La restitution du délai en cas de recours tardif au Tribunal fédéral

Une restitution systématique du délai de recours de 30 jours de l’art. 100 al. 1 LTF n’est pas envisageable au sens de l’art. 50 al. 1 LTF, même lorsque la condamnation prononcée en appel est aussi lourde qu’une peine privative de liberté et une expulsion du territoire. Le Tribunal fédéral estime que les dispositions relatives aux délais doivent être interprétées de manière stricte et homogène, quel que soit le domaine du droit concerné ou les points attaqués.

Le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l’Est vaudois condamne l’intéressé pour lésions corporelles simples (art. 123 CP), agression (art. 134 CP), injure (art. 177 CP), tentative de contrainte (art. 22 et 181 CP) et contravention à la LStup. L’appel du recourant est rejeté par le Tribunal cantonal vaudois. Le défenseur de l’intéressé dépose un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement cantonal au nom de son mandant un jour après l’échéance du délai de 30 jours et requiert la restitution du délai de recours.

À titre liminaire, le Tribunal fédéral rappelle que le recours contre une décision doit être déposé devant lui dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète (art. 100 al. 1 LTF). En l’espèce, le délai de 30 jours est arrivé à échéance le 14 septembre 2021. Par conséquent, le recours déposé le 15 septembre 2021, soit un jour après l’échéance du délai, est tardif (c. 1).

Selon l’art. 50 al. 1 LTF, si, pour un autre motif qu’une notification irrégulière, la partie ou son mandataire a été empêché d’agir dans le délai fixé sans avoir commis de faute, le délai est restitué pour autant que la partie en fasse la demande, avec indication du motif, dans les 30 jours à compter de celui où l’empêchement a cessé ; l’acte omis doit être exécuté dans ce délai. Ainsi, la restitution du délai suppose l’existence d’un empêchement d’agir dans le délai fixé, qui ne doit en outre pas pouvoir être reproché à la partie ou à son mandataire, celle-ci devant se laisser imputer la faute de son représentant (ATF 143 I 284). Autrement dit, l’empêchement doit être non fautif (cf. sur la notion de faute, arrêts du TF 6B_28/2018 du 7.8.18, c. 3.2.4 ; 2C_451/2016 du 8.7.16, c. 2.2 ; 6B_28/2017 du 23.1.18, c. 1.3). Le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de juger que des manquements dans l’organisation interne du mandataire, tels que des problèmes informatiques ou l’absence du mandataire principal, ne constituent pas un empêchement non fautif légitimant une restitution du délai de recours (ATF 143 I 284, c. 1.3 et les arrêts cités). Par ailleurs, le Tribunal fédéral souligne qu’une application stricte des dispositions relatives aux délais est nécessaire afin d’assurer l’égalité de traitement d’une part, ainsi que la bonne administration de la justice et la sécurité du droit d’autre part (c. 2.1).

En l’espèce, la lettre d’accompagnement du recours produite par le mandataire du recourant est datée du 15 septembre 2021, soit un jour après l’échéance du délai de recours, et ne mentionne aucun empêchement d’agir. En outre, le mandataire du recourant n’a demandé la restitution du délai de recours qu’après avoir été interpellé par le Tribunal fédéral sur l’observation du délai et a fait valoir « l’établissement in extremis d’une attestation par le médecin de la compagne du recourant (datée du 11 septembre 2021), l’utilisation imprévisible et erronée d’un logiciel interne à l’étude, ainsi que l’intervention d’un nouvel auxiliaire ». En d’autres termes, le mandataire du recourant n’a pas soulevé un empêchement non fautif au sens de la jurisprudence (c. 2.2).

Le mandataire estime cependant que, au vu de la lourde condamnation du recourant (not. une peine privative de liberté de 24 mois, avec sursis durant cinq ans, et son expulsion du territoire suisse pour une durée de 5 ans), une interprétation littérale de l’art. 50 al. 1 LTF conduirait à une violation du droit à un procès équitable et à une défense efficace au sens de l’art. 6 par. 1 et 3 let. c CEDH. C’est pourquoi une interprétation sous l’égide des art. 94 et 130 CPP, à l’instar de l’ATF 143 I 284 traitant d’une restitution du délai manqué dans le cadre d’une défense obligatoire, devrait être préférée. Or, une telle institution est inconnue de la LTF (voir not. ATF 146 IV 364, c. 1.2). De plus, un préjudice important et irréparable n’est pas une condition de l’art. 50 al. 1 LTF, contrairement à l’art. 94 al. 1 CPP. Par conséquent, une application par analogie de la jurisprudence rendue en lien avec les art. 94 et 130 CPP n’est pas possible dans le cadre d’un recours devant le Tribunal fédéral (c. 2.3).

Ensuite, notre Haute Cour rappelle les principes relatifs à l’art. 6 par. 1 et 3 let. c CEDH. S’agissant du droit à un procès équitable, la fixation d’un délai de recours et les conditions nécessaires pour en obtenir la restitution au sens de la LTF poursuivent un but légitime (égalité de traitement, bonne administration de la justice et sécurité du droit), et il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre la limitation imposée et le but visé. En effet, la restitution du délai de recours en cas d’empêchement d’agir non fautif dans le délai légal assure l’accès au Tribunal fédéral, pourvu que certaines conditions soient respectées, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. À propos du droit à une défense efficace, il convient de tenir compte de l’ensemble de la procédure. Le recourant a bénéficié d’une défense d’office en première et en deuxième instance, et a eu l’occasion de contester pleinement le jugement de première instance devant les juridictions d’appel. De ce fait, la procédure pénale a revêtu un caractère équitable. Par ailleurs, le recours en matière pénale au Tribunal fédéral étant une voie de recours extraordinaire limitée au respect du droit (art. 95 et 97 LTF), la CourEDH admet un formalisme plus grand, en particulier quant à l’observation du délai de recours par les mandataires (arrêt CourEDH Meftah et autres contre France du 26.7.02, § 41 s. et les arrêts cités) (c. 2.4 et 2.5).

En définitive, si une condamnation à une peine privative de liberté et à une expulsion du territoire suisse suffisait à obtenir systématiquement une restitution du délai de recours, cela viderait l’art. 100 al. 1 LTF de sa substance pour une grande partie des recours en matière pénale. Une telle démarche nuirait à une bonne et saine administration de la justice, à la sécurité du droit, ainsi qu’à l’égalité de traitement entre les justiciables. Aussi, le Tribunal fédéral insiste sur le fait qu’il convient de procéder à une interprétation stricte et homogène des dispositions relatives aux délais quel que soit le domaine du droit concerné ou les points attaqués (c. 2.6 et 2.7).

Au vu de ce qui précède, le Tribunal fédéral déclare le recours irrecevable (c. 3).

Proposition de citation : Sandy Ferreiro Panzetta, La restitution du délai en cas de recours tardif au Tribunal fédéral, in : https://www.crimen.ch/82/ du 25 février 2022