I. En fait
En juillet 2021, les tribunaux de l’État X attribuent la garde de jumeaux en bas âge à leur mère et ordonnent à celle-ci de ne pas quitter une localité déterminée en X. Or, la mère déménage en Suisse avec ses enfants et ses parents.
Le 2 juin 2022, l’Office fédéral de la police en avise les autorités de X. Le 15 juillet 2022, le père saisit la Cour des mesures de protection de l’enfant et de l’adulte du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel d’une requête tendant au retour immédiat de ses jumeaux en X.
Le 14 octobre 2022, le père des jumeaux, A et un tiers, tous trois ressortissants de X et domiciliés en X, se rendent chez la mère des enfants, en Suisse. Ils y rencontrent la grand-mère maternelle et les jumeaux, et emmènent ceux-ci. Quelques heures plus tard, les trois individus sont interpellés dans l’État Y et placés en détention provisoire.
Le lendemain, le Ministère public de la République et canton de Neuchâtel ouvre une instruction pénale contre les trois individus pour les faits prétendument commis au préjudice des enfants et de leur grand-mère : séquestration et enlèvement (art. 183 CP), violation de domicile (art. 186 CP), lésions corporelles simples (art. 123 CP) et contrainte (art. 181 CP). Il décerne des mandats d’arrêt internationaux, ordonne des signalements RIPOL et SIS-Schengen contre les trois intéressés et demande leur extradition vers la Suisse.
Les autorités de Y placent les trois individus sous contrôle judiciaire, refusent de les extrader vers la Suisse au motif que le respect du principe de la spécialité du Ministère public n’est pas garanti, et libèrent les trois individus, qui rentrent en X.
Le Ministère public conduit la procédure pénale contre eux. Par ordonnance du 26 septembre 2024, il rejette la requête de A tendant à la révocation du mandat d’arrêt international décerné contre lui ainsi que des signalements RIPOL et SIS-Schengen correspondants, arguant notamment que le risque de fuite est avéré et que l’instruction n’est pas terminée. Par arrêt du 5 novembre 2024, l’Autorité de recours en matière pénale de la République et canton de Neuchâtel rejette le recours de A contre cette ordonnance. Le 11 décembre 2024, A interjette un recours au Tribunal fédéral (TF) contre cet arrêt.
II. En droit
A invoque une violation des art. 197, 210 al. 2 et 221 al. 1 let. a CPP, et conteste le maintien du mandat d’arrêt international ainsi que des signalements RIPOL et SIS-Schengen décernés à son endroit. Il argue que ces mesures, qui porteraient gravement atteinte à sa liberté, n’auraient pas – ou plus – lieu d’être (c. 2.1).
Le TF rappelle le cadre régissant les mandats d’arrêt : selon l’art. 210 al. 2 CPP, si le prévenu est fortement soupçonné d’avoir commis un crime ou un délit et qu’il y a lieu de présumer des motifs de détention, l’autorité peut lancer un avis pour l’arrêter et le faire amener devant l’autorité compétente (mandat d’arrêt). Il s’agit d’une mesure de contrainte au sens de l’art. 196 CPP, qui porte atteinte aux droits fondamentaux des personnes intéressées. L’autorité ordonnant ce type de mesure doit notamment veiller au respect des principes de légalité et de proportionnalité (art. 197 al. 1 let. a à d CPP) mais n’a pas à s’interroger sur l’ensemble des conséquences qu’une telle mesure peut revêtir pour la personne concernée, dès lors qu’au moment de rendre sa décision, elle ne dispose en principe pas des renseignements sur la situation personnelle de l’intéressé (TF 1B_681/2021 du 8.2.2022, c. 2.1) (c. 2.2).
Selon la jurisprudence du TF, l’art. 210 al. 2 CPP renvoie aux conditions de la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté prévues à l’art. 221 CPP (TF 7B_1000/2024 du 25.10.2024, c. 2.2.1). Plus particulièrement, la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté peut être ordonnée s’il y a de sérieux motifs de craindre que le prévenu se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en prenant la fuite. Notre Haute Cour rappelle que le risque de fuite doit s’analyser en fonction d’un ensemble de critères, faisant apparaître celui-ci non seulement possible mais également probable. La gravité de l’infraction ne peut pas, à elle seule, justifier la prolongation de la détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l’importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 145 IV 503, c. 2.2) (c. 2.2.3).
Le TF confirme ensuite l’appréciation de la juridiction cantonale selon laquelle il existe en l’espèce un risque de fuite, appréciation dont A n’a pas démontré le caractère arbitraire. L’absence d’attaches de A avec la Suisse, son attitude durant la procédure, ainsi que la peine encourue parlent dès lors en faveur d’un maintien du mandat d’arrêt international et des signalements. Plus spécifiquement, A n’a fourni aucun élément indiquant qu’en cas de condamnation à une peine privative de liberté ferme, il se rendrait en Suisse pour la purger. Au contraire, sa bonne situation en X représente un risque de soustraction à une peine éventuelle en Suisse. De plus, le fait que A n’ait pas fui de Y en X pendant sa période de contrôle judiciaire ne signifie pas qu’il se soumet à la perspective, désormais plus concrète, d’un jugement défavorable. Bien plutôt, le fait que A ait choisi de regagner X après sa détention provisoire et son placement sous contrôle judiciaire en Y signifie que le risque de fuite est déjà réalisé. Par ailleurs, ni le simple engagement de A, ni une dénonciation de celui-ci aux autorités de X ne garantissent sa comparution au jugement ni, le cas échéant, l’exécution de sa peine. En outre, les inconvénients d’un mandat d’arrêt international doivent être relativisés car le pays X est grand et la situation de A confortable. Celui-ci peut donc mener une vie normale sous réserve de voyages à l’étranger, notamment pour de prétendues affaires, dont il n’a en tout état pas démontré concrètement la nécessité. Enfin, l’instruction arrive à son terme, de sorte que le maintien de ladite mesure sera réexaminé par le tribunal dès le renvoi de la cause devant lui. En somme, au vu des graves infractions reprochées, de la peine encourue (une privation de liberté de cinq ans au plus) ainsi que du concours d’infractions, c’est à raison que la juridiction cantonale a jugé que la mesure de contrainte reste proportionnée aux enjeux, bien qu’elle soit en place depuis deux ans (c. 2.3-2.4.2).
Le TF rappelle ensuite que l’avis de recherche et d’arrestation au sens de l’art. 210 al. 2 CPP vise non seulement à éviter qu’un prévenu ne se soustraie à son jugement, mais également à garantir l’exécution de la décision finale (cf. art. 196 let. c CPP). S’agissant enfin de l’examen de la proportionnalité du mandat d’arrêt décerné deux ans plus tôt contre A, le TF suit une approche littérale et systématique de la loi. Il conclut que la prise en compte de la durée de la mesure de contrainte n’est pas pertinente puisque cette condition n’est pas prévue par la loi (art. 210 al. 2 cum 197 al. 1 CPP), contrairement à ce qui prévaut en matière de détention provisoire ou pour des motifs de sûreté (art. 212 al. 3 CPP) (c. 2.4.2-2.4.3).