Hadrien Monod

Hadrien Monod

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Hadrien Monod est diplômé de l’Université de Lausanne où il rédige une thèse de doctorat sur l’articulation des principes nemo tenetur et de l’obligation de collaborer en droit pénal administratif.

Dans le cadre de son assistanat pour les Professeurs Macaluso et Garbarski au sein du Centre de droit pénal de l’Université de Lausanne, ses travaux académiques portent principalement sur le droit pénal spécial, particulièrement le droit pénal économique, la procédure pénale et l’entraide internationale en matière pénale.

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Appel au boycott de l’armée face à l’art. 276 CP : le TPF fait prévaloir la liberté d’expression de militants

Dans un arrêt portant sur l’application très rare de la provocation et l’incitation à la violation des devoirs militaires, le Tribunal pénal fédéral a fait prévaloir la liberté d’expression des prévenus pour prononcer leur acquittement. D’abord condamnés par ordonnances pénales rendues par le Ministère public de la Confédération, les prévenus avaient, par la publication d’un article en ligne, enjoint leur lectorat à ne pas payer la taxe militaire, à privilégier le service civil et à ne pas se rendre au service militaire. Selon le Tribunal pénal fédéral, une publication qui participe au débat public bénéficie d’une protection accrue. En ce sens, elle ne saurait être restreinte, sans violer la liberté d’expression, que si les propos qu’elle contient exhortent à la violence ou constituent un discours de haine.

Ordonnance pénale, désignation des prévenus et prohibition du formalisme excessif : confirmation d’un arrêt de principe

Dans le cadre de plusieurs arrêts rendus en lien avec l’évacuation d’activistes installés sur la colline du Mormont (VD), le Tribunal fédéral a eu l’occasion de confirmer certains développements récents en matière de droit à l’anonymat et de désignation des prévenus. Ainsi, l’esprit de l’art. 353 al. 1 let. b CPP suppose que les prévenus soient distinguables, sans risque de confusion, mais non qu’ils soient strictement désignés par leurs identités. Dès lors, en désignant des prévenus de façon générique dans des ordonnances pénales, l’autorité ne peut, sous peine de formalisme excessif, déclarer ensuite leurs oppositions irrecevables en raison du non-respect des exigences de forme alors même que ceux-ci ont formé opposition sous la même désignation que celle employée à leur égard par les autorités.

Unité juridique d’actions et prescription en lien avec la violation du devoir d’assistance ou d’éducation (art. 219 CP)

La violation du devoir d’assistance ou d’éducation (art. 219 CP) se réalise par la commission (ou l’omission) d’actes répétés ou durables mettant concrètement en danger le développement physique ou psychique d’un mineur. Il ressort du contenu de la disposition qu’elle implique une unité juridique d’actions. Par conséquent, le délai de prescription commence à courir le jour du dernier acte (de la dernière omission) participant de la mise en danger du développement de l’enfant. Lorsque ces différents actes se sont produits sous l’empire de deux régimes juridiques différents, il convient d’appliquer le nouveau droit puisqu’ils forment a priori un tout « indivisible ».

L’exploitation de moyens de preuve récoltés par vidéosurveillance sur un parking d’aéroport

La vidéosurveillance d’un parking d’aéroport constitue vraisemblablement un traitement de données licite au regard de la LPD. En effet, en l’espèce, le prévenu n’a pas démontré que le volume de données récoltées, leur traitement et les personnes ayant accès aux enregistrements étaient problématiques. Au contraire, il apparaît plutôt que l’atteinte à la personnalité du prévenu provoquée par la prise de vue des caméras du parking était justifiée par les divers intérêts privés de l’exploitant (art. 13 al. 1 LPD). Les enregistrements effectués peuvent donc être considérés comme licites et l’absence de consentement du prévenu n’y change rien. En conséquence, les enregistrements sont exploitables au sein d’une procédure pénale sans qu’il ne faille procéder à la pesée d’intérêts de l’art. 141 al. 2 CPP.

Refus de l’assistance judiciaire et garantie d’un procès pénal équitable : analyse d’une jurisprudence étonnante

La CourEDH a rendu un arrêt dans lequel elle reconnaît que, au vu des circonstances du cas d’espèce, les autorités suisses auraient dû ordonner la défense d’office et gratuite du prévenu (art. 132 al. 1 let. b CPP). Néanmoins, elle nie toute violation, par la Suisse, de l’art. 6 CEDH. En effet, après une analyse globale relative à l’exigence d’une procédure pénale équitable, la CourEDH parvient à la conclusion que le requérant a, effectivement, été défendu pro bono par un avocat, malgré le refus du Tribunal fédéral de lui accorder une assistance judiciaire. Par conséquent, elle estime que le requérant n’a pas souffert concrètement de ce refus.

Le ministère public ne peut plus recourir contre les décisions rendues par le TMC en matière de détention

Le Tribunal fédéral met fin à sa jurisprudence constante en matière de détention et s’aligne sur la volonté du législateur : seule la personne détenue peut désormais s’opposer aux décisions rendues par le TMC selon l’art. 222 CPP. Ainsi, le ministère public ne peut plus recourir contre les décisions du TMC ordonnant, prolongeant ou levant la détention provisoire, respectivement la détention pour des motifs de sûreté. La voie de recours en la matière accordée jusqu’à ce jour au ministère public était problématique au regard de l’art. 5 al. 3 CEDH. Pour cette raison et compte tenu de la volonté clairement exprimée par le législateur lors des travaux de révision du CPP, le Tribunal fédéral revient sur sa jurisprudence.

L’autorité statuant sur renvoi d’un arrêt du Tribunal fédéral n’est liée que par les faits non contestés et les questions de droit définitivement tranchées

Un classement implicite suppose qu’une partie des faits a été abandonnée sans qu’une décision formelle n’ait été rendue à leur sujet. Lorsque la décision de renvoi annule un tel classement implicite sans trancher le fond du litige et impose aux autorités d’éclaircir les faits contestés, le Ministère public doit mener une nouvelle instruction. En prononçant un deuxième classement à l’encontre du principal prévenu en raison de son décès, le Ministère public ne peut pas abandonner l’ensemble des investigations concernant l’implication éventuelle de tiers, sauf à violer l’interdiction du déni de justice. En l’espèce, la plainte d’une victime à l’encontre du prévenu décédé et de tout autre personne impliquée imposait au Ministère public de poursuivre des recherches, malgré le décès du principal suspect.

Expertise de crédibilité et prise en compte des déclarations peu circonstanciées d’une victime

Un tribunal ne peut se résoudre à prononcer un acquittement à l’égard de tous les faits reprochés dans l’acte d’accusation au motif que les actes décrits les plus graves proviennent de témoignages indirects et peu concordants. Les déclarations faites lors de l’audition LAVI de la victime – jugées crédibles par une expertise – doivent aussi être approfondies. Cela vaut même si la victime ne livre que peu de circonstances. En n’opérant aucune distinction entre les actes dénoncés par la victime et ceux (peu concordants) décrits par des témoins indirects, le tribunal peut verser dans l’arbitraire.

Télémarketing et LCD : quelques précisions autour de la relation commerciale entre un client et un fournisseur

En matière de télémarketing, l’art. 3 al. 1 let. u LCD interdit au fournisseur l’envoi de publicité aux personnes ayant exprimé le refus d’en recevoir au moyen d’un astérisque dans un annuaire. Seule une relation commerciale actuelle existant entre un client et un fournisseur permet de faire échec à ce principe et autorise ainsi un tel envoi dans une relation spécifique. Le Tribunal fédéral estime, à cet égard, que la commande de compléments alimentaires effectuée sept ans avant l’appel publicitaire concerné ne permet pas de considérer la relation commerciale comme actuelle.

Le placement préventif d’un mineur (art. 15 DPMin) ne correspond pas à une détention préventive ouvrant le droit à une indemnité fondée sur l’art. 431 al. 2 CPP

La mesure visant à placer un mineur au sein d’un établissement fermé ou chez des particuliers (art. 15 DPMin) peut aussi être ordonnée au cours de l’instruction pénale selon l’art. 5 DPMin. Une telle mesure ne correspond toutefois pas à une détention préventive « déguisée » au sens de l’art. 110 al. 7 CP. Celle-ci sert avant tout les objectifs poursuivis par le droit pénal des mineurs, à savoir la protection et l’éducation du délinquant mineur. Par conséquent, cette mesure ne donne pas droit à une indemnité fondée sur l’art. 431 al. 2 CPP, même si la durée du placement dépasse l’éventuelle peine privative de liberté prononcée.

Une partie dont l’identité demeure inconnue peut emprunter les voies et moyens de droit usuels à condition d’être suffisamment « identifiable »

Dans le cadre de l’établissement de l’identité d’un prévenu, le principe nemo tenetur ne lui confère un droit à l’anonymat que de façon très limitée, notamment lorsque la divulgation de celle-ci se confond avec l’établissement de sa culpabilité. Le prévenu refusant de révéler son identité pourra néanmoins recourir et satisfaire aux conditions de formes idoines lorsqu’il emploie, à son sujet, la même désignation que celle employée par les autorités et qu’il apparaît clairement identifiable par rapport aux tiers. En ce sens, malgré le libellé de l’art. 353 al. 1 let. b CPP, la désignation du prévenu par le ministère public dans une ordonnance pénale doit être « suffisante », conformément à l’art. 81 al. 2 CPP, et surtout permettre d’éviter toute confusion avec des tiers.

La voie de la révision « simplifiée » prévue aux art. 356 al. 7 cum 392 CPP ne s’applique que devant le tribunal de première instance, à l’exclusion du ministère public

Le Tribunal fédéral tranche une controverse doctrinale s’agissant de la portée des art. 356 al. 7 et 392 CPP. Selon lui, seul le tribunal de première instance peut faire bénéficier les « autres » prévenus du verdict plus favorable rendu sur opposition à l’ordonnance pénale, à l’exclusion du ministère public. Pour les autres condamnés, non opposants, demeure toutefois réservée la voie de la révision ordinaire prévue aux art. 410 ss CPP.