En mai 2020, le Tribunal fédéral a annulé une ordonnance de levée de scellés (TF 1B_28/2020 du 19.5.2020) rendue en décembre 2019 par le Tribunal des mesures de contrainte du canton de Vaud (TMC) au sujet de la documentation bancaire. La demande de levée de scellés émise par le Ministère public de la Confédération (MPC) avait été faite tardivement. La documentation bancaire pouvait dès lors être restituée à la banque qui avait reçu l’ordre de dépôt initial. Quelques semaines plus tard, en juillet 2020, le MPC a à nouveau requis des informations bancaires auprès de la même banque. Cette dernière a alors produit trois classeurs fédéraux tout en requérant leur mise sous scellés. Ensuite, le MPC a requis la levée des scellés sur ces trois classeurs en indiquant que son dernier ordre de dépôt adressé à la banque portait sur les mêmes éléments que ceux visés dans son ordre de dépôt initial (mars 2019). Le MPC expliquait cette nouvelle requête en raison de la réception – entre-temps – d’un rapport de la Police judiciaire fédérale (PJF) concernant la banque en question. Cette dernière, s’opposant à la levée des scellés, considérait que ledit rapport de la PJF ne constituait pas un élément nouveau à même de justifier ce nouvel ordre de dépôt. Finalement, en décembre 2020, le TMC a refusé de lever les scellés en estimant qu’aucun motif ne permettait la répétition de la saisie des mêmes documents qui avaient été restitués une première fois à la banque en mai 2020.
Le MPC forme alors un recours devant le Tribunal fédéral contre la décision du TMC et requiert l’autorisation d’exploiter le contenu de la documentation bancaire. Alléguant que ledit contenu est nécessaire pour les besoins de la procédure préliminaire, le MPC précise également que le TMC avait pourtant déjà reconnu la pertinence de ces documents lorsqu’il avait admis une première fois la levée des scellés dans sa décision de décembre 2019.
En guise d’introduction, le Tribunal fédéral relève que le MPC admet que les pièces requises (en juillet 2020) correspondent à celles qui avaient été restituées à la suite de la première procédure de scellés. Il constate cependant que, d’après le MPC, la production du rapport de la PJF intervenue entre-temps constitue une circonstance de fait nouvelle à même de remplir les conditions permettant la réitération de la saisie des documents litigieux (c. 2).
Les juges fédéraux rappellent ensuite le principe de l’art. 248 al. 2 CPP, selon lequel les documents et objets séquestrés mis sous scellés doivent impérativement être restitués à l’ayant droit lorsque l’autorité pénale n’a pas requis leur levée dans un délai – tout aussi impératif – de 20 jours (c. 2.1). Le délai imposé aux autorités pénales à l’art. 248 al. 2 CPP constitue un délai légal qu’il est impossible de prolonger conformément à l’art. 89 al. 1 CPP. Que le délai ait été sciemment ou inconsciemment négligé n’y change rien ; passé ce terme, les documents et objets mis sous scellés doivent être restitués à l’ayant droit.
Cependant, si la loi interdit de tenir compte d’une demande tardive de levée de scellés, la jurisprudence envisage la possibilité d’un nouvel ordre de dépôt, respectivement une nouvelle perquisition, portant sur des documents et objets déjà restitués (voir à ce sujet : TF 1B_304/2018 du 13.11.2018, c. 2.3 et surtout TF 1B_117/2012 du 26.3.2012, c. 2.4). Cela étant, la répétition de cet acte de procédure n’est admissible que pour autant que la procédure ait suffisamment évolué depuis la dernière mesure de contrainte. En d’autres termes, il faut démontrer qu’entre la première et la seconde saisie des mêmes éléments litigieux, il existe une modification des circonstances de droit ou de fait ou, alternativement, de l’appréciation de ces circonstances par l’autorité chargée de l’enquête (c. 2.1). Le fait de pouvoir répéter ce type d’acte ne saurait en revanche représenter un moyen déguisé de prolonger le délai légal imposé par l’art. 248 al. 2 CPP, sauf à reconnaître la violation du principe de la bonne foi par l’autorité pénale.
En l’espèce, le TMC avait nié une telle évolution dans la procédure. Selon lui en effet, le MPC avait fondé sa requête initiale sur des informations largement disponibles et le rapport de la PJF se limitait à « étayer, de manière extrêmement complète, [l]es éléments » dont l’autorité pénale avait déjà connaissance (c. 2.2). Par conséquent, le rapport de la PJF n’était pas propre à modifier soit les circonstances de droit ou de fait soit leur appréciation par l’autorité pénale puisqu’il ne faisait que reprendre des éléments et informations publiquement disponibles depuis de nombreuses années.
Aux yeux du Tribunal fédéral, le raisonnement du TMC et son refus de lever les scellés sur ces documents bancaires ne prêtent pas le flanc à la critique. En effet, bien que, en cours de procédure, on ne puisse pas exiger une motivation comparable à celle prévue en matière de réouverture d’instruction à la suite d’un classement (art. 323 CPP), un certain degré de motivation paraît toutefois nécessaire et justifié. À ce titre, le Tribunal fédéral exprime l’idée que l’exigence de ce degré de motivation évite d’accorder trop facilement à l’autorité pénale le droit de répéter des actes de saisie sur des documents restitués et l’empêche ainsi de contourner le délai de l’art. 248 al. 2 CPP. Ce raisonnement vaut d’autant plus que, en l’espèce, le motif de refus de levée des scellés (tardiveté de la demande) et la proximité temporelle entre la restitution des documents et le second ordre de dépôt (moins de deux mois) pouvaient laisser penser à un moyen de réparer l’erreur commise dans la procédure (c. 2.3).
En conclusion, pour le Tribunal fédéral, c’est à bon droit que le TMC a jugé que le MPC n’avait pas réussi à démontrer « quels seraient les éléments nouveaux mis en évidence » dans le rapport de la PJF. Il ajoute en outre que « la production d’un nouveau moyen de preuve […] ne suffit en principe pas pour considérer, sur le plan factuel, que l’instruction aurait évolué au sens la jurisprudence citée [cf. supra] et que la réitération de l’acte de contrainte serait dès lors autorisée » (c. 2.3). De plus, quand bien même le rapport de la PJF aurait permis au MPC d’ajouter un nouveau chef d’accusation (en l’espèce : art. 260ter CP), celui-ci n’a pas véritablement orienté la procédure dans une direction nouvelle.
Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral rappelle l’importance fondamentale du délai fixé à l’art. 248 al. 2 CPP et les conséquences de son non-respect. En outre, il souligne que s’il est envisageable de réitérer un ordre de dépôt ou une perquisition sur des objets et documents déjà restitués, une telle demande doit être motivée autrement que par la simple production d’un nouveau moyen de preuve (c. 2.3). Le raisonnement des juges fédéraux doit être approuvé. Après tout, en effet, l’exigence de motivation pour réitérer un tel acte protège les droits des personnes concernées contre un éventuel contournement de la loi par les autorités pénales. Il revient dès lors à ces dernières de veiller scrupuleusement au respect du délai de 20 jours de l’art. 248 al. 2 CPP, faute de quoi elles devront apporter la preuve que la procédure a suffisamment évolué entre-temps pour justifier pareille répétition.