Le 10 décembre 2020, A a été reconnu coupable par le Tribunal de district d’Olten-Gösgen (SO) de multiples actes d’ordre sexuel avec des enfants, de pornographie et de désagréments causés par la confrontation à un acte d’ordre sexuel et a notamment été condamné à une peine privative de liberté de 30 mois. Le jugement prévoyait également que le recourant soit maintenu en détention pour des motifs de sûreté jusqu’à son entrée en force, mais au plus tard jusqu’au 9 mars 2021. A a formé appel contre ledit jugement.
Le 9 mars 2021, A a déposé une requête de mise en liberté, laquelle relevait que la durée de détention fixée dans le jugement avait expiré. Le même jour, le juge instructeur de l’autorité d’appel, soit de la Chambre pénale du Tribunal cantonal soleurois a ordonné provisoirement la prolongation de la détention pour des motifs de sûreté jusqu’au 12 mars 2021, soit jusqu’à ce qu’une décision formelle soit rendue quant au maintien de la détention. A a conclu à sa mise en liberté immédiate et, si elle devait être refusée, à ce qu’il soit constaté que sa détention était illicite depuis le 10 mars 2021 jusqu’au prononcé de la nouvelle décision, faute de titre de détention valable.
Le 12 mars 2021, le juge instructeur du Tribunal cantonal a rejeté la demande de mise en liberté et a prolongé la détention de A jusqu’à la lecture du jugement de deuxième instance. Le dispositif de la décision précisait, sans qu’il ne soit fait mention de l’illégalité de la détention, que la demande d’indemnisation et de réparation morale serait tranchée dans la décision finale. A a formé recours par-devant le Tribunal fédéral contre ladite décision.
Entrant en matière sur le recours (c. 1), le Tribunal fédéral rappelle qu’une détention pour des motifs de sûreté limitée dans le temps par le juge de première instance qui l’a prononcée doit être prolongée en temps utile, mais à tout le moins avant l’expiration de la précédente décision ordonnant ou maintenant la mesure de privation de liberté (cf. art. 227 al. 2 CPP ; ATF 139 IV 94, c. 2.3). Durant la procédure d’appel, et dans le cas où la détention pour des motifs de sûreté prononcée en première instance n’aurait pas été limitée dans le temps, la direction de la procédure ne réexamine ladite détention que sur demande du détenu (art. 233 CPP), un contrôle périodique de la mesure de privation de liberté n’ayant pas lieu d’office (ATF 139 IV 186, c. 2.2 s). Le Tribunal fédéral relève qu’en l’espèce ni le jugement du Tribunal de première instance ni l’ordonnance provisoire du 9 avril 2021 ne constituent un titre de détention valable justifiant la privation de liberté subie par le recourant entre le 10 et le 12 mars 2021, A ainsi que le Ministère public ne s’étant vu accorder la possibilité d’exercer leur droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst. en relation avec l’art. 31 al. 1 Cst. ; art. 225, 227 al. 3 et 232 al. 1 CPP). Notre Haute Cour souligne également qu’une détention qui a pris fin ne peut pas, par définition, être prolongée. Elle doit ainsi être à nouveau ordonnée (art. 232 CPP), si des motifs la justifient encore, par l’autorité habilitée à le faire (c. 2.1).
Le Tribunal fédéral rappelle ensuite que l’absence temporaire d’un titre de détention dans le cadre d’une procédure d’appel n’entraîne pas automatiquement une libération immédiate (ATF 139 IV 94, c. 2.3.2 ss). L’expiration de la période pour laquelle la détention a été ordonnée (art. 212 al. 2 let. b CPP en relation avec les art. 226 al. 4 let. a et 227 al. 7 CPP) ou la violation du principe de célérité (art. 5 al. 2 CPP) constituent toutefois dans certains cas des motifs pouvant conduire à la remise en liberté du détenu. Lorsqu’il s’agit de déterminer s’il convient d’ordonner une libération immédiate, la présomption d’innocence (art. 10 al. 1 CPP) doit également être prise en compte. Dans le cas d’espèce, le Tribunal fédéral considère que même si la direction de la procédure n’a pas prolongé formellement en temps utile la détention pour des motifs de sûreté et que la nouvelle détention a été prononcée tardivement, une remise en liberté immédiate n’est pas justifiée. Selon lui, cette conclusion s’impose notamment au motif que l’absence de titre est apparue au cours d’une détention pour des motifs de sûreté prononcée par un tribunal de première instance après un verdict de culpabilité, que les conditions justifiant son prononcé ont été examinées tant avant la période de détention illicite qu’après et qu’elle a duré moins de trois jours. La seule erreur de procédure ne justifie ainsi pas la remise en liberté de A (c. 2.2).
Le Tribunal fédéral s’étonne toutefois dans son considérant suivant que la juridiction d’appel n’ait pas constaté formellement, dans le dispositif de la décision du 12 mars 2021, l’illégalité de la détention et se soit limitée à examiner si des motifs la justifiant persistaient. Il rappelle à ce sujet sa jurisprudence (ATF 139 IV 94, c. 2.3.2) établissant qu’une violation des règles de procédure relatives à la détention avant jugement peut être réparée d’emblée par une constatation de l’irrégularité (c. 2.3).
Finalement, le Tribunal fédéral souligne que, malgré la conclusion formulée par A tendant à faire constater l’illicéité de la détention subie en l’absence d’un titre valable, force est de relever qu’il n’est fait mention de ladite illicéité ni dans le dispositif de la décision rendue par le juge instructeur ni dans ses considérants. Notre Haute Cour relève que l’instance inférieure semble à tort considérer que l’ordonnance provisoire de prolongation de la détention constitue un titre de détention formellement valable au sens de l’art. 31 al. 1 Cst. Elle estime également que l’autorité d’appel s’est méprise en se contentant d’indiquer, dans son dispositif, que la demande d’indemnisation pour la détention illicite sera traitée dans la décision finale. Le Tribunal fédéral admet donc le recours sur ce point et modifie le dispositif de la décision du Tribunal cantonal en constatant l’illicéité de la détention subie durant la période où cette dernière ne reposait pas sur un titre de détention valable (c. 2.4).
Cette décision permet un rappel intéressant de plusieurs aspects en lien avec la détention pour des motifs de sûreté.
Premièrement, un contrôle périodique de la détention pour des motifs de sûreté doit avoir lieu lorsque cette dernière est ordonnée par un tribunal de première instance (art. 231 CPP), peu importe qu’elle fasse suite à une détention provisoire ou non (ATF 137 IV 180, c. 3.5). Dès la saisine de la juridiction d’appel, seule une demande de mise en liberté déposée par le prévenu donne lieu à un examen de la détention pour des motifs de sûreté par la direction de la procédure (art. 233 CPP), un contrôle périodique n’intervenant pas d’office en deuxième instance (ATF 139 IV 186, c. 2.2.3).
Il est ici intéressant de relever que si le détenu peut, par le biais d’une demande de libération, solliciter un examen des motifs justifiant la poursuite de sa détention, il ne dispose toutefois pas d’un droit formel à la tenue d’une audience lorsque la juridiction d’appel statue sur sa requête (ATF 137 IV 186, c. 3.2, qui précise toutefois « qu’il pourrait en aller différemment notamment si des faits nouveaux sont découverts ou si les circonstances se sont modifiées depuis le jugement de première instance, de telle sorte qu’une audience apparaisse nécessaire »).
Deuxièmement, une ordonnance provisoire de prolongation ne constitue pas un titre de de détention valable. En effet, une décision rendue sans examen des conditions matérielles justifiant la détention, respectivement sa prolongation, ne peut être qualifiée de titre de détention, d’autant plus lorsque le justiciable n’a pas eu la possibilité de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision touchant sa situation juridique ne soit prise (TF 6B_510/2018 du 31.7.2018, c. 2.2.1). Finalement, l’absence temporaire d’un titre de détention dans le cadre d’une procédure d’appel n’entraîne pas à elle seule une libération immédiate. Toutefois, et afin de réparer la violation des règles de procédure relatives à la détention avant jugement, une décision constatant l’irrégularité de cette dernière, admettant partiellement le recours sur ce point, mettant à la charge de l’État des frais de justice et octroyant de pleins dépens au recourant doit être rendue afin de permettre l’introduction, selon la gravité de l’irrégularité, d’une procédure d’indemnisation au sens de l’art. 431 CPP (ATF 139 IV 94, c. 2.4 et réf. citées). Il nous paraît ici pertinent de préciser que, dans un arrêt de 2013, le Tribunal fédéral a indiqué qu’une détention illicite, puisque effectuée sans titre valable, ne donnait pas nécessairement droit au versement d’une indemnité de CHF 200.- par jour pour tort moral (TF 6B_917/2013 du 6.11.2013, c. 1).