I. En fait
Le 1er juillet 2023, A et B font connaissance dans un bar. A la fermeture de l’établissement, A propose à B de la raccompagner chez elle, invitation qu’elle décline. Malgré ce refus, il la suit et tente de l’embrasser sur la bouche, ce qu’elle refuse en le repoussant avec les mains. A s’énerve, fait basculer B sur la pelouse et se couche sur elle en lui tenant les poignets. B essaie de le repousser et de crier, mais A lui met une main sur la bouche, ce qui l’empêche par moments de respirer. Avec son autre main, A relève la robe de B et enlève sa culotte avant de la pénétrer avec son sexe. Après quelques minutes, B réussit à appeler à l’aide. A se retire sans éjaculer et prend la fuite.
Par jugement du Tribunal du IIIe arrondissement des districts de Martigny et St-Maurice du 15 mars 2024, A a été acquitté du chef de prévention de mise en danger de la vie d’autrui et condamné pour viol à une peine privative de liberté de 30 mois dont 15 mois fermes, le solde de la peine étant suspendu durant un délai de deux ans et la détention avant jugement étant déduite.
Par arrêt du 18 juillet 2024, la Cour pénale du Tribunal cantonal valaisan a partiellement admis l’appel formé par le Ministère public en ce sens qu’elle a augmenté la peine privative de liberté d’A à 42 mois, sous déduction de la détention subie avant jugement.
A forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral contre l’arrêt cantonal du 18 juillet 2024. Il conclut principalement à sa réforme en ce sens que le jugement de première instance est confirmé et sa peine privative de liberté ainsi réduite.
II. En droit
A se plaint d’une violation de l’art. 47 CP et de son droit d’être entendu sous l’angle de la motivation de sa peine (c. 1).
Selon l’art. 47 al. 1 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir. Conformément à l’art. 47 al. 2 CP, la culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur ainsi que par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures. La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur sont pris en compte. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir ses antécédents, sa réputation, sa situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), sa vulnérabilité face à la peine, de même que son comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 149 IV 217, c. 1.1 ; ATF 142 IV 137, c. 9.1) (c. 1.1).
Le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans la fixation de la peine. Le Tribunal fédéral n’intervient que lorsque l’autorité cantonale a fixé une peine en dehors du cadre légal, qu’elle s’est fondée sur des critères étrangers à l’art. 47 CP, que des éléments d’appréciation importants n’ont pas été pris en compte ou, enfin, que la peine prononcée est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d’appréciation (ATF 149 IV 217, c. 1.1 ; ATF 144 IV 313, c. 1.2). Le Tribunal fédéral ne peut exercer ce contrôle que si le juge a exprimé dans sa décision les éléments essentiels relatifs à l’acte ou à l’auteur qu’il a pris en compte, de manière à ce que la Haute cour puisse constater que tous les aspects pertinents ont été pris en considération et comment ils ont été appréciés, que ce soit dans un sens aggravant ou atténuant (art. 50 CP). La motivation doit ainsi justifier la peine prononcée, en permettant de suivre le raisonnement adopté, même si le juge n’est pas tenu d’exprimer en chiffres ou en pourcentages l’importance qu’il accorde à chacun des éléments qu’il cite. Un recours ne saurait toutefois être admis simplement pour améliorer ou compléter un considérant lorsque la décision rendue apparaît conforme au droit (ATF 149 IV 217, c. 1.1 ; ATF 144 IV 313, c. 1.2) (c. 1.2).
En l’espèce, la cour cantonale a reconnu le recourant coupable de viol. Elle a considéré que l’acte qu’il avait commis était grave. Le recourant s’en est pris à la victime alors qu’elle était isolée et vulnérable en raison de son alcoolisation. Cette dernière s’est vu mourir durant l’agression et souffre depuis lors d’un état de stress post-traumatique. En outre, le recourant s’est montré brutal pour arriver à ses fins et a utilisé sa supériorité physique pour empêcher la victime d’appeler à l’aide en lui mettant la main sur la bouche, lui coupant par moments la respiration. Ce sont finalement les cris de la victime qui ont provoqué sa fuite. Ces éléments témoignent de l’énergie criminelle très importante mise en œuvre par le recourant. Au niveau subjectif, le recourant a agi par égoïsme et a été incapable de supporter la frustration engendrée par le refus de la victime. Sa collaboration lors de la procédure a par ailleurs été mauvaise. Il n’a absolument pas pris conscience du tort infligé à la victime et est allé jusqu’à affirmer qu’elle l’avait forcé à entretenir des relations sexuelles avec lui en le menaçant de le dénoncer pour viol s’il ne s’exécutait pas. Eu égard à l’ensemble de ces éléments, la cour cantonale a fixé la peine privative de liberté du recourant à 42 mois. Elle a exclu l’octroi d’un sursis, la peine étant supérieure à trois ans (c. 1.3).
Le recourant se prévaut de l’arrêt 7B_15/2021 du 19 septembre 2023 pour soutenir que la cour cantonale aurait dû atténuer sa culpabilité en raison «de la brièveté de l’acte ». Il allègue que la « durée relativement courte d’un viol » serait un facteur de diminution de la culpabilité. Selon le Tribunal fédéral, le recourant ne peut pas tirer une telle conclusion générale de l’arrêt précité, qui « ne renferme qu’une formule isolée et inadéquate » s’agissant de l’impact de la durée d’un acte d’ordre sexuel sur la culpabilité de l’auteur. Contrairement à ce que cet arrêt pourrait laisser supposer, « la durée d’une agression sexuelle est sans lien avec la gravité de la lésion au bien juridique protégé ». La désignation de « viol de courte durée » n’a pas de sens, car l’atteinte au bien juridique protégé est consommée dès le commencement de l’acte sexuel. Sous l’angle de la culpabilité, on ne saurait récompenser l’auteur d’un viol en fonction de la durée de son activité criminelle. La « durée relativement courte » d’un viol ne saurait ainsi en aucun cas être érigée en facteur atténuant. En revanche, la durée de l’activité criminelle peut aggraver la culpabilité de l’auteur lorsque son prolongement dans le temps correspond au déploiement d’une énergie criminelle d’autant plus conséquente. Au vu de ce qui précède, le grief du recourant est rejeté (c. 1.4.2).
Contrairement à ce que soutient le recourant (c. 1.6), sa peine n’est pas exagérément sévère en comparaison avec d’autres arrêts du Tribunal fédéral. Dans la mesure où la peine doit toujours être individualisée, dresser un parallèle avec d’autres affaires s’avère d’ailleurs délicat (c. 1.6.1). La motivation de la peine opérée par la cour cantonale n’est pas non plus lacunaire. L’instance précédente a pris en considération tous les facteurs pertinents énumérés par l’art. 47 CP pour la fixation de la peine. Ainsi, la peine prononcée ne constitue pas un abus du pouvoir d’appréciation de l’instance précédente (c. 1.7).
Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité (c. 2).
III. Commentaire
Le Tribunal fédéral rejette sans aucune ambiguïté la possibilité de considérer la durée d’un viol comme un facteur d’atténuation de la culpabilité de l’auteur. La clarté du considérant y relatif est encore renforcée par le fait que la décision est destinée à publication et qu’elle a fait l’objet d’un communiqué de presse, contrairement à l’arrêt 7B_15/2021 du 19 septembre 2023, qui apparait dès lors bien « isolé ». La solution qui avait été retenue dans l’arrêt précité était contraire à la logique de l’art. 47 CP en tant que la durée d’un viol ne diminue pas la gravité de la lésion infligée à la victime et qu’elle ne témoigne pas d’une énergie criminelle de plus faible intensité (dans ce sens : Camille Perrier Depeursinge/Justine Arnal, Les critères de fixation de la peine en cas de viol, tentative de viol et contrainte sexuelle commis en commun (art. 49 et 200 CP), in : https://www.crimen.ch/238/ du 20 décembre 2023). La clarification apportée par le Tribunal fédéral doit être saluée. Elle épargnera aux praticiens des débats stériles sur la durée requise pour qu’un viol soit qualifié de « court » et sur l’influence qu’un tel facteur devrait avoir sur la peine.