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Rape by deception ? – Viol par dol ?
Une peine privative de liberté de deux ans au titre de l’art. 190 aCP est exagérément clémente et contraire au droit fédéral en dépit du contexte des relations sexuelles obtenues frauduleusement de l’ex-partenaire (contact de celle-ci sur des plateformes en ligne sous une fausse identité et pratiques BDSM avec yeux bandés pour la victime et auteur silencieux pour ne pas être reconnu) et de l’acceptation de ces relations par la femme indépendamment de l’identité de son partenaire. Le Professeur Thommen examine s’il s’est agi dans cet arrêt d’un rape by deception devant être puni au titre de l’art. 190 aCP pour en conclure par la négative, avant de déterminer si cette violation du droit fédéral n’aurait procéduralement pas dû être corrigée d’office en interrogeant : le Tribunal fédéral connaît-il le droit (iura novit curia foederalis) ?
Corona leaks : protection absolue des sources journalistiques, y compris pour le CEO « auxiliaire » d’une entreprise de médias et les documents de l’informateur
Les art. 28a CP et 172 al. 1 CPP ne limitent pas la protection des sources des professionnels des médias aux journalistes au sens strict. Elle s’étend à leurs « auxiliaires ». Cette notion doit être comprise largement comme englobant toute personne contribuant même de manière indirecte à la publication d’informations, y compris les éditeurs, membres de la direction et propriétaires d’une entreprise de médias. En outre, la protection des sources à l’art. 172 al. 2 CPP est absolue lorsque n’entre pas en jeu une infraction figurant au catalogue des exceptions. Il n’y a donc en principe pas de place pour un abus de droit dans l’instruction du chef de la violation du secret de fonction (art. 320 CP). De plus, l’interdiction du séquestre qui en découle s’étend à tous les documents faisant référence à l’auteur, au contenu ou à la source d’une information. Elle vaut donc également pour les documents ou objets de l’informateur, c’est-à-dire « quel[s] qu’en soi[en]t l’endroit » au regard du texte clair de l’art. 264 al. 1 CPP.
L’étendue du droit de la partie plaignante à s’opposer à l’acte d’accusation en procédure simplifiée
L’opposition de la partie plaignante contre l’acte d’accusation dressé en procédure simplifiée (art. 360 al. 2 et 3 CPP) doit se limiter aux aspects touchant ses droits, soit en particulier les prétentions civiles ou les infractions retenues. En revanche, elle ne peut notamment pas porter sur la peine ou la mesure prononcée (art. 352 al. 2 CPP), ni sur les infractions commises au préjudice d’autres parties plaignantes.
Délit de chauffard : l’absence d’antécédents spéciaux en matière de circulation routière (art. 90 al. 3ter LCR) profite également aux conducteurs novices
L’auteur d’un délit de chauffard qui a moins de dix ans de pratique de la conduite peut également bénéficier de la circonstance atténuante de l’absence d’antécédents en matière de circulation routière (art. 90 al. 3ter LCR). L’application de cette nouvelle disposition permet d’échapper à la peine minimale d’un an de privation de liberté prévue à l’art. 90 al. 3 LCR.
Exercer une activité indépendante sans dégager de bénéfice fait obstacle à l’exécution de la peine en semi-détention
La personne condamnée qui, pendant plusieurs années, n’a réalisé qu’un faible voire aucun bénéfice de son activité lucrative indépendante, n’exerce pas un « travail » au sens de l’art. 77b CP. Partant, elle ne peut pas exécuter la partie ferme de sa peine privative de liberté en semi-détention.
Réalisation de l’infraction d’escroquerie (art. 146 CP) lors de l’obtention frauduleuse d’un prêt « Covid-19 »
Quiconque fournit de simples fausses informations dans le cadre d’une demande de prêts « Covid-19 » se rend déjà coupable d’escroquerie au sens de l’art. 146 CP.
L’exception au principe de huis clos en procédure pénale des mineurs
L’intérêt du prévenu mineur à voir sa sphère intime protégée de la curiosité du public est déterminant en matière de huis clos en procédure pénale des mineurs (art. 14 PPMin). La publicité peut exceptionnellement être ordonnée si les intérêts du prévenu mineur ne sont pas contraires à celle-ci. La gravité des faits, le jeune âge des victimes et le passage à l’âge adulte du prévenu en cours de procédure, peuvent constituer des facteurs militant en faveur de la publicité ou la publicité partielle de la procédure.
Accès au dossier d’une procédure d’entraide clôturée dont les pièces ont été transmises à une autorité fiscale suisse et protection des données personnelles
La personne concernée n’a pas de droit à accéder à l’intégralité du dossier d’une procédure d’entraide clôturée, pas même en application des règles de protection des données personnelles, même si les pièces issues de ladite procédure ont été transmises à une autorité (fiscale) suisse.
La prescription d’un assassinat commis en 2000
Lorsqu’une infraction passible d’une peine privative de liberté à vie est jugée selon le droit de la prescription en vigueur jusqu’au 1er octobre 2002 par application de la lex mitior, le critère pour déterminer si un acte d’instruction, au sens de l’art. 72 ch. 2 aCP, a valablement interrompu la prescription de l’action pénale consiste à déterminer s’il avait pour but de faire avancer l’action pénale de manière reconnaissable pour les tiers. Tel n’est pas le cas d’une ordonnance de suspension de la procédure ou de la simple étude d’un dossier, à l’inverse d’un ordre de dépôt, même si celui-ci vise un grand nombre de personnes sans être dirigé spécifiquement contre l’auteur.
Utilisation frauduleuse d’un ordinateur (art. 147 CP) vs escroquerie (art. 146 CP) : le Tribunal fédéral précise sa jurisprudence
Est décisif pour déterminer l’application de l’art. 147 CP (utilisation frauduleuse d’un ordinateur) aux commandes sur facture passées en ligne le fait de savoir si non seulement le processus de commande, mais également l’expédition de la marchandise ont été entièrement automatisés. À l’inverse, dès lors que des personnes prennent en charge les commandes et expédient les marchandises – ne serait-ce qu’un collaborateur sans véritable pouvoir décisionnel – seule l’infraction d’escroquerie (art. 146 CP) doit être retenue.
Étendue de la compétence répressive du juge unique
L’art. 19 al. 2 let. b CPP limite l’étendue de la compétence répressive du juge unique à une peine privative de liberté de 2 ans. Cette limite dépend uniquement de la quotité de la peine privative de liberté requise par le ministère public ou prononcée par le juge unique, la révocation d’une éventuelle peine avec sursis ou de la libération conditionnelle devant être prise en compte dans ce contexte. Le juge unique demeure donc compétent lorsqu’une peine pécuniaire ou une expulsion est requise ou prononcée en sus.
Décès du prévenu durant la procédure d’appel : seul un classement peut être prononcé
Lorsque le prévenu décède durant le délai pour déposer la déclaration d’appel, l’autorité de deuxième instance doit classer la procédure. En effet, dès que l’autorité d’appel est saisie et devient direction de la procédure (art. 399 al. 2 CPP), le jugement de première instance ne peut pas être considéré comme étant entré en force. Le fait que la recevabilité de la déclaration d’appel est contestée (en l’espèce en raison de l’absence de pouvoirs du défenseur au moment de déposer la déclaration d’appel) n’y change rien.