I. En fait
Le Tribunal de district de Bülach (ZH) a condamné A à 15 ans de peine privative de liberté pour tentative de meurtre, tentative de vol, viols multiples et agression sexuelle. Une mesure thérapeutique institutionnelle (art. 59 CP), précédant la peine privative de liberté, a été ordonnée. L’Office de la justice du canton de Zurich a ordonné la levée anticipée de la mesure car il l’estimait vouée à l’échec (art. 62c al. 1 let. a CP) et a prononcé la détention pour des motifs de sûreté. Cette décision a été confirmée sur recours par la Direction de la Justice et de l’Intérieur, puis par le Tribunal administratif du canton de Zurich dans sa composition à un juge unique.
Le condamné interjette un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral. Il demande notamment que l’affaire soit renvoyée à la juridiction inférieure afin qu’elle la traite dans la bonne composition (c. 2.2).
II. En droit
Le Tribunal fédéral estime que la composition de l’autorité inférieure (juge unique) constitue une double violation du droit fédéral (let. a ci-dessous) et du droit cantonal zurichois (let. b ci-dessous). La juridiction inférieure ne pouvait pas confirmer la levée de la mesure thérapeutique institutionnelle par le biais d’un juge unique. Le recours est admis. La cause est renvoyée à l’autorité inférieure pour nouvelle décision dans une composition conforme à la loi.
a. Violation du droit fédéral
Selon l’art. 19 al. 2 let. b CPP, la Confédération et les cantons peuvent prévoir un juge unique qui statue en première instance sur les crimes et les délits, à l’exception de ceux pour lesquels le ministère public requiert une peine privative de liberté supérieure à deux ans, un internement au sens de l’art. 64 CP, un traitement au sens de l’art. 59 al. 3 CP, ou une privation de liberté de plus de deux ans lors de la révocation d’un sursis.
Le Tribunal fédéral a déjà jugé qu’en vertu de cette disposition, l’internement au sens de l’art. 64 CP ne peut pas être ordonné par un juge unique et que cela s’applique également dans les procédures sur recours (art. 379 CPP ; ATF 145 IV 167, c. 2.3). De la même manière, un traitement au sens de l’art. 59 al. 3 CP ne peut pas être ordonné par un juge unique.
Le Tribunal fédéral considère qu’il doit en aller de même pour leurs décisions ultérieures. Selon l’art. 65 al. 1 2e phr. CP, « le juge compétent est celui qui a prononcé la peine ou ordonné l’internement » (cf. texte en allemand, plus clair à notre sens : « Zuständig ist das Gericht, das die Strafe ausgesprochen oder die Verwahrung angeordnet hat »). Il incombe donc au tribunal (collégial) qui a initialement prononcé la peine ou ordonné l’internement de prononcer la levée de la mesure.
L’exclusion de la compétence du juge unique est également pertinente en cas de contrôle par une juridiction administrative de la levée d’une mesure ordonnée par l’autorité d’exécution. C’est que, dans le canton de Zurich notamment, la levée de la mesure n’est contrôlée judiciairement qu’en deuxième instance. En effet, dans les cantons qui disposent d’une double compétence distincte (cantons alémaniques), c’est-à-dire où l’autorité d’exécution se prononce dans un premier temps sur la levée de la mesure puis l’autorité judiciaire décide dans un second temps de ses conséquences juridiques (exécution de la peine restante, autre mesure ou détention), la protection juridique doit être équivalente à celle des cantons qui disposent d’une seule instance judiciaire chargée de la levée de la mesure et des suites de celle-ci (cantons latins ; sur les différents modèles : ATF 145 IV 167, c. 1.3 ss).
La présente affaire aurait ainsi dû être jugée par l’autorité cantonale de recours dans sa composition collégiale. La composition de l’autorité inférieure viole le droit fédéral (c. 2.4).
b. Violation du droit cantonal zurichois
Se référant aux dispositions de droit cantonal, l’instance inférieure a considéré que le juge unique est compétent pour traiter des recours concernant l’exécution des peines et des mesures.
Selon l’art. 38 al. 1 let. d ch. 2 et al. 2 de la Loi sur la procédure administrative zurichoise du 24 mai 1959 (VRG), un membre de la juridiction administrative statue en tant que juge unique sur les recours dans les litiges concernant l’exécution des peines et des mesures en vertu de la Loi sur l’exécution judiciaire du 19 juin 2006 (StJVG).
La référence expresse à la StJVG exclut les décisions qui vont au-delà de son champ d’application. La StJVG ne règle que des questions de pure exécution. Or la levée d’une mesure au sens de l’art. 59 CP n’est pas une décision d’exécution courante mais concerne son existence même (cf. arrêt TF 6B_296/2021 du 23.6.2021, c. 1.2.1). Elle a trait à une question ayant des conséquences importantes sur la situation juridique de la personne concernée et/ou sur l’intérêt public.
Les exigences relatives à la compétence du juge unique interdisent donc d’assimiler les termes « [litiges concernant] l’exécution des peines et des mesures » (art. 38b al. 1 let. d ch. 2 VRG) à celui d’« exécution » tel qu’utilisé pour la « décision d’exécution » d’une procédure judiciaire ultérieure indépendante pour – par exemple – la levée d’une mesure (cf. ATF 145 IV 167, c. 1.5). Il ne s’agit pas du même concept d’exécution. Certes, la jurisprudence qualifie parfois la levée d’une mesure de « décision typique d’exécution » (ATF 141 IV 49, c. 2.4), toutefois cela ne fait que souligner le fait que l’ordonnance en question n’affecte pas le jugement au fond par lequel la mesure a été ordonnée (cf. arrêt TF 6B_616/2018 du 12.7.2018, c. 3.2). Ainsi, la compétence du juge unique dans la décision attaquée outrepasse le champ d’application de l’art. 38b al. 1 let. d ch. 2 VRG et viole l’art. 30 al. 1 Cst. (c. 2.3).