I. En fait
Le 25 octobre 2023, le Tribunal du district de March a condamné le recourant pour plusieurs infractions à la Loi fédérale sur la circulation routière (RS 741.01). Le dispositif de la décision lui a été communiqué vraisemblablement le 30 octobre 2023 ; le recourant a transmis son annonce d’appel le 10 novembre 2023 (selon le timbre postal). Le Tribunal de district a transmis l’annonce d’appel du recourant au Tribunal cantonal de Schwyz pour qu’il statue sur le respect des délais (art. 399 CPP) tout en proposant une non-entrée en matière en raison de son caractère tardif. Par lettre du 22 novembre 2023, le président du Tribunal cantonal a renvoyé l’affaire au Tribunal de district en indiquant que la juridiction d’appel n’aurait pas dû statuer sur le respect des délais qu’après la transmission du dossier et de la motivation du jugement conformément à l’art. 399 al. 2 CPP. Selon la lettre du président du Tribunal cantonal, le Tribunal de district aurait dû vérifier les conditions pour renoncer à une motivation écrite et vérifier le respect des délais à la lumière de l’art. 82 al. 2 CPP.
Par décision du 24 novembre 2023, le Tribunal de district n’est pas entré en matière sur l’annonce d’appel du 10 novembre 2023 ; le 6 décembre 2023, le recourant a déposé un recours au Tribunal cantonal à l’encontre de cette dernière décision et le 7 décembre 2023, le Tribunal cantonal a invité le recourant à signer l’acte de sa propre main dans un délai de dix jours. Cette ordonnance, envoyée par lettre recommandée et n’ayant pas été retirée par le recourant, a été retournée par la Poste au Tribunal cantonal. Le Tribunal cantonal lui a alors notifié le 29 décembre 2023 par poste A plus l’ordonnance du 7 décembre 2023. Comme le recourant n’a pas donné suite à l’invitation de signer son recours, le Tribunal cantonal n’est pas entré en matière par décision du 29 décembre 2023.
Le 17 janvier 2024, le recourant dépose un recours à l’encontre de cette dernière décision auprès du Tribunal fédéral (TF)
II. En droit
La question de savoir si le recours est tardif est laissée ouverte par notre Haute Cour au motif que d’autres raisons – exposées ci-après – justifient une non-entrée en matière (c. 2).
D’abord, le TF rappelle que le recours doit être motivé ; les motifs doivent exposer de manière succincte en quoi l’acte attaqué viole le droit, ils doivent être pertinents et indiquer en quoi le droit aurait été violé conformément aux art. 42 et 95 LTF (ATF 146 IV 297, c. 1.2 ; ATF 142 I 99, c. 1.7.1 ; et arrêts cités). Le TF n’entre pas en matière sur des griefs insuffisamment motivés (ATF 147 IV 73, c. 4.1.2 ; et arrêts cités) (c. 3).
In casu, les juges du TF considèrent que le recourant se contente de s’en prendre aux circonstances de fait en lien avec les infractions alléguées et de demander un réexamen de son cas et une nouvelle évaluation de la sanction. Par cette démarche, le recourant conteste sa condamnation en tant que telle (qui n’est pas l’objet de la décision attaquée) et il n’aborde pas la question de savoir si, en l’absence d’une signature valable, l’autorité précédente aurait dû entrer en matière. De ce fait, le TF n’entre pas en matière sur le recours (c. 4).
Selon notre Haute Cour, il convient cependant de rappeler une nouvelle fois au Tribunal cantonal de Schwyz que ce n’est pas au tribunal de première instance, mais bien à la juridiction d’appel de statuer sur le respect des délais de l’annonce d’appel (cf. art. 403 al. 1 let. a CPP ; TF 6B_1336/2019 du 6.2.20, c. 4). L’appréciation concernant le respect des délais peut en effet soulever des questions de fait et de droit délicates et par l’art. 403 al. 1 let. a CPP, le législateur a choisi d’attribuer cette tâche à la juridiction d’appel (c. 5).
Selon l’art. 399 al. 2 CPP, lorsque le jugement motivé est rédigé, le tribunal de première instance transmet l’annonce et le dossier à la juridiction d’appel. Lorsque les conditions de l’art. 82 al. 1 CPP sont remplies, le tribunal de première instance peut renoncer à une motivation écrite du jugement. Cependant, le jugement motivé doit être notifié ultérieurement lorsqu’une des parties fait un recours (art. 82 al. 2 let. b CPP) ; tel est le cas lorsqu’une annonce d’appel est transmise conformément à l’art. 399 al. 1 CPP. La doctrine suggère que dans de tels cas, il doit être possible pour le tribunal de première instance, pour des raisons d’économie de procédure et afin d’éviter un contournement de l’art. 82 al. 2 let. a CPP, de transmettre l’annonce d’appel à la juridiction d’appel accompagnée d’une demande de non-entrée en matière, sans motivation écrite, dès qu’il estime que l’annonce d’appel est tardive et qu’il peut renoncer à une motivation écrite. Si la juridiction d’appel déclare l’annonce recevable, le jugement de première instance doit être motivé par écrit (cf. CR CPP-Kistler Vianin, art. 399 N 8a ; Jo Pitteloud, Code de procédure pénale suisse, N 1177 ; Praxiskommentar StPO-Jositsch/Schmid, art. 399 CPP N 5a concernant le retrait de l’appel). Notre Haute Cour souligne qu’il convient de suivre cette opinion de doctrine qui s’oppose aux arguments évoqués par le Tribunal cantonal par lettre du 22 novembre 2023. Ainsi, le TF considère que le tribunal de première instance ne peut pas faire des constatations contraignantes sur la recevabilité de l’annonce d’appel. En outre – avant que la juridiction d’appel se prononce sur la recevabilité – il ne peut pas refuser de rédiger par écrit la motivation de la décision au motif que l’annonce d’appel a été déposée de manière tardive (c. 5).
Enfin, notre Haute Cour rappelle la teneur de la théorie de l’évidence (Evidenztheorie) élaborée par la jurisprudence selon laquelle les décisions sont nulles lorsqu’elles sont entachées d’un vice grave, manifeste (ou du moins facilement décelable) et si la constatation de la nullité ne met pas sérieusement en danger la sécurité du droit (ATF 148 IV 445, c. 1.4.2 ; 147 IV 93, c. 1.4.4 ; 145 IV 197, c. 1.3.2 ; et arrêts cités). En l’espèce, dans sa décision du 24 novembre 2023, le Tribunal de district ne s’est pas seulement prononcé sur la nécessité de motiver par écrit la décision de première instance, mais il a indiqué expressément de n’être pas entrée en matière sur l’annonce d’appel du 10 novembre 2023. L’incompétence du Tribunal de district est manifeste et il faut ainsi partir du principe que la décision est nulle ; en outre, la sécurité juridique n’est pas affectée par la déclaration de nullité. Ainsi, le Tribunal de district doit transmettre l’annonce d’appel et le dossier au Tribunal d’appel pour qu’il examine si elle a été déposée dans les délais. Si tel est le cas, la décision de première instance doit être motivée ultérieurement par écrit (c. 6).
Sur la base de ce qui précède, notre Haute Cour déclare la non-entrée en matière et renvoie l’affaire au Tribunal de district pour décision dans le sens des considérants (c. 7).