I. En fait
Par jugement du 28 octobre 2020, A a été reconnu coupable par le Tribunal de police de la République et canton de Genève d’infractions à l’art. 130 al. 1 let. a de la Loi fédérale du 29 septembre 2017 sur les jeux d’argent (LJAr; RS 935.51).
Il est reproché à A d’avoir installé et mis à disposition – sans être titulaire des autorisations nécessaires – des jeux de casino sous forme d’appareils électroniques, dans plusieurs établissements non autorisés entre le mois de mars 2014 et mai 2017.
Par arrêt du 11 mars 2021, l’appel de A a été rejeté par la Chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève. Cette autorité a notamment retenu que A ne pouvait ignorer le caractère illégal des jeux installés sur les machines qu’il fournissait. Elle a dès lors confirmé sa condamnation pour infractions à l’art. 130 al. 1 let. a LJAr.
A forme un recours en matière pénale contre cet arrêt auprès du Tribunal fédéral (TF). Il conclut en particulier à la réforme de l’arrêt attaqué, en ce sens qu’il est acquitté du chef d’accusation d’infractions à l’art. 130 al. 1 let. a LJAr.
II. En droit
Le recourant reproche à la cour cantonale d’avoir violé les art. 1 CP et 130 al. 1 let. a LJAr, lequel aurait été appliqué à tort par l’autorité cantonale à titre de lex mitior. Le présent arrêt traite de ce point en particulier.
Pour rappel, selon le principe de la lex mitior, « si une infraction est commise avant l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi mais que son auteur est jugé après, l’ancien droit s’applique (interdiction de la rétroactivité), sauf si le nouveau droit est plus clément (exception de la lex mitior, art. 2 al. 2 CP). La question de savoir si la nouvelle loi est plus « douce » que l’ancienne ne peut être appréciée abstraitement mais doit être évaluée selon une méthode comparative concrète, soit à la lumière du cas d’espèce. Il s’agit pour le tribunal de comparer l’infraction telle que prévue par l’ancien et le nouveau droit et de déterminer le régime juridique qui est objectivement le plus favorable au prévenu » (cf. C. Montavon, La législation sur les jeux d’argent confrontée à la règle de la lex mitior, in : https://www.crimen.ch/44/ du 19.10.21).
Avec l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2019, de la Loi fédérale du 29 septembre 2017 sur les jeux d’argent (LJAr; RS 935.51) – qui a remplacé la Loi fédérale du 18 décembre 1998 sur les jeux de hasard et les maisons de jeu (aLMJ; RO 2018 5103) – les dispositions pénales en la matière ont été modifiées (c. 1.1).
- Selon l’ancien droit (art. 56 al. 1 aLMJ), sera puni des arrêts ou d’une amende de CHF 500’000.- au plus celui qui aura organisé ou exploité par métier des jeux de hasard à l’extérieur d’une maison de jeu (let. a), ou encore qui aura installé, en vue de les exploiter, des systèmes de jeux ou des appareils à sous servant au jeu de hasard qui n’ont pas fait l’objet d’un examen, d’une évaluation de la conformité ou d’une homologation (let. c). Celui qui aura agi par négligence sera puni d’une amende de CHF 250’000.- au plus (al. 2).
- Selon le nouveau droit (art. 130 al. 1 LJAr), est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire quiconque, intentionnellement exploite, organise ou met à disposition des jeux de casino ou des jeux de grande envergure sans être titulaire des concessions ou des autorisations nécessaires (let. a).
Se fondant sur un arrêt de principe publié aux ATF 147 IV 471 (commenté sur crimen.ch/44/, ibid.), le TF retient que c’est à tort que la cour cantonale a considéré que la loi la plus favorable au recourant était la LJAr. Les juges fédéraux mettent ici en exergue deux éléments clés :
- La révision de la législation en matière de jeux d’argent et des dispositions pénales y relatives avait pour but, selon la volonté du législateur, de durcir le cadre légal et d’aggraver les sanctions encourues, en transformant des infractions de contraventions en délits, voire même en crimes (FF 2015, 7731).
- L’amende qui sanctionne une contravention représente toujours une peine plus favorable que la peine pécuniaire qui sanctionne un délit, indépendamment des modalités d’exécution et de l’ampleur du montant. L’amende et la peine pécuniaire ne constituent pas des peines de même genre.
Ainsi, comme l’art. 130 al. 1 let. a LJAr est passible d’une peine privative de liberté ou d’une peine pécuniaire (délit), il ne constitue pas une norme plus favorable que l’art. 56 al. 1 let. a aLMJ, qui prévoit l’amende (contravention). L’art. 130 al. 1 let. a LJAr n’avait donc pas vocation à s’appliquer rétroactivement, en lieu et place de l’art. 56 al. 1 let. a aLMJ, à des faits antérieurs à son entrée en vigueur le 1er janvier 2019 (TF 6B_995/2021 du 15.8.22, c. 2.2 et 2.3). Le même raisonnement est pleinement transposable pour l’art. 56 al. 1 let. c aLMJ (c. 1.2).
En l’espèce, les faits incriminés sont antérieurs à l’entrée en vigueur de la LJAr. Se pose donc la question de la lex mitior. Compte tenu des développements qui précèdent, il fallait retenir en l’espèce, contrairement à la conclusion à laquelle l’autorité inférieure était parvenue (toutefois avant que l’arrêt de principe précité ait été rendu), que l’ancien droit est plus favorable à l’auteur. La cause aurait donc dû être examinée sous l’angle de l’ancien droit et non du nouveau (c. 1.3).
Le recours doit être admis, l’arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision (c. 2).