I. En fait
Le Ministère public du canton de Zurich (ci-après : MP) a ouvert une procédure pénale à l’encontre de D et d’un auteur inconnu pour des soupçons de violation de la Loi sur la concurrence déloyale. D, ainsi qu’un autre auteur non identifié, tous deux collaborateurs ou ex-collaborateurs de la société B SA, sont suspectés d’avoir fourni des informations inexactes ou, à tout le moins, trompeuses à des investisseurs, concernant le profil de risques et les couvertures d’assurance de F Funds.
Par ordonnance de production du 31 mai 2022, le MP a requis de B SA la transmission du rapport d’enquête interne, accompagné de ses annexes, établi par une Etude d’avocats concernant les faits objet de la procédure pénale. B SA s’est exécutée, tout en sollicitant l’apposition de scellés sur le rapport concerné. Par décision du 24 novembre 2022, le Tribunal des mesures de contrainte du canton de Zurich a rejeté la requête du MP visant à la levée des scellés et a ordonné la restitution des documents sous scellés.
Le MP interjette recours en matière pénale contre ce jugement auprès du Tribunal fédéral (ci-après : TF).
II. En droit
Dans cet arrêt, le TF traite de trois questions soulevées par le MP à l’encontre de la décision de levée des scellés, à savoir :
- si l’établissement des faits par une Etude d’avocats relève de l’activité typique de l’avocat et est ainsi protégé par le secret professionnel ;
- si les moyens de preuve préexistants, à savoir de la documentation bancaire, mentionnés dans le rapport d’enquête ou ses annexes sont couverts par ce secret, et ;
- si le rapport d’enquête et ses annexes, considérés comme correspondance d’avocat, ont perdu leur caractère confidentiel en raison de leur divulgation à un tiers, en l’occurrence la FINMA.
S’agissant de la première question, le TF rappelle que sont protégés par le secret professionnel de l’avocat les éléments qui ont été confiés à l’avocat en raison de sa profession ou dont il a eu connaissance dans l’exercice de celle-ci (art. 171 al. 1 CPP). La protection du secret professionnel de l’avocat englobe toutes les activités typiques de la profession d’avocat (ATF 147 IV 385, c. 2.6.2). Ces activités comprennent notamment le conseil juridique et la rédaction de documents juridiques (ATF 135 III 410, c. 3.3 et références citées). Dans le cadre de ces activités, une gestion correcte et minutieuse du mandat suppose non seulement l’examen de la situation juridique, mais également l’établissement de faits pertinents (TF 4C.80/2005 du 11.8.2005, c. 2.2.1). Dans ce contexte, l’établissement des faits fait partie du domaine central de l’activité de l’avocat et est en conséquence protégé par principe par le secret professionnel de l’avocat (TF 1B_509/2022 du 2.3.2023, c. 3.2). En effet, sans connaissance des faits juridiquement pertinents, il n’est pas possible de fournir un conseil ou une représentation juridiques professionnels (ATF 117 Ia 341, c. 6a) (c. 3.1).
En l’espèce, l’établissement des faits effectué par l’Etude est en relation avec le conseil et la représentation concernant des litiges déjà existants ou imminents. Ce document relève donc de l’activité classique d’avocat et est couvert par le secret professionnel. Le TF laisse en revanche ouverte la question de savoir si des enquêtes internes complexes – ou des mandats qui se limitent même à une simple enquête sur les faits – peuvent être qualifiés de manière générale d’activités typiques d’un avocat. Le premier grief du MP est donc rejeté (c. 3.3).
Au sujet de la deuxième question, le TF expose qu’est considérée comme correspondance d’avocat tout ce qui est introduit dans la relation de confiance particulière entre l’avocat et son client, qui prend naissance dans cette relation ou qui en découle (art. 264 al. 1 let. a, c et d CPP). Sont donc protégés d’une part les documents détenus par le représentant légal et, d’autre part, les documents détenus par le client et reçus de son représentant légal. La forme des documents n’a pas d’importance. La correspondance d’avocat peut être physique ou électronique. Sont notamment concernés les emails et leurs pièces jointes (TF 1B_617/2020 du 17.8.2021, c. 4 et références citées) (c. 4.1).
In casu, les annexes au rapport d’enquête sont constituées de copies de documents bancaires préexistants. En effet, ces documents bancaires ont été établis avant et/ou indépendamment d’une consultation ou d’une représentation par un avocat. Cependant, les annexes ont été ajoutées au rapport rendu par l’Etude d’avocats car elles ont été considérées comme pertinentes pour l’exécution du mandat. Dans ces circonstances, le risque invoqué par le MP selon lequel ce moyen de preuve puisse être définitivement soustrait est exclu. En outre, le TF souligne que ces annexes ont été produites dans le cadre de la relation de confiance particulière entre le représentant juridique et le client et qu’elles sont donc protégées par le secret professionnel de l’avocat. Le grief du MP est donc rejeté (c. 4.3).
Concernant la troisième question, le TF explique que, pour qu’un fait soit considéré comme secret (et donc éventuellement protégé dans le cadre de la procédure d’apposition des scellés), il faut remplir une double condition :
- d’un point de vue objectif : le fait ne doit être connu que d’un cercle restreint de personnes et ne doit être ni notoire ni accessible à tous ;
- d’un point de vue subjectif : il doit exister un intérêt à garder le secret, respectivement une volonté de garder le secret de la part du maître du secret (ATF 112 Ib 606, c. b et références citées) (c. 5.1).
Dans le cas d’espèce, le TF souligne que la transmission des documents litigieux à la FINMA, dans le cadre de l’obligation de B SA de coopérer à l’enquête, n’a pas entraîné la perte de leur caractère secret. Ainsi, ce grief est également rejeté (c. 5.2).
Par conséquent, le recours du MP, mal fondé, est intégralement rejeté (c. 6).