Les articles en droit matériel

Condamnation de l’organe d’une société en tant que complice d’une infraction commise par cette personne morale

Le principe ne bis in idem est respecté lorsque l’organe d’une société est condamné pénalement en tant que complice d’une soustraction d’impôt pour laquelle la personne morale a déjà été sanctionnée comme auteure principale, dont la punissabilité découle de la faute de son organe. Un tel cumul de sanctions – qui est d’ailleurs autorisé par le texte clair de l’art. 181 al. 3 LIFD – n’est en effet pas contraire au droit fédéral, dès lors qu’une société et ses organes sont des sujets fiscaux indépendants et qu’il n’y a donc pas d’identité des personnes punies.

L’utilisation d’une planche de surf à propulsion (eFoil) sur le lac Léman est interdite

Les normes réprimant l’utilisation d’une planche de surf à propulsion (eFoil) sur le lac Léman sont formulées de façon suffisamment claire et précise pour permettre de s’y conformer et, en cas de violation, prévoir les conséquences qui en découlent. La condamnation d’un individu à une amende après que ce dernier a fait usage d’un eFoil sur les rives genevoises du Léman ne viole par conséquent pas le principe de la légalité (art. 1 CP).

Télémarketing et LCD : quelques précisions autour de la relation commerciale entre un client et un fournisseur

En matière de télémarketing, l’art. 3 al. 1 let. u LCD interdit au fournisseur l’envoi de publicité aux personnes ayant exprimé le refus d’en recevoir au moyen d’un astérisque dans un annuaire. Seule une relation commerciale actuelle existant entre un client et un fournisseur permet de faire échec à ce principe et autorise ainsi un tel envoi dans une relation spécifique. Le Tribunal fédéral estime, à cet égard, que la commande de compléments alimentaires effectuée sept ans avant l’appel publicitaire concerné ne permet pas de considérer la relation commerciale comme actuelle.

Hors circonstance aggravante, le dépassement par la droite sur l’autoroute doit être sanctionné d’une simple amende d’ordre de CHF 250.-

La jurisprudence fédérale établie retenant que tout dépassement par la droite sur l’autoroute ou semi-autoroute avec rabattement sur la gauche est systématiquement constitutif d’une violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 LCR) et ayant pour conséquence un retrait de permis automatique de trois mois au moins (art. 16c al. 2 LCR) ne peut être maintenue. La modification de l’art. 36 al. 5 OCR et son pendant dans l’OAO (Annexe 1 ch. 314.3) commande depuis le 1er janvier 2021 de se limiter exceptionnellement au prononcé d’une simple amende d’ordre de CHF 250.- lorsqu’aucune circonstance aggravante ne permet de retenir que le dépassement par la droite a causé une mise en danger abstraite accrue.

Infraction routière à l’étranger : la durée du retrait du permis de conduire prononcée par les autorités suisses

Le conducteur récidiviste d’infractions à la LCR ne saurait bénéficier du traitement favorable réservé aux délinquants primaires de l’art. 16c bis al. 2 LCR selon lequel la durée du retrait du permis de conduire prononcée à l’étranger ne peut être dépassée par les autorités suisses. La durée minimale du retrait est alors de trois mois (art. 16c al. 2 let. a LCR). Cela est vrai même si les délais prévus à l’art. 16c al. 2 let. b-e LCR en vertu du système dit en cascade ne trouvent plus application en raison de l’écoulement du temps.

La tentative d’instigation à commettre un crime à l’étranger non soumis à la compétence suisse est punissable

Celui qui, depuis la Suisse, instigue ou assiste à une infraction commise à l’étranger échappe à la compétence territoriale des autorités pénales suisses. Toutefois, s’il y a tentative d’instiguer à commettre un crime (art. 24 al. 2 CP), la tentative d’instigation en Suisse constitue une circonstance de rattachement propre pour déterminer le lieu de commission et fonder la compétence territoriale suisse.

Toute personne détenue administrativement en vue de son renvoi doit pouvoir accéder à Internet

La détention administrative sert à assurer l’exécution de la procédure de renvoi. Cela implique que le régime d’exécution est allégé par rapport à celui de la détention provisoire ou de l’exécution des peines privatives de liberté. Dans ce cadre, des restrictions aux droits fondamentaux ne sont admissibles que pour des motifs liés à la sécurité ou au bon fonctionnement de l’établissement carcéral. Il s’ensuit qu’un enfermement de 18 heures par jour en cellule n’est pas conforme au but et au sens de la détention en vue du renvoi et viole le droit à la liberté personnelle. Il ne se justifie pas non plus d’interdire de manière générale l’accès à Internet. Une telle interdiction constitue en effet une restriction disproportionnée aux libertés d’opinion et d’information.

Diffamation (art. 173 ch. 1 CP) : l’avocat n’est pas « n’importe quel tiers » lorsque son client lui confie des propos attentatoires à l’honneur de la partie adverse

Les propos attentatoires à l’honneur tenus par le client lors d’un entretien avec son avocat ne sont en principe pas constitutifs d’une atteinte à l’honneur au sens de l’art. 173 ch. 1 CP. Le conseil juridique ne peut effectivement être considéré comme un simple « tiers » au sens de cette disposition, vu le climat de confiance nécessaire qui doit exister entre avocat et client. Une diffamation peut toutefois être retenue lorsque les propos tenus sont sans lien avec l’affaire pour laquelle intervient l’avocat et que ceux-ci ne tendent qu’à exposer la personne visée au mépris.

Concours imparfait entre l’instigation à l’infraction contre le patrimoine et le recel commis subséquemment

Le Tribunal fédéral modifie sa jurisprudence relative au concours entre l’instigation à l’infraction contre le patrimoine et le recel commis subséquemment, en bonne application de la théorie de la participation à l’illégalisme (Unrechtsteilnahmetheorie). Le recel constitue un acte subséquent non punissable (straflose Nachtat) coréprimé (mitbestrafte) par l’instigation à l’infraction contre le patrimoine commise préalablement.

Internement pour participation à une organisation terroriste ?

L’art. 2 LAQEI vise à protéger la sécurité publique avant la commission d’infractions et recule la répression avant le seuil de la tentative punissable. Partant, celui qui viole cette norme n’a ni porté ni voulu porter gravement atteinte aux biens juridiques que sont l’intégrité physique, psychique ou sexuelle au sens de l’art. 64 al. 1 CP. L’internement représentant une pure mesure de sûreté et l’ultima ratio, son prononcé n’entre donc pas en ligne de compte pour la seule participation à une organisation terroriste.

L’utilisation du compte « réservé » d’un détenu afin de financer en partie ses frais de santé n’est pas contraire au droit

Le condamné doit participer aux frais d’exécution de la sanction dans une mesure appropriée par compensation de ceux-ci avec les prestations de travail. Il revient aux cantons de préciser les modalités de participation (art. 380 al. 2 let. a et al. 3 CP). Les cantons peuvent prévoir dans leur législation, sans violer le droit fédéral, qu’une partie de la rémunération du détenu soit prélevée de son compte « réservé » afin de financer ses frais de santé non couverts. Le montant prélevé doit toutefois respecter le principe de la proportionnalité et ne doit dès lors pas empêcher le détenu de subvenir à ses besoins personnels, ni l’entraver dans son épargne en vue de sa libération.

État de nécessité et circulation routière

L’automobiliste qui roule à 200 km/h sur une autoroute – comportement constitutif d’une violation grave qualifiée des règles de la circulation routière (art. 90 al. 3 et 4 LCR) – pour que sa femme, en proie à des douleurs cardiaques, puisse prendre ses médicaments laissés à la maison ne peut pas être mis au bénéfice d’un état de nécessité (art. 17 CP) en raison du grave danger qu’il fait courir aux autres usagers de la route et de la présence d’un hôpital à proximité.