peut être sanctionné en Suisse que s’il est réprimé tant en Suisse qu’au lieu de commission, soit qu’il y soit visé par une norme pénale en vigueur. La norme pénale se définit comme toute règle de droit qui prescrit l’application d’une sanction par l’État comme conséquence d’un comportement humain. Elle ne suppose ni identité quant au type de sanction, ni correspondance quant au cadre dans lequel la peine doit être fixée, mais bien le fait que la punissabilité concerne un seul et même sujet de droit (c. 3.2.3).
Le juge suisse qui examine sa compétence et l’applicabilité territoriale du CP n’a donc pas à s’interroger préliminairement sur le respect des garanties de procédure offertes au prévenu et doit se limiter à examiner si le droit du lieu de commission prescrit également l’application d’une sanction au comportement qui doit être jugé en Suisse selon le droit pénal suisse. En effet, une parfaite identité n’est pas exigée dans la conception des normes suisse et étrangère et la prescription ne constitue pas un élément pertinent à ce stade de l’examen (c. 3.2.5).
Ainsi, et bien que le juge n’ait pas à prendre en considération la prescription au lieu de commission au stade de l’examen de la double incrimination abstraite, l’art. 7 al. 3 CP impose de tenir compte du droit le plus favorable. Dans ces circonstances, la question se pose de savoir si la prescription selon le droit du lieu de commission de l’infraction – en l’espèce, le Kosovo – ne constituerait pas une circonstance faisant apparaître ce droit comme plus favorable (3.4.1).
À ce propos, notre Haute Cour rappelle que dans une jurisprudence antérieure, elle avait notamment considéré que, dans le cas d’actes sexuels commis à l’occasion de vacances en Italie par un auteur suisse sur un mineur de la même nationalité, l’art. 5, deuxième phrase aCP (« la loi étrangère sera toutefois applicable si elle est plus favorable à l’inculpé ») n’implique pas la prise en considération des exigences du droit étranger quant au dépôt d’une plainte, qui en l’espèce n’avait pas été déposée, alors que le droit italien y subordonnait la poursuite de l’infraction (ATF 99 IV 257 c. 1 et 5). De ce fait, l’approche historique de la question aboutit à une interprétation littérale et restrictive du texte et limite la portée de l’application du principe de la lex mitior à la quotité de la peine (c. 3.4.2).
S’agissant de la doctrine existante sur le sujet, le Tribunal fédéral arrive à la conclusion qu’aucun auteur ne soutient expressément que la prescription constituerait un élément à considérer au titre de la lex mitior réservée par les art. 6 al. 2 et 7 al. 3 CP, ni même qu’il faudrait interpréter la loi dans ce sens (c. 3.4.3).
En outre, contrairement à ce qui est prévu dans le domaine de l’entraide, le législateur n’a pas expressément exigé de prendre en compte la prescription comme un élément du droit plus favorable au sens des art. 6 et 7 CP. De plus, le texte même des art. 6 al. 2 et 3, ainsi que de l’art. 7 al. 3 et 4 CP suggère plutôt une intention contraire. Cela ressort également du Message du Conseil fédéral concernant la modification du code pénal suisse du 21 septembre 1998 (FF 1999 II 1787, 1803, ch. 211.323) qui souligne à la fois l’importance de la comparaison des sanctions mais également l’intention de dispenser le juge suisse de l’obligation bien souvent impossible à respecter dans la pratique d’appliquer le droit étranger. Enfin, bien que le principe de la légalité impose d’assurer la prévisibilité des conséquences d’un comportement et puisse de ce fait entrer en ligne de compte en tant qu’élément susceptible de contribuer à la délimitation du champ d’application extraterritoriale du CP, on ne peut admettre une interprétation trop extensive de ce principe. En effet, lorsqu’il est établi que le droit en vigueur au lieu de commission et au moment des faits réprime le comportement adopté par l’auteur, il n’y a manifestement pas lieu de se demander encore si l’auteur aurait agi en escomptant déjà le bénéfice d’une prescription plus favorable. Partant, rien n’indique que le législateur suisse ait souhaité permettre au prévenu de se prévaloir de la prescription selon le droit du lieu de commission à ce stade (c. 3.4.3).
Par conséquent, le Tribunal fédéral considère que la Cour cantonale n’a pas méconnu les règles de droit fédéral en excluant la prescription du droit du lieu de commission dans la prise en compte du droit étranger plus favorable. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable (c. 3.5 et 5).