I. En fait
Par demande du 22 juin 2020, la République d’Angola sollicite l’entraide judiciaire auprès des autorités suisses dans le cadre d’une enquête pénale menée contre A pour des faits de détournements de fonds publics, blanchiment d’argent, participation économique dans le commerce et trafic d’influence, fraude fiscale. En particulier, il est reproché à A, en sa qualité de directeur du département de la gestion des risques de la société pétrolière B, d’avoir détourné à son profit les actions détenues par son employeur dans la holding C. Ces fonds sont estimés à USD 4 milliards et auraient transité sur des relations bancaires ouvertes aux noms des sociétés du groupe C, du prévenu et des membres de sa famille, auprès de la banque E, à Genève. Les autorités angolaises demandent aux autorités suisses la transmission de la documentation bancaire relative à ces comptes, ainsi que la saisie des avoirs qui y étaient déposés.
Le 14 octobre 2021, le Ministère public de Genève a rendu une décision de clôture par laquelle il a ordonné la transmission à l’État requérant de la documentation bancaire relative au compte détenu auprès de la banque E. Par arrêt du 23 mai 2022, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (TPF) a rejeté le recours formé par A et a confirmé la transmission de la documentation bancaire. Le 30 août 2022, le Tribunal fédéral (TF) a annulé cet arrêt. En effet, il a estimé que bien que le recourant, détenu en Angola, bénéficiait de conditions de détention qui ne pouvaient être considérées comme inhumaines ou dégradantes, on pouvait douter de l’indépendance de la justice par rapport au pouvoir exécutif, ainsi que du respect des droits de la procédure. La cause a donc été renvoyée au TPF afin que des garanties diplomatiques soient exigées.
Dans un second arrêt du 14 juin 2023, le TPF a donc rejeté le recours de A et modifié le dispositif de la décision de clôture en ce sens que la transmission des pièces est subordonnée à huit garanties que doivent fournir les autorités angolaises.
A forme recours en matière de droit public au TF contre cet arrêt.
II. En droit
A invoque l’art. 2 EIMP et se plaint d’arbitraire dans l’appréciation des preuves. En outre, il estime que la Suisse devrait refuser toute coopération avec l’Angola puisque, selon le rapport du DFAE, l’Angola ne peut pas être considéré comme un État de droit démocratique en raison de déficits considérables en matière de respect des droits de l’homme. Ce constat justifie à lui seul un refus de l’entraide. Le recourant relève également que puisque la procédure pénale est achevée en Angola et qu’il a été condamné à neuf ans de détention, les garanties diplomatiques exigées n’auraient aucune utilité ou valeur. Il produit à l’appui de ce grief la première et la dernière page de l’arrêt de la Cour constitutionnelle angolaise qui rejette son ultime recours et confirme ainsi sa condamnation, ainsi qu’une traduction non officielle (c. 2).
Le TF commence son raisonnement en relevant que l’arrêt de la Cour constitutionnelle est postérieur au second prononcé du TPF et constitue donc un fait nouveau au sens de l’art. 99 LTF. En effet, l’arrêt de la Cour constitutionnelle angolaise met un terme à la procédure pénale dirigée contre A et permet de poser pour la première fois dans le cours de la procédure d’entraide judiciaire diverses conditions à la transmission des renseignements, portant notamment sur le respect des garanties de procédure découlant de l’art. 14 du Pacte ONU II (c. 2.1).
Dans son arrêt du 30 août 2022, le TF avait considéré que l’on ne pouvait écarter tout doute quant à l’indépendance des autorités judiciaires et au respect des droits du prévenu dans la procédure pénale menée en Angola. Des garanties diplomatiques devaient donc être obtenues sur ces points (TF 1C_349/2022 du 30.8.2022). Sur demande du TPF, l’OFJ a obtenu un rapport du DFAE dont il ressort notamment que l’Angola n’est pour l’heure pas un État de droit et présente des déficits considérables en matière démocratique ainsi que dans le domaine des droits de l’homme, et ce bien que le président actuel poursuive l’objectif de rendre son pays plus respectueux du droit. Le DFAE relève en outre, qu’au vu des problèmes que connaît le pays quant aux respects des droits de l’homme, des garanties diplomatiques devraient être exigées dans le cas d’espèce, et leur respect devrait être contrôlé. Au sujet de l’avancée de la procédure, le DFAE avait souligné que celle-ci était toujours en cours. Sur cette base, le TPF avait considéré qu’en dépit des objections de A, rien ne permettait de penser que l’Angola ne respecterait pas les engagements qu’elle prendrait envers la Suisse par la voie diplomatique. L’entraide devait donc être accordée moyennant l’octroi de garanties diplomatiques (TPF RR.2022.170 du 14.6.2023) (c. 2.2).
Le TF soulève ensuite, qu’à l’issue de la procédure pénale en Angola, A a été condamné à neuf ans d’emprisonnement. L’État requérant a donc décidé de statuer sur la culpabilité du recourant sans disposer des renseignements bancaires demandés à la Suisse. Les renseignements requis ne revêtent donc plus aucune utilité. Au sujet des garanties diplomatiques, en particulier celle portant sur l’indépendance et l’impartialité des autorités de poursuite et le déroulement de la procédure pénale, elles ont été reconnues nécessaires par le TF (TF 1C_349/2022 du 30.8.2022, c. 4.3), l’OFJ ainsi que le DFAE avant qu’elles ne soient concrétisées dans l’arrêt attaqué. Or, dès lors que la procédure dirigée contre le recourant est close, ces garanties ne seront manifestement pas prises en compte par l’Angola. Ainsi, dans la mesure où elle conserverait un objet, l’entraide judiciaire devrait être refusée. Le TF expose cependant qu’en l’état, ces questions ne peuvent pas être définitivement tranchées puisque l’arrêt de la Cour constitutionnelle angolaise a été produit par A de manière incomplète et avec une traduction non certifiée conforme. Il appartient donc à l’OFJ d’interpeller l’État requérant sur ces points (c. 2.3).
Le TF considère donc que l’arrêt doit être annulé, de même que la décision de clôture du 14 octobre 2021. En revanche, il soutient que la décision d’entrée en matière du 27 avril 2021, ainsi que l’ordonnance d’exécution du même jour qui porte sur la production des documents bancaires et sur le séquestre des avoirs doivent être maintenues. Il reviendra à l’OFJ d’interpeller l’État requérant afin de déterminer le contenu et la portée de l’arrêt de la Cour constitutionnelle ainsi que de se renseigner sur le sort des avoirs qui demeurent bloqués en Suisse. En outre, le séquestre des fonds, prononcé en avril 2021, dont la durée n’apparaît pour l’heure pas disproportionnée au regard de la pratique, doit être maintenu (c. 2.4).
Le recours est donc admis. L’arrêt attaqué ainsi que la décision de clôture du 14 octobre 2021 sont annulés et la cause est renvoyée à l’OFJ pour nouvelle décision (c. 3).