Dans le cadre d’un jugement contre une personne qui n’a pas annoncé son activité lucrative avant de la débuter, se rendant ainsi coupable d’une infraction à la LEI, la Cour d’appel et de révision pénale du canton du Tessin a rendu un verdict d’acquittement. L’Office des migrations tessinois a formé un recours en matière pénale au Tribunal fédéral qui doit dès lors se prononcer sur la question de la qualité pour recourir des autorités administratives cantonales instituées en vue de la poursuite et du jugement des contraventions.
À titre liminaire, notre Haute Cour rappelle que la recourante est une autorité administrative cantonale chargée de la poursuite des contraventions à la LEI en vertu du droit tessinois. Elle est donc une autorité de poursuite pénale au sens des art. 12 let. c et 17 CPP et dispose des attributions du ministère public en vertu de l’art. 357 al. 1 CPP (c. 1.2).
Cependant, la question de la qualité pour recourir au Tribunal fédéral est exclusivement régie par la LTF. Ainsi, a qualité pour former un recours en matière pénale quiconque a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire, et a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 81 al. 1 let. a et b LTF), un intérêt général ou de fait n’étant pas suffisant (ATF 133 IV 121, c. 1.2). La lettre b de l’art. 81 al. 1 LTF mentionne en outre une liste exemplative de cas ordinaires dans lesquels cette dernière condition est généralement remplie (ATF 139 IV 121, c. 4.2 ; ATF 133 IV 228, c. 2.3). Selon la jurisprudence, l’accusateur public – expressément mentionné dans la liste de l’art. 81 al. 1 let. b ch. 3 LTF – dispose toujours d’un intérêt juridique au recours, puisqu’il représente l’action publique de l’État (ATF 145 IV 65, c. 1.2 ; ATF 134 IV 36, c. 1.4.3) (c. 1.3 et 1.4).
L’accusateur public est défini comme « la personne ou l’autorité qui, en vertu du droit cantonal, est chargée, en qualité de partie, de défendre l’intérêt public devant le juge pénal cantonal de dernière instance » (TF 6B_693/2019 du 28.6.2019, c. 3.1.1). Si le droit cantonal charge un procureur général ou un ministère public de la poursuite de l’ensemble des infractions commises sur le territoire du canton, celui-ci est considéré comme le seul accusateur public habilité à recourir au Tribunal fédéral, à l’exclusion de toute autre autorité de poursuite pénale, même si celle-ci est intervenue seule devant le tribunal cantonal de dernière instance (ATF 142 IV 196, c. 1.5.1 et 1.5.2). La doctrine arrive à la même conclusion en déniant aux autorités de poursuite pénale compétentes en matière de contraventions la qualité pour recourir en matière pénale au Tribunal fédéral (c. 1.4 et 1.5).
L’art. 81 al. 1 let. b ch. 3 LTF s’applique également lorsque la Confédération et les cantons instituent des autorités administratives, telles que la recourante, en vue de la poursuite et du jugement des contraventions au sens des art. 17 et 357 al. 1 CPP ou reconnaissent la qualité de partie à d’autres autorités chargées de sauvegarder des intérêts publics en vertu des art. 104 al. 2 et 381 al. 3 CPP. Selon l’art. 17 al. 1 CPP, la Confédération et les cantons peuvent déléguer la poursuite et le jugement de contraventions à des autorités administratives. Le canton du Tessin a fait usage de cette possibilité et a confié la poursuite et le jugement de certaines infractions à des autorités administratives distinctes et indépendantes du ministère public. L’Office des migrations tessinois est de ce fait compétent pour les infractions régies par les art. 120 et 122 LEI ainsi que l’art. 116 LAsi, qui sont punies d’une amende de CHF 10’000.- au maximum. L’art. 357 al. 1 CPP prévoit quant à lui que lorsque des autorités administratives sont instituées en vue de la poursuite et du jugement des contraventions, elles ont les attributions du ministère public. Toutefois, leurs pouvoirs ne s’étendent pas, au-delà du champ d’application du CPP, à la procédure de recours devant le Tribunal fédéral. La LTF fait partie des « autres lois fédérales » réservées par les art. 1 al. 2 et 14 al. 2 CPP (ATF 142 IV 196, c. 1.4) (c. 1.5 à 1.7).
Les autorités administratives cantonales chargées de la poursuite, respectivement du jugement, des contraventions ne peuvent donc pas être assimilées à l’accusateur public au sens de l’art. 81 al. 1 let. b ch. 3 LTF. Cette disposition fait en réalité référence au « ministère public », comme cela ressort plus clairement des versions allemandes et italiennes (die Staatsanwaltschaft ; il pubblico ministero), et non aux « autorités de poursuite ». La compétence de ces dernières est par nature limitée au domaine des contraventions et elles n’ont pas le monopole de l’action publique, car, selon l’art. 17 al. 2 CPP, les contraventions commises en rapport avec des crimes ou des délits sont poursuivies et jugées en même temps que ceux-ci par le ministère public et les tribunaux. Cela est encore plus évident dans le cas de la recourante, dont la compétence en matière de contraventions est limitée aux infractions punies d’une amende de CHF 10’000.- au plus. L’Office des migrations tessinois n’est dès lors pas habilité à recourir au Tribunal fédéral sur la base de l’art. 81 al. 1 let. b ch. 3 LTF (c. 1.7).
En outre, notre Haute Cour a récemment confirmé que, dans le cadre d’une procédure de recours par-devant le Tribunal fédéral, les ministères publics cantonaux et le Ministère public de la Confédération sont seuls compétents en matière de sauvegarde de l’intérêt public à la poursuite pénale (TF 6B_1381/2019 du 13.10.2020, c. 4). La clause générale de l’art. 81 al. 1 let. b LTF ne permet pas non plus de reconnaître la qualité pour recourir au Tribunal fédéral des autorités administratives cantonales chargées de la poursuite des contraventions, puisqu’elles n’ont aucun intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée autre que celui découlant de la prétention punitive de l’État, qui est réservée exclusivement au ministère public. Le recours est par conséquent irrecevable (c. 1.8).
Saisissant l’occasion offerte par le présent arrêt pour clarifier deux éléments importants au sujet de la situation procédurale des autorités administratives cantonales, la solution retenue par les juges fédéraux ne s’expose pas, à notre sens, à la critique. En premier lieu, notre Haute Cour constate, comme précédemment relevé par la doctrine, que les autorités de poursuite pénale compétentes en matière de contraventions ne sont pas comprises dans l’acception de l’« accusateur public » tel qu’il est mentionné à l’art. 81 al. 1 let. b ch. 3 LTF. Elles ne peuvent dès lors être habilitées à recourir en matière pénale au Tribunal fédéral sur cette base. En second lieu, rappelant cette fois-ci une jurisprudence récente, les juges fédéraux précisent que lesdites autorités ne peuvent pas non plus recourir au Tribunal fédéral sur la base de la clause générale de l’art. 81 al. 1 let. b LTF. Partant, doctrine et jurisprudence nient toute qualité pour recourir au Tribunal fédéral des autorités administratives cantonales auxquelles la poursuite et respectivement le jugement des contraventions auraient été délégués.