I. En fait
Par jugement du 28 février 2019, le Tribunal pénal à trois juges du canton de Bâle-Ville a condamné A à une peine privative de liberté de 3 ans ¾ et ordonné son expulsion du territoire suisse pour une durée de 10 ans. Ce jugement a été en grande partie confirmé par le Tribunal d’appel de Bâle-Ville par jugement du 14 août 2020. Devant le Tribunal fédéral (TF), le recours de A a été admis sur la question de l’expulsion, au motif que le Tribunal d’appel n’avait pas examiné les considérants d’un arrêt du Tribunal administratif fédéral (TAF) qui avait déclaré que l’exécution du renvoi de A n’était pas raisonnablement exigible (TF 6B_105/2021 du 29.11.2021). Le recours de A a été rejeté pour le surplus.
À la suite de cet arrêt du TF, le président du Tribunal d’appel de Bâle-Ville a rendu une décision selon laquelle la motivation complémentaire du jugement du 14 août 2020 serait rendue en procédure écrite sur la base de l’art. 406 al. 1 let. a CPP. Par jugement du 25 mai 2022 (SB.2019.74), le Tribunal cantonal a confirmé l’expulsion du recourant pour une durée de 10 ans. A forme recours en matière pénale auprès du TF à l’encontre de ce jugement.
II. En droit
Sur le plan formel, A soutient que le jugement cantonal contrevient à l’art. 406 CPP et à son droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst., art. 3 al. 2 let. c et 107 CPP).
Les juges fédéraux commencent par rappeler que la procédure d’appel est en principe orale. Elle ne peut être conduite par écrit que si l’une des hypothèses de l’art. 406 CPP est réalisée, notamment lorsque seuls des points de droit doivent être tranchés (al. 1 let. a) ou si seules des mesures au sens des art. 66 à 73 CP sont attaquées (al. 1 let. e). L’art. 406 CPP ne dispense pas l’instance d’appel d’examiner si la renonciation à une audience publique envisagée est également compatible avec l’art. 6 § 1 CEDH. Selon la jurisprudence de la CourEDH, il peut être renoncé aux débats d’appel lorsque la juridiction de première instance a elle-même tenu des débats, lorsque l’appel ne pose que des questions juridiques ou des questions de fait qui peuvent être aisément tranchées sur la base du dossier et qui n’obligent pas à une appréciation directe de la personnalité de l’accusé. Le prévenu devra en revanche être entendu une nouvelle fois si le jugement est annulé sur la base d’une appréciation des faits différente. En définitive, il convient d’apprécier le droit à une audience publique devant le Tribunal d’appel en tenant compte de l’ensemble de la procédure et des circonstances du cas d’espèce (ATF 147 IV 127, c. 2.3.2) (c. 2.1). Cela vaut également lorsque, comme en l’espèce, seule l’expulsion est contestée devant l’instance d’appel. Comme le relève à juste titre la doctrine majoritaire, le Tribunal devrait se forger une impression personnelle du prévenu dont l’expulsion est susceptible d’être ordonnée (BSK StPO/JStPO-Keller, art. 406N 5 ; SK StPO-Zimmerlin, art. 406N 7a) (c. 2.3).
In casu, le TF estime que la décision du président du Tribunal d’appel, selon laquelle la motivation complémentaire du jugement interviendrait en procédure écrite, repose sur une mauvaise compréhension de l’arrêt de renvoi (c. 2.4). En effet, bien que la procédure ne doive être reprise par le Tribunal cantonal que dans la mesure où cela apparaît nécessaire à la mise en œuvre des considérants du TF (ATF 143 IV 214, c. 5.2.1 ; TF 6B_103/2022 du 20.12.2022, c. 1.1), il n’en demeure pas moins que la procédure de renvoi est soumise aux mêmes règles que la procédure initiale, avec pour conséquence qu’elle doit être menée oralement, sous réserve des exceptions de l’art. 406 al. 1 CPP. Il ne s’agit ainsi pas uniquement de motiver une nouvelle fois le jugement initial, mais de mener une nouvelle procédure d’appel (c. 2.4.1). Dans ce cadre, l’autorité à laquelle la cause est renvoyée est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les considérants de l’arrêt du TF. Si, dans la procédure de renvoi, seule des questions de droit sont encore en discussion, l’instance cantonale chargée de statuer à nouveau n’est pas tenue d’organiser une nouvelle audience d’appel et ne peut pas procéder à une nouvelle appréciation des preuves, à l’exception d’éventuels faits nouveaux. Cela se produit lorsque l’état de fait n’a pas été attaqué devant le TF, lorsque les griefs relatifs aux faits ont été rejetés et tranchés de manière définitive, ou encore lorsque les griefs relatifs à l’appréciation des preuves ont été déclarés irrecevables faute de respecter les exigences légales de motivation (ATF 143 IV 214, c. 5.3.3) (c. 2.4.2).
En l’espèce, dans son arrêt de renvoi (TF 6B_105/2021 du 29.11.2021, c. 3.5.5 s.), le TF a reproché à l’instance cantonale de ne pas avoir examiné les répercussions, sous l’angle de la clause de rigueur de l’art. 66a al. 2 CP, des constatations du TAF qui s’opposaient à l’exécution du renvoi de A. Le TF a précisé que la situation du recourant en cas de renvoi au Kosovo n’était pas qu’une simple question de droit et requérait une appréciation des circonstances de fait (c. 2.4.3). Il résulte de ce qui précède qu’en ordonnant une procédure sur la base de l’art. 406 al. 1 let. a CPP, le Tribunal d’appel a violé le droit fédéral (c. 2.4.4).
Le TF ajoute qu’en statuant sur l’expulsion en se basant uniquement sur les considérants d’un arrêt du TAF datant déjà de plusieurs années, sans offrir à A la possibilité de présenter de nouveaux moyens de preuve, respectivement de s’exprimer sur la question de sa situation en cas de retour au Kosovo, le Tribunal d’appel a également violé son droit d’être entendu. Le recours de A doit également être admis sous cet angle (c. 3.2).
En conclusion, le TF admet le recours et renvoie une nouvelle fois l’affaire à l’instance inférieure pour qu’elle tienne une audience d’appel (c. 4). Il laisse ouverte la question de savoir si l’art. 406 CPP autorisait le président du Tribunal d’appel à ordonner seul la procédure écrite, ou si celle-ci n’aurait pas dû être décidée par le collège des juges (c. 2.2).