L’obligation de tenir des débats d’appel lors du prononcé d’une expulsion

La renonciation aux débats d’appel n’est possible que si l’une des exceptions prévues à l’art. 406 CPP est remplie et que les garanties de l’art. 6 § 1 CEDH sont respectées, au vu de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce. Lorsque seule l’expulsion est litigieuse devant la juridiction d’appel, une audience est en principe obligatoire car le Tribunal doit se forger une impression personnelle du prévenu dépassant une simple question de droit (art. 406 al. 1 let. a CPP). Ces considérations sont également valables à la suite d’un arrêt de renvoi du Tribunal fédéral, avec pour conséquence que l’instance cantonale est en principe tenue de procéder à une nouvelle audience d’appel.

La rupture de ban et l’inapplicabilité de l’art. 124a LEI

L’art. 124a LEI qui exclut l’application de la Directive sur le retour à la décision et à l’exécution de l’expulsion n’est pas applicable à l’infraction de rupture de ban. Ainsi, une personne qui contrevient à une décision d’expulsion ne peut être condamnée à une peine privative de liberté que lorsque toutes les mesures raisonnables pour l’exécution du retour ont été entreprises.

Visites intimes en détention : un droit réservé aux personnes détenues pouvant justifier de relations stables et durables

Il est conforme au droit constitutionnel et au droit conventionnel, notamment au droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8 CEDH), de refuser, sur la base d’un règlement cantonal, une visite intime à un détenu qui ne peut justifier d’une relation stable et durable avec sa partenaire libre. Cette double condition de stabilité et de durabilité répond à la logique voulant que les visites (comme moyen de conserver des relations avec le monde extérieur selon l’art. 84 CP) visent le maintien de liens affectifs étroits entre proches.

L’indemnisation d’une détention injustifiée devant les Tribunaux suisses lorsque la CourEDH a déjà alloué une satisfaction équitable

Lorsque la CourEDH a accordé une satisfaction équitable (art. 41 CEDH) suite au constat de la violation de la CEDH, le requérant ne peut, indépendamment du dédommagement déjà alloué, prétendre à une indemnisation supplémentaire dans le cadre de la procédure de révision subséquente devant le Tribunal fédéral. En effet, une base légale en ce sens fait défaut en droit suisse. Le recours d’une personne qui réclamait, en sus de l’indemnité de € 40’000.- allouée par la Cour, plusieurs centaines de milliers de francs pour sa détention injustifiée entre 2010 et 2022, est ainsi rejeté.

Le prononcé d’une détention pour motifs de sûreté dans le cadre d’une décision judiciaire ultérieure à l’exécution d’une peine

Le prononcé d’une détention pour des motifs de sûreté en vue ou dans le cadre d’une décision judiciaire ultérieure indépendante suppose de sérieuses raisons de penser que l’exécution d’une peine ou d’une mesure privative de liberté sera ordonnée à l’encontre de la personne condamnée (art. 364a et 364b CPP). Ce changement de sanction (art. 65 al. 1 CP) est possible uniquement si, après l’entrée en force du jugement initial, de nouveaux faits ou moyens de preuves, alors inconnus du tribunal mais déjà existants au moment du premier jugement, sont apparus et satisfont les conditions d’une mesure. Conformément à la jurisprudence de la CourEDH, ces nouveaux faits et moyens de preuve doivent porter sur la nature de l’infraction ou sur la culpabilité, et non uniquement sur les conditions du prononcé ultérieur de la mesure.

Spectacle humoristique à relents négationnistes punissables :  des propos contraires aux valeurs de la CEDH ne bénéficient pas de la protection de la liberté d’expression

La remise en question de l’existence des chambres à gaz durant l’Holocauste constitue une négation de l’extermination systématique des personnes juives sous le régime nazi et est dès lors susceptible de réaliser les éléments constitutifs de l’art. 261bis par. 4 in fine CP (incriminant la négation, la minimisation ou la justification d’un génocide ou d’autres crimes contre l’humanité), même si les propos négationnistes sont tenus dans le cadre d’un spectacle humoristique. Si la protection de la liberté d’expression au sens de l’art. 10 CEDH couvre également la satire, elle est néanmoins restreinte par la clause de l’interdiction de l’abus de droit de l’art. 17 CEDH. Ainsi des propos contraires aux valeurs sous-tendant la CEDH se voient-ils soustraits à la protection de l’art. 10 CEDH par le biais de l’art. 17 CEDH.

Hormis les cas de défense obligatoire, la faute de l’avocat est imputée à son client

Le Tribunal fédéral confirme les conditions posées dans l’ATF 143 I 284 et précise que les seuls cas dans lesquels la faute de l’avocat ne peut pas être imputée à son client sont ceux qui relèvent de la défense obligatoire au sens de l’art. 130 CPP. Ainsi, l’omission fautive, par l’avocat, de poster dans les délais légaux une opposition à l’ordonnance pénale qui condamnait son client a été imputée à ce dernier, ce qui l’a, de fait, privé d’un recours effectif contre la décision le condamnant.

Refus de l’assistance judiciaire et garantie d’un procès pénal équitable : analyse d’une jurisprudence étonnante

La CourEDH a rendu un arrêt dans lequel elle reconnaît que, au vu des circonstances du cas d’espèce, les autorités suisses auraient dû ordonner la défense d’office et gratuite du prévenu (art. 132 al. 1 let. b CPP). Néanmoins, elle nie toute violation, par la Suisse, de l’art. 6 CEDH. En effet, après une analyse globale relative à l’exigence d’une procédure pénale équitable, la CourEDH parvient à la conclusion que le requérant a, effectivement, été défendu pro bono par un avocat, malgré le refus du Tribunal fédéral de lui accorder une assistance judiciaire. Par conséquent, elle estime que le requérant n’a pas souffert concrètement de ce refus.

Extradition et risque d’une peine de réclusion à vie sans possibilité de libération conditionnelle dans l’État requérant

En matière d’extradition, les principes de la CourEDH sur les peines de réclusion à vie sans possibilité de libération conditionnelle prononcées dans des États parties à la CEDH s’appliquent de manière modulée, entraînant un examen en deux étapes. Premièrement, le requérant doit démontrer qu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’il sera, dans l’État requérant, condamné à une telle peine. Deuxièmement, il s’agit de vérifier s’il existe dans l’État requérant un mécanisme de réexamen de la peine axé sur l’amendement du détenu. Dans le présent arrêt, la CourEDH revient ainsi sur sa jurisprudence Trabelsi c. Belgique.

La désignation en tant que juges suppléants d’individus exerçant une activité parallèle de greffiers au sein de la même Cour : violation du droit à un tribunal indépendant et impartial

Le Tribunal fédéral tranche une question qu’il avait jusqu’alors laissée ouverte, à savoir celle de la compatibilité, avec le principe de l’indépendance des juges, de la désignation, en qualité de juges suppléants, d’individus exerçant simultanément une activité de greffiers au sein de la même Cour. Il juge cette situation contraire au droit à un tribunal indépendant et impartial au sens des art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH, dès lors que, dans le cadre de leur activité principale de greffiers, les juges suppléants se trouvent dans un rapport hiérarchique avec les juges en chefs siégeant dans la même formation de jugement. La hiérarchie formelle qui existe à l’extérieur du collège de juges crée une apparence de hiérarchie informelle à l’intérieur de la formation de jugement, susceptible de porter atteinte à l’indépendance judiciaire des juges suppléants.

Guerre en Ukraine : refus de l’entraide à la Russie

Au regard de l’offensive militaire menée en Ukraine, l’entraide doit être refusée à la Russie. Par le non-respect du Mémorandum de Budapest et des buts fixés par la Charte de l’ONU, son retrait du Conseil de l’Europe et sa dénonciation de la CEDH, l’on ne peut plus partir du principe que la Russie respectera le droit international, en particulier s’agissant des droits humains. En l’état actuel, elle doit être classée parmi les États du troisième cercle, dans lesquels un risque de violation des droits humains ne peut pas être pallié par la fourniture de garanties diplomatiques.

La fiction de retrait de l’appel déclaré par une partie ne pouvant pas être citée à comparaître

Un appel est réputé retiré si la partie qui l’a déclaré ne peut pas être citée à comparaître (art. 407 al. 1 let. c CPP). Les autorités doivent démontrer avoir entrepris tous les efforts nécessaires à l’identification du domicile de notification de la partie concernée, laquelle a toutefois un devoir de collaboration à cet égard. La fiction de retrait de l’appel trouve application même lorsqu’un conseil juridique a été désigné; en effet, lorsque le prévenu est tenu de comparaître personnellement, une communication de la convocation à l’adresse du conseil ne permet pas une notification juridiquement valable. La seule condition à la mise en œuvre de la fiction prévue à l’art. 407 al. 1 let. c CPP est l’impossibilité d’une notification en bonne et due forme de la citation à comparaître à la partie concernée. Le fait que celle-ci se soit faite représentée en audience d’appel ou qu’elle ait manifesté à son conseil juridique vouloir participer à la procédure n’est pas déterminant. En l’espèce, le recourant a fait preuve de mauvaise foi en formant appel contre le jugement de première instance mais en faisant simultanément échec à une notification valable de sa convocation à l’audience, ce par la renonciation à indiquer son lieu de résidence.