I. En fait
En 2005, A rencontre D qui sera sa compagne jusqu’à leur séparation en 2014. En 2008, le couple a deux jumeaux (B et C).
Il est reproché au père d’avoir violé son devoir d’assistance ou d’éducation (art. 219 CP) à l’égard de ses enfants entre août 2008 et fin 2014.
En septembre 2021, le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois condamne A en application de l’art. 219 CP et prononce à son encontre une peine privative de liberté de 9 mois avec sursis pendant deux ans. En avril 2022, l’appel de A formé à l’encontre de ce jugement est rejeté par la cour d’appel du Tribunal cantonal. Celle-ci a retenu à son encontre plusieurs comportements répréhensibles, notamment de n’avoir pas épargné ses enfants des nombreuses disputes avec sa compagne lors desquelles il se montrait violent verbalement et physiquement, d’avoir crié, insulté et rabaissé à réitérées reprises ses enfants, ou encore d’avoir frappé ses enfants avec ses mains ou divers objets.
A recourt ensuite par-devant le Tribunal fédéral.
II. En droit
Dans un premier grief, A reproche à la cour cantonale d’avoir violé le principe in dubio pro reo en écartant certains témoignages et en le condamnant sur la base de deux éléments principaux : un rapport d’expertise et les déclarations faites par ses enfants auprès des enquêteurs en mars 2018.
À ce sujet, le Tribunal fédéral relève que le rapport d’expertise fait état d’une angoisse importante ainsi que d’une grande détresse de la part des enfants, lesquels ont également évoqué plusieurs épisodes de maltraitance. Or, A ne démontre pas dans quelle mesure l’expertise serait incomplète, peu claire ou contiendrait des conclusions contradictoires. Bien au contraire, les déclarations faites par B et C auprès des expertes sont claires, cohérentes et concordantes. Pour le Tribunal fédéral, la cour cantonale n’a pas non plus fait preuve d’arbitraire en estimant qu’il n’était pas déterminant que le corps médical n’ait pas vu ou recueilli les confidences des enfants à propos de leur maltraitance (c. 1).
Ensuite, A soutient que l’infraction de violation du devoir d’assistance ou d’éducation ne serait pas réalisée dans la mesure où la condition de l’atteinte au développement physique ou psychique des enfants ne serait pas remplie.
Les juges fédéraux rappellent premièrement que l’art. 219 CP tend à réprimer la personne qui a failli, par commission ou par omission, à assurer le développement du mineur sur un plan corporel, spirituel et psychique. En ce sens, la disposition suppose que l’auteur assume une position de garant vis-à-vis de l’enfant, comme le sont les parents naturels ou adoptifs, le tuteur, le maître d’école, le responsable d’une institution, le directeur d’un home ou d’un internat. En outre, le manquement au devoir d’assistance ou d’éducation doit avoir pour effet de mettre en danger le développement physique ou psychique de l’enfant. En ce sens, l’art. 219 CP consacre un délit de mise en danger concrète. L’atteinte physique ou psychique n’est donc pas indispensable si la mise en danger du développement du mineur apparaît vraisemblable dans le cas concret. Bien qu’un seul acte grave puisse suffire à réaliser les conditions de l’infraction, celle-ci est généralement le fait du comportement durable et répété de l’auteur. Est ainsi déterminant ce qui risque de causer des séquelles durables affectant le développement du mineur (c. 2.2).
En l’espèce, étant le père de B et C, A a un devoir d’éducation et d’assistance à leur égard. En outre, il est établi que, sur une période de six ans, A s’est régulièrement montré violent et dénigrant envers eux et qu’il avait l’habitude de crier à leur endroit pour des futilités. L’expertise met d’ailleurs en évidence le développement perturbé de B et C et recommande une prise en charge psychothérapeutique étendue dès lors qu’il existe un risque de « cassure et de limitations de leur potentiel évolutif ». L’intention de A doit également être admise au regard de la violence de ses actes et cela quand bien même la cour cantonale n’a pas examiné si la négligence entrait en ligne de compte. En effet, A ne pouvait pas ignorer que ses agissements répétés étaient propres à mettre en danger le développement de ses enfants. Par conséquent, les éléments constitutifs de l’art. 219 CP sont réalisés (c. 2.3).
Dans un ultime grief, A considère que les faits reprochés sont prescrits. Le Tribunal fédéral examine ainsi l’art. 98 CP fixant le point de départ de la prescription. Cette disposition prévoit que la prescription court dès le jour du dernier acte si cette activité s’est exercée à plusieurs reprises (art. 98 let. b CP). Sur cet aspect, après quelques évolutions, la jurisprudence a consacré les notions d’unité juridique d’actions et d’unité naturelle d’actions. L’unité juridique d’actions se conçoit lorsqu’une norme envisage expressément ou implicitement une pluralité d’actes séparés (ex. : brigandage, art. 140 CP) ou lorsqu’elle suppose un comportement durable séquencé en plusieurs actes (ex. : gestion fautive, art. 165 CP). L’unité naturelle d’actions se rapportent aux différents actes participant d’une décision unique et apparaissant comme des événements « formant un ensemble en raison de leur relation étroite dans le temps et dans l’espace ». Tel est notamment le cas d’une « volée de coups », ou la réalisation par étapes successives d’un graffiti. S’agissant de l’art. 219 CP, les juges fédéraux soulignent que la disposition implique un comportement répété ou durable. L’infraction se réalise ainsi lorsque plusieurs événements séparés se répètent et participent ensemble à la mise en danger du développement du mineur. En ce sens, l’art. 219 CP renferme, de façon implicite, la notion d’unité juridique d’actions. La prescription commence ainsi à courir à partir du jour où le dernier acte a été commis, soit en l’occurrence en fin d’année 2014 (c. 3.1).
Dans tous les cas, il apparaît que la prescription n’est pas atteinte. En effet, en imaginant fictivement qu’un délai de prescription de sept ans s’applique à l’art. 219 CP, celle-ci court au moins jusqu’à fin 2021. Le jugement de première instance étant intervenu en septembre 2021, les faits ne sont pas prescrits. En outre, A considère à tort qu’un délai de prescription de sept ans vaut pour l’art. 219 CP. Cependant, depuis le 1er janvier 2014, le délai de prescription est de 10 ans s’agissant des infractions punissables d’une peine privative de liberté de 3 ans au plus à l’instar de l’art. 219 CP. Or, A a agi aussi bien sous l’empire de l’ancien droit que du nouveau. En pareille hypothèse, la doctrine majoritaire et la jurisprudence estiment que le nouveau droit s’applique à l’ensemble de l’infraction (TF 6B_196/2012 du 24.1.13, c. 1.3 et les réf. cit.). Cela découle du fait que l’unité juridique d’actions constitue un ensemble indivisible et que, ce faisant, il n’est pas possible d’appliquer l’ancien droit pour partie des actes et le nouveau droit pour une autre. En conséquence, un délai de dix ans s’applique en l’espèce (c. 3.2).
Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté.