Qualification des honoraires d’avocat en tant qu’aide immédiate ou à plus long terme selon la LAVI et absence de plafonnement de leur indemnisation

La somme maximale d’indemnisation prévue par l’ancienne Loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions et son ordonnance d’application (aLAVI et aOAVI) ne vaut ni pour les prestations octroyées au titre de l’aide immédiate ni pour celles prises en charge en qualité d’aide à plus long terme. La solution demeure inchangée dans la loi actuellement en vigueur, l’aide à plus long terme réglée aux art. 13 ss LAVI échappant au plafonnement de CHF 120'000.- fixé à l’art. 20 al. 3 LAVI. La loi actuelle prévoit enfin que les honoraires d’avocat sont pris en charge par le centre de consultation exclusivement en tant qu’aide immédiate ou à plus long terme (art. 19 al. 3 LAVI, art. 5 OAVI).

I. En fait

Se fondant sur la Loi sur l’aide aux victimes (LAVI), le Centre LAVI du canton de Genève décline, le 22 janvier 2020, la requête d’aide financière à plus long terme de A en lien avec l’infraction dont il a été victime le 4 février 2007, faute pour celui-ci d’avoir déposé une demande d’assistance juridique avant la prise en charge des honoraires d’avocat. Le Centre LAVI estime ne pas pouvoir intervenir dès lors que les tarifs du mandataire ont été acceptés par le mandant, lequel avait de surcroît versé à l’avocat le montant de CHF 6’250.-.

A conclut à l’annulation de cette décision devant la Cour de justice de la République et canton de Genève et demande que le Centre LAVI soit condamné à lui verser CHF 6’250.- à titre d’aide à plus long terme. Le recours est rejeté le 21 juillet 2020 par la Cour, à la suite de quoi A porte l’affaire auprès du Tribunal fédéral, concluant à l’annulation de l’arrêt cantonal et au renvoi de la cause à l’instance précédente. Il appelle notamment le Tribunal fédéral à se déterminer sur le montant maximum de l’aide à plus long terme.

II. En droit

La version actuelle de la LAVI est entrée en vigueur le 1er janvier 2009. Selon l’art. 48 let. a LAVI, l’ancienne loi (aLAVI) était applicable à l’indemnisation et la réparation morale d’une victime pour des faits qui se sont déroulés avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi. Sur cette base, la juridiction cantonale a estimé que la requête de A devait être analysée à l’aune de l’ancien droit. Elle a constaté que la couverture des frais d’avocat pouvait être appréhendée comme prestation du centre de consultation selon l’art. 3 al. 4 aLAVI ou comme dommage résultant de l’infraction au sens de l’art. 11 aLAVI, retenant cette dernière catégorie en l’espèce. A n’avait toutefois pas précisé s’il faisait valoir les CHF 28’557.- d’honoraires d’avocat au titre de dommages résultant de l’infraction ou de prestation du centre de consultation.

Dans la mesure où A n’avait contesté ni le montant de CHF 3’500.- que le Centre lui avait versé ni la qualification des frais en tant que dommage résultant de l’infraction, l’autorité inférieure a considéré que sa nouvelle prétention se fondait forcément sur l’art. 3 al. 4 aLAVI. Or, étant donné que le Centre avait octroyé à A des prestations atteignant au total le montant maximum prévu par l’ancien droit (CHF 100’000.- selon l’art. 4 aOAVI), aucune somme complémentaire ne pouvait lui être accordé. A rétorque que les frais d’avocat couverts par l’art. 3 al. 4 aLAVI en tant qu’aide à plus long terme sont distincts de ceux dont l’indemnisation se fonde sur l’art. 11 aLAVI au titre de dommage résultant de l’infraction. Partant, l’aide à plus long terme ne serait pas soumise à la limite fixée par l’art. 4 aOAVI (c. 2.1 et 2.2).

Le Tribunal fédéral rappelle que, conformément à l’art. 4 aOAVI a contrario, le plafonnement de CHF 100’000.- prévu pour l’indemnisation ne s’applique ni aux prestations octroyées au titre de l’aide immédiate ni à celles prises en charge en tant qu’aide à plus long terme (TF 1A.155/2005  du 23.9.2005, c. 3). La solution reste inchangée sous la loi actuellement en vigueur : l’aide à plus long terme (art. 13 ss LAVI) n’est pas soumise au montant maximum de CHF 120’000.- fixé à l’art. 20 al. 3 LAVI. Par ailleurs, selon le nouveau droit, les honoraires d’avocat ne peuvent désormais être pris en charge par le centre de consultation qu’en tant qu’aide immédiate ou à plus long terme (art. 19 al. 3 LAVI, art. 5 OAVI).

Il doit ainsi être donné tort à la juridiction cantonale lorsqu’elle juge que le recourant ne pouvait prétendre à la couverture de ses frais d’avocat par le Centre LAVI, au motif qu’il s’était déjà vu allouer la somme maximale fixée dans la loi pour l’indemnisation. Quant à la question de savoir lequel de l’ancien ou du nouveau droit devait être appliqué in casu (la position du Centre LAVI et de la Cour de justice divergeant sur ce point), elle ne peut être tranchée par le Tribunal fédéral, faute de précisions suffisantes dans l’état de fait de la décision cantonale.

Le recours est admis, l’arrêt de la juridiction cantonale annulé et la cause renvoyée à l’instance précédente pour nouvelle décision (c. 2.3).

Proposition de citation : Camille Montavon, Qualification des honoraires d’avocat en tant qu’aide immédiate ou à plus long terme selon la LAVI et absence de plafonnement de leur indemnisation, in : https://www.crimen.ch/79/ du 16 février 2022