I. En fait
Le 19 mars 2021, E est tuée par son compagnon, F. Par la suite, F met fin à ses jours. La procédure pénale dirigée à l’encontre de F est classée en raison de son décès.
Par décision du 10 mai 2023, la Direction générale des affaires institutionnelles et des communes du canton de Vaud (ci-après : la DGAIC) accorde aux quatre enfants de E (A, B, C et D), CHF 11’213.65 à titre de réparation de leur dommage matériel ainsi que CHF 5’250.-, respectivement CHF 10’500.-, CHF 10’500.- et CHF 15’000.-, à chaque enfant à titre de réparation morale.
Par arrêt du 12 janvier 2024, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois (ci-après : le TC) rejette le recours formé contre la décision de la DGAIC par les quatre enfants de E. Leur recours concluait à l’octroi d’une indemnité pour tort moral de CHF 25’000.- chacun.
Par arrêt du 18 novembre 2024 (TF 1C_102/2024), le TF réforme l’arrêt cantonal en ce sens qu’un montant de CHF 15’000.- chacun est alloué à B et C à titre de réparation moral, respectivement CHF 12’000.- est alloué à A. Il renvoie la cause à l’instance précédente pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure cantonale.
Par arrêt du 11 décembre 2024, le TC fixe à CHF 1’500.- l’indemnité due aux recourants par l’État de Vaud à titre de dépens réduits et arrête à CHF 569.46 l’indemnité allouée au conseil de ceux-ci, dépens déduits. Au ch. III du dispositif, le TC indique que les recourants sont, dans la mesure de l’art. 123 CPC, applicable par renvoi de l’art. 18 al. 5 de la Loi vaudoise sur la procédure administrative du 28 octobre 2008 (LPA-VD, BLV 173.36), tenus au remboursement de l’indemnité du conseil d’office mise à la charge de l’État.
Par acte du 24 janvier 2025, l’Office fédéral de la justice (ci-après : l’OFJ) forme un recours en matière de droit public (cf. art. 89 al. 2 let. a LTF et art. 7c al. 2 de l’Ordonnance sur l’organisation du DFJP, Org DFJP, RS 172.213.1), en concluant à la réforme du ch. III du dispositif de l’arrêt cantonal en ce sens que les quatre enfants ne sont pas tenus au remboursement des frais liés à l’assistance judiciaire. Les quatre enfants ainsi que la DGAIC appuient le recours. Le TC s’en remet à justice.
II. En droit
Dans son recours, l’OFJ soutient que le ch. III du dispositif de l’arrêt cantonal viole l’art. 30 al. 3 LAVI lorsqu’il prévoit un remboursement par les quatre enfants de l’indemnité de leur conseil d’office. L’OFJ qualifie l’art. 30 al. 3 LAVI de lex specialis primant l’art. 123 CPC auquel renvoie l’art. 18 al. 5 LPA-VD (c. 2).
Notre Haute Cour retrace l’introduction en 2007 de l’art. 30 al. 3 LAVI ainsi que son objectif. Elle rappelle que la modification visait à mettre sur un pied d’égalité les victimes dont les frais d’avocat étaient pris en charge par l’assistance judiciaire gratuite (selon l’art. 29 al. 3 Cst. ou la procédure cantonale) et les victimes dont la prise en charge se fondait sur la LAVI. Alors que ces dernières bénéficiaient de la gratuité de la LAVI, les victimes au bénéfice de l’assistance judiciaire étaient en principe tenues au remboursement de l’aide si elles revenaient à meilleure fortune. La modification tendait à éviter la nouvelle victimisation pouvant être entraînée par un remboursement (Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de la LAVI du 9 novembre 2005, FF 2005 6752-6753 ch. 2.4 ; ATF 141 IV 262, c. 2.4 et 3.3.4 ; ATF 149 II 246, c. 12.4) (c. 2.2).
En s’appuyant sur un arrêt semblable (TF 1C_845/2013 du 2 septembre 2014, c. 6.2), le TF balaye la solution retenue par le TC et retient que le ch. III du dispositif de l’arrêt cantonal du 11 décembre 2024 est contraire à l’art. 30 al. 3 LAVI. Le TC n’a pas démontré en quoi la jurisprudence mentionnée ne s’appliquait pas au cas concret. Le TF soulève que le TC a d’ailleurs admis que ledit ch. III litigieux n’avait pas lieu d’être. L’instance précédente ainsi violé l’art. 30 al. 3 LAVI en mettant à la charge des quatre enfants de la défunte, qualifiés de proches de la victime au sens de l’art. 1 al. 2 LAVI, le remboursement de l’indemnité de leur conseil d’office, dépens déduits (c. 2.3).
Partant, le recours est admis et le ch. III du dispositif querellé réformé en ce sens que les recourants ne sont pas tenus de rembourser les indemnités allouées à leur conseil d’office (c. 3).