I. En fait
A et son épouse B, ainsi que C et son épouse D, vivent dans des appartements séparés d’une maison. A et C sont frères et tous deux propriétaires de la maison à la suite du décès de leur père. En raison d’un partage de la succession litigieux, la cohabitation entre les deux foyers est conflictuelle. En effet, entre 2018 et 2020, A et son épouse B ont déposé de nombreuses plaintes pénales à l’encontre de C et D.
Dans ce contexte, A a déposé une caméra de vidéosurveillance dirigée vers le jardin et le potager de la maison, filmant ainsi à chaque fois que son frère se rendait en ces lieux. C a déposé plainte pour ces faits.
Le 31 juillet 2020, C a filmé une altercation survenue dans la cage d’escalier de la maison entre son épouse et le couple formé par A et B. D a enserré fortement A qui venait déverrouiller la porte d’entrée pour permettre à sa compagne de pénétrer dans le bâtiment. Après s’être dégagé, A s’est dirigé vers C et l’a projeté violemment contre le montant d’une porte. Il lui a également arraché des mains son téléphone portable et l’a endommagé. À la suite de ces évènements, C a souffert d’une plaie à la main et d’une dermabrasion. A et B, d’une part, et C, d’autre part, ont déposé plainte.
Par jugement du 5 mai 2021, le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois a acquitté A des chefs d’accusation de lésions corporelles simples, d’appropriation illégitime d’importance mineure et de dommages à la propriété d’importance mineure. Il l’a condamné pour violation du domaine secret ou du domaine privé au moyen d’un appareil de prise de vues à 30 jours-amende à CHF 50.- avec sursis pendant 2 ans, ainsi qu’à une amende de CHF 500.-.
En seconde instance, par jugement du 25 août 2022, le Tribunal cantonal vaudois a condamné A pour lésions corporelles simples, dommages à la propriété d’importance mineure et violation du domaine secret ou du domaine privé au moyen d’un appareil de prise de vues à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 50.- le jour avec sursis pendant 2 ans, ainsi qu’à une amende de CHF 300.-.
A forme recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre ce jugement.
II. En droit
Le recourant se plaint notamment d’une violation de l’art. 179quater CP (c. 2).
Le TF rappelle tout d’abord que l’art. 179quater CP prévoit que celui qui, sans le consentement de la personne intéressée, aura observé avec un appareil de prise de vues ou fixé sur un porteur d’images un fait qui relève du domaine secret de cette personne ou un fait ne pouvant être perçu sans autre par chacun et qui relève du domaine privé de celle-ci sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
Sont protégés les faits qui se déroulent dans la sphère privée au sens étroit, c’est-à-dire qui ne peuvent être perçus sans autre par tout un chacun. L’art. 179quater CP protège notamment les environs immédiats d’une habitation, indépendamment du fait qu’ils soient clos ou non au sens de l’art. 186 CP. Selon la jurisprudence, fait donc partie du domaine privé au sens étroit non seulement ce qui se passe dans la maison elle-même, mais aussi ce qui se déroule dans ses environs immédiats, utilisés par les habitants comme une surface appartenant encore à la maison ou reconnaissables comme tels par des tiers. Cet environnement comprend notamment la zone située juste devant la porte d’entrée d’une maison d’habitation. Cependant, le TF expose que l’art. 179quater CP ne s’applique pas lorsque les faits se déroulent devant l’entrée et sur le palier d’un immeuble comportant plusieurs logements et opposent les habitants de cet immeuble entre eux. En effet, il s’agit d’un espace utilisé de manière égale par les différents habitants de l’immeuble et sur lequel aucun ne dispose d’un droit exclusif. Ainsi, dans le cadre de leurs relations internes, les habitants de l’immeuble ne bénéficient pas de la même protection de leur sphère privée que celle qui leur est accordée dans leur appartement ou à proximité de l’entrée d’une maison individuelle sur laquelle une personne dispose d’un droit exclusif. Le TF souligne que dans ces espaces communs, les habitants de l’immeuble ne peuvent pas se prévaloir de l’art. 179quater al. 1 CP les uns contre les autres (TF 6B_1149/2013 du 13.11.2014, c. 1.3) (c. 2.1).
En l’espèce, il ressort du jugement cantonal qu’A a installé une caméra de vidéosurveillance en direction du jardin et du potager de la maison et que C était filmé sans son consentement à chaque fois qu’il se rendait en ces lieux. Or, tant le jardin que le potager sont des parties communes de l’immeuble. Ainsi, les occupants de l’immeuble n’y disposent pas d’un droit exclusif les uns par rapport aux autres et ne bénéficient pas entre eux d’une protection de leur sphère privée en ces lieux. Un élément constitutif objectif de l’art. 179quater al. 1 CP fait dès lors défaut. L’infraction n’est donc pas réalisée et A doit être acquitté de ce chef d’accusation (c. 2.3).
Le recours de A est admis et le jugement attaqué annulé. La cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants (c. 3).