Maria Ludwiczak Glassey

Francesca Bonzanigo

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Francesca Bonzanigo est assistante de recherche et d’enseignement au Département de droit pénal de l’Université de Genève.

Ses recherches s’inscrivent dans les domaines de l’entraide internationale en matière pénale et administrative, du droit pénal international et du droit pénal économique.

Tous ses articles

Compétence universelle et demande d’extradition : pouvoir d’appréciation de l’OFJ

Lorsque les autorités pénales suisses ont établi leur compétence à poursuivre une infraction et demandent à l’OFJ de procéder à une diffusion internationale d’une recherche en vue d’arrestation et d’extradition, l’Office ne peut pas leur opposer des considérations relevant de l’opportunité pour refuser leur demande. Son analyse de la demande doit se limiter à la cohérence entre l’exposé des faits et sa qualification juridique et au respect de la législation régissant la matière. Les conditions de l’art. 264m CP ne permettent pas de retenir que la présentation d’une demande d’extradition est exclue.

Renseignements transmis dans le cadre d’une équipe commune d’enquête : aucune conséquence en cas d’utilisation prématurée ou de prise de connaissance par les autorités fiscales

Une éventuelle utilisation prématurée des renseignements transmis dans le cadre d’une équipe commune d’enquête par l’État requérant n’emporte pas de conséquences lorsque l’entraide est accordée dans une décision de clôture ultérieure. De plus, concernant le principe de la spécialité, il convient de faire une distinction entre la simple prise de connaissance des renseignements par les autorités fiscales de l’État requérant et une « utilisation prohibée » de leur part. Seule la deuxième hypothèse est constitutive d’une violation du principe.

Extradition et risque d’une peine de réclusion à vie sans possibilité de libération conditionnelle dans l’État requérant

En matière d’extradition, les principes de la CourEDH sur les peines de réclusion à vie sans possibilité de libération conditionnelle prononcées dans des États parties à la CEDH s’appliquent de manière modulée, entraînant un examen en deux étapes. Premièrement, le requérant doit démontrer qu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’il sera, dans l’État requérant, condamné à une telle peine. Deuxièmement, il s’agit de vérifier s’il existe dans l’État requérant un mécanisme de réexamen de la peine axé sur l’amendement du détenu. Dans le présent arrêt, la CourEDH revient ainsi sur sa jurisprudence Trabelsi c. Belgique.

Le refus de la remise en vue de confiscation des avoirs sur lesquels une autorité étrangère estime qu’une personne condamnée exerce un pouvoir de disposition

La voie de la remise en vue de confiscation de l’art. 74a EIMP n’est ouverte que si la mesure prononcée à l’étranger correspond à une confiscation d’après le droit suisse. Si l’autorité étrangère prononce la confiscation des avoirs sur lesquels elle considère que la personne exerce un pouvoir de disposition, seul l’art. 72 CP entre en considération. Cette disposition implique que la personne participe à une organisation criminelle ou qu’elle la soutient au sens de l’art. 260ter CP. Une confiscation à ce titre n’est pas envisageable si tel n’est pas le cas.

Guerre en Ukraine : refus de l’entraide à la Russie

Au regard de l’offensive militaire menée en Ukraine, l’entraide doit être refusée à la Russie. Par le non-respect du Mémorandum de Budapest et des buts fixés par la Charte de l’ONU, son retrait du Conseil de l’Europe et sa dénonciation de la CEDH, l’on ne peut plus partir du principe que la Russie respectera le droit international, en particulier s’agissant des droits humains. En l’état actuel, elle doit être classée parmi les États du troisième cercle, dans lesquels un risque de violation des droits humains ne peut pas être pallié par la fourniture de garanties diplomatiques.

Entraide et exportation illicite de biens culturels

L’infraction d’exportation illicite de biens culturels au sens de l’art. 24 al. 1 let. c LTBC ne concerne que les biens couverts par un accord international conclu par la Suisse et l’État en question, conformément à l’art. 2 al. 5 LTBC. La modification de l’art. 24 al. 1 LTBC, entrée en vigueur en 2021, ne porte pas à conséquence à cet égard.

Extradition à l’Arménie : situation des droits de l’homme et formulation précise des garanties

Les conditions précaires du système pénitentiaire arménien font apparaître douteuse la prise en charge médicale du recourant atteint de multimorbidité. Si l’extradition ne doit pas être refusée d’emblée en application de la réserve arménienne à la CEExtr ou de l’impossibilité d’une prise en charge médicale adéquate, elle doit à tout le moins être soumise à la fourniture préalable d’une garantie précise à cet égard. Il appartient à l’OFJ d’évaluer de manière approfondie l’état de santé du recourant et les possibilités concrètes de sa prise en charge en Arménie.

Remise en vue de confiscation à un État étranger : respect du droit d’être entendu de la personne visée par la confiscation non prévenue dans la procédure pénale étrangère

Lorsque l’État requérant demande la remise en vue de confiscation (art. 74a EIMP) des avoirs déposés sur un compte sis en Suisse et que la personne touchée par la mesure n’a pas la qualité de prévenu dans la procédure étrangère ayant mené au jugement définitif et exécutoire présenté à cet effet, l’autorité d’exécution doit s’assurer que son droit d’être entendu a été respecté dans la procédure étrangère. À défaut, les droits découlant de l’art. 6 CEDH sont violés dans l’État requérant et l’entraide doit être refusée en vertu de l’art. 2 let. a et d EIMP.

Société dissoute avec défaut d’actifs : pas de recours contre la transmission à l’étranger de la documentation bancaire

Lorsqu’une décision de clôture ordonne la transmission à l’étranger de la documentation bancaire d’un compte d’une société dissoute, l’ayant droit succédant à la société peut se voir exceptionnellement reconnaître la qualité pour recourir contre la décision. Pour cela, il doit apporter la preuve que la société a été dissoute, qu’il est le bénéficiaire de la liquidation et que la liquidation n’est pas abusive. Si la société a été radiée du registre du commerce sans liquidation parce qu’elle ne disposait plus d’actifs, la qualité pour recourir exceptionnelle de l’ayant droit est niée, celui-ci n’ayant pas pu apporter la preuve qu’il est le bénéficiaire de la liquidation.

Entraide internationale : qualité pour recourir du trust et formalisme excessif

La qualité pour recourir contre une décision de clôture ordonnant la transmission de la documentation bancaire relative à un compte sur lequel sont déposés des biens appartenant à un trust n’est reconnue qu’au seul trustee titulaire dudit compte. Lorsque le recours est formé au nom du trust, il est irrecevable et ce même si le trust agit de manière reconnaissable à travers son trustee. Il ne s’agit pas de formalisme excessif. À cet égard, le TPF n’applique pas la jurisprudence du TF concernant les hoiries en matière de procédure pénale.

Transmission spontanée : comment distinguer une information d’un moyen de preuve ?

La transmission spontanée par la Suisse à un État étranger de renseignements sur des comptes bancaires ne peut intervenir que lorsqu’il s’agit d’informations et non de moyens de preuve. Le Tribunal pénal fédéral s’en tient à la jurisprudence – critiquable – constante et n’analyse pas la valeur, probante ou non, des éléments transmis selon le droit étranger.