I. En fait
Alors qu’il se trouvait en France, A a adressé plusieurs messages WhatsApp à B, son ex-compagne, dans lesquels il tenait des propos injurieux à l’encontre de C, nouveau compagnon de B. Cette dernière a pris connaissance des messages alors qu’elle se trouvait en France. Elle a relayé le contenu des messages à C, qui se trouvait alors en Suisse.
La Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral (TPF) a reconnu A coupable d’injure. La condamnation a été confirmée par la Cour d’appel du TPF, la peine ayant toutefois été diminuée.
A recourt au Tribunal fédéral (TF) et se prévaut notamment du fait que la compétence internationale des autorités pénales suisses n’était pas donnée.
II. En droit
Selon l’art. 3 al. 1 CP, le Code pénal suisse est applicable à quiconque commet un crime ou un délit en Suisse. L’art. 8 al. 1 CP complète cette disposition et prévoit qu’un crime ou un délit est réputé commis tant au lieu où l’auteur a agi ou aurait dû agir qu’au lieu où le résultat s’est produit. Le TF rappelle l’évolution de sa jurisprudence en matière de compétence territoriale des autorités pénales suisses, en particulier en matière d’infractions contre l’honneur lorsque les propos figurent dans des courriers envoyés depuis l’étranger à des personnes résidant en Suisse (ATF 125 IV 177, c. 2 s.). La compétence des autorités pénales suisses est alors retenue au motif que les écrits attentatoires avaient été adressés de façon ciblée, directe et individuellement déterminée à au moins deux personnes qui en avaient pris connaissance en Suisse (c. 4.1.2).
La prise de connaissance du lésé ne pouvant être considérée comme la conséquence directe et immédiate du comportement typique de l’auteur, l’auteur n’ayant en particulier pas utilisé le compte WhatsApp de B comme « simple vecteur » pour atteindre C, l’infraction a été consommée lorsque B, la destinataire des messages envoyés par le recourant, en a pris connaissance (c. 4.5.2), à savoir en France.
À défaut de résultat intervenu en Suisse, la compétence des autorités pénales suisses doit être niée (c. 4.5.4).
III. Commentaire
Le Tribunal fédéral retient que, pour fonder la compétence territoriale des autorités suisses sur la base de la réalisation d’un résultat au sens de l’art. 8 CP, est déterminant le moment de la consommation de l’infraction (c. 4.5.1). Il semble poser deux critères cumulatifs pour qu’un résultat survienne en Suisse : d’une part, une communication ciblée à une personne en Suisse et, d’autre part, la prise de connaissance par cette personne alors qu’elle se trouve en Suisse. Nous pouvons nous demander comment comprendre précisément ces deux notions, l’arrêt étant muet sur ces points.
S’agissant de la première, et en lien avec des messages WhatsApp, le critère pertinent pourrait être celui du numéro de téléphone suisse (tout comme il s’agit, vraisemblablement, de l’adresse postale suisse s’agissant de courriers postaux, comme cela semble ressortir de l’ATF 125 IV 177, JdT 2003 IV 138, c. 3b), mais pas le lieu de résidence, de domicile ou d’emploi.
S’agissant de la prise de connaissance, il ne doit en tout cas pas, d’après nous, s’agir du moment de réception du message sur l’appareil (signalée sur WhatsApp par deux « vus » gris ; contrairement à ce qui figure dans l’arrêt ici commenté, « lorsqu’elle a reçu », c. 4.4), ni de l’ouverture du message (signalée sur WhatsApp par deux « vus » bleus), mais de la prise effective de connaissance du contenu, donc la lecture – et de la compréhension – du texte. Bien que la deuxième option soit plus aisée à démontrer, ce moment ne correspond pas à celui où l’infraction est consommée. Par analogie, s’agissant de courriers postaux, il s’agira non pas du dépôt dans la boîte aux lettres, ni du prélèvement de la boîte ou de l’ouverture de l’enveloppe, mais de la lecture éclairée de son contenu. Le lieu de la prise de connaissance est ainsi particulièrement aléatoire et le simple fait de se trouver, même momentanément, à l’étranger, notamment en week-end ou dans le but de faire des courses, suffit pour nier la compétence des autorités pénales suisses. L’on peut se demander si une telle fluctuation est souhaitable, s’il ne faudrait pas tempérer cette solution par un aspect de prévisibilité pour l’auteur et, plus généralement, si le lieu de survenance du résultat, voire la compétence territoriale dans son ensemble, sont encore pertinents s’agissant d’infractions commises par le biais de moyens de télécommunication modernes.Finalement, l’arrêt nous semble être une occasion manquée de poser les bases d’une jurisprudence uniformisée indépendante de la nature, matérielle ou formelle, des infractions pour les besoins de la compréhension de la notion de résultat au sens de l’art. 8 CP.