Tous les articles

Exploitation d’un enregistrement vidéo d’un établissement pénitentiaire et entraide judiciaire nationale

Les dispositions relatives à l’entraide judiciaire nationale priment les règles relatives au séquestre et à l’obligation de dépôt. Tant pour des raisons de sécurité juridique que pour l’intérêt public au bon déroulement de la procédure, les autorités pénales ne peuvent pas choisir, en lieu et place de la voie de l’entraide nationale prévue par la loi, celle des mesures de contrainte procédurales, dans le but d’obtenir et de conserver des moyens de preuve dans un cas particulier. Dans le cas présent, le Tribunal fédéral s’est toutefois prononcé en faveur de l’exploitabilité des preuves obtenues illégalement conformément à l’art. 141 al. 2 CPP.

Preuve d’envoi d’un acte en temps utile : une photo accompagnée de ses métadonnées ne suffit pas

Une photographie accompagnée de ses métadonnées, sur laquelle apparaissent l’enveloppe avec indication du destinataire du pli et la boîte postale en arrière-plan ne permet pas d’apporter la preuve d’expédition d’un acte de procédure en temps utile, à la différence d’une vidéo qui peut être apte à établir que le pli contenant le recours a bien été fermé et glissé dans la boîte postale à la date et à l’heure indiquées.

Discrimination et incitation à la haine (art. 261bis CP) : la publicité des propos et l’intention y relative

L’intervenant qui, avant le début de sa conférence, s’adresse à des proches de manière suffisamment audible pour que des personnes assises au fond de la salle entendent ses propos réalise l’élément constitutif objectif de la publicité de l’art. 261bis CP. En outre, dans la mesure où il ne peut ignorer que ses déclarations sont intelligibles pour les personnes présentes, l’auteur agit intentionnellement.

Détention de moins de 10 grammes de cannabis : pas de confiscation du stupéfiant

La simple détention de moins de 10 grammes de cannabis pour sa propre consommation n’est pas punissable (art. 19b LStup). Par conséquent, aucune saisie ni confiscation du stupéfiant n’entre en ligne de compte. En effet, la confiscation d’un objet dangereux selon l’art. 69 CP suppose un lien direct avec un comportement pénalement interdit. Le fait que la détention de quantités minimes peut hypothétiquement précéder ou succéder la commission d’une infraction à la LStup (la culture ou la consommation notamment) ne suffit pas à prononcer la confiscation.

Enfant renversé : Imprévoyance coupable du conducteur et lien de causalité adéquate

Le conducteur qui ne réduit pas sa vitesse à l’approche d’un passage piéton, alors qu’il connaît bien les lieux et dispose d’une mauvaise visibilité sur les abords de celui-ci, fait preuve d’une imprévoyance coupable selon l’art. 12 al. 3 CP. En outre, le fait qu’un enfant, caché par un muret, surgisse sur un passage piéton jouxtant une école, même en présence de barrières censées ralentir les passants, ne peut pas être considéré comme une circonstance exceptionnelle. Par conséquent, le comportement de l’enfant n’était pas imprévisible au point de reléguer la responsabilité du conducteur en arrière-plan, et n’interrompt donc pas le lien de causalité adéquate.

L’indemnité pour détention excessive en cas d’expulsion

Pour déterminer le montant de l’indemnité pour détention excessive d’une personne qui fait l’objet d’une décision d’expulsion entrée en force, le Tribunal fédéral confirme qu’il est admis de tenir compte du coût de la vie du pays vers lequel l’intéressé doit être expulsé en raison de sa nationalité et non de son domicile effectif, en Suisse.

Disparition du prévenu et retrait implicite de l’appel

Le prévenu qui, condamné en première instance, demande à son défenseur de faire appel puis disparaît sans lui laisser d’adresse ni d’autre moyen de le contacter adopte un comportement contradictoire qui permet à la juridiction d’appel de considérer qu’il a retiré son appel de manière tacite, même si cette situation n’est pas prévue par la liste de l’art. 407 al. 1 CPP.

Signalement à des fins d’expulsion dans le Système d’information Schengen : inapplicabilité du principe de non-rétroactivité de la loi pénale

Dans la mesure où les principes de non-rétroactivité de la loi pénale et de la lex mitior (art. 2 al. 1 et 2 CP) s’appliquent aux dispositions légales posant les conditions d’une incrimination et prévoyant des sanctions (soit les peines et mesures applicables), ils n’entrent pas en ligne de compte s’agissant du signalement à des fins d’expulsion dans le Système d’information Schengen (SIS). Et pour cause, le signalement relève du droit d’exécution et ne constitue pas une sanction, contrairement à l’expulsion pénale per se (art. 66a ss CP). La nécessité du signalement doit être évaluée à l’aune du droit en vigueur au moment du prononcé de l’expulsion pénale.

Renseignements transmis dans le cadre d’une équipe commune d’enquête : aucune conséquence en cas d’utilisation prématurée ou de prise de connaissance par les autorités fiscales

Une éventuelle utilisation prématurée des renseignements transmis dans le cadre d’une équipe commune d’enquête par l’État requérant n’emporte pas de conséquences lorsque l’entraide est accordée dans une décision de clôture ultérieure. De plus, concernant le principe de la spécialité, il convient de faire une distinction entre la simple prise de connaissance des renseignements par les autorités fiscales de l’État requérant et une « utilisation prohibée » de leur part. Seule la deuxième hypothèse est constitutive d’une violation du principe.

Une demande d’entraide judiciaire portant sur l’exécution d’une créance compensatrice ne tombe pas sous le coup de l’art. 74a EIMP

Dans le cadre d’une affaire portant sur une demande d’entraide judiciaire de la Belgique concernant notamment l’exécution d’une décision belge qui prononce une créance compensatrice (art. 71 CP), le Tribunal pénal fédéral avait admis l’application de l’art. 74a EIMP (remise à un État étranger en vue de confiscation ou de restitution). Le Tribunal fédéral va à l’encontre de cette décision et confirme après analyse que l’absence des termes « créances compensatrices » à l’art. 74a EIMP signifie que ces dernières ne sont pas visées par cette disposition et que donc seuls les art. 94 ss EIMP (exécution des décisions étrangères) sont applicables.

Unité juridique d’actions et prescription en lien avec la violation du devoir d’assistance ou d’éducation (art. 219 CP)

La violation du devoir d’assistance ou d’éducation (art. 219 CP) se réalise par la commission (ou l’omission) d’actes répétés ou durables mettant concrètement en danger le développement physique ou psychique d’un mineur. Il ressort du contenu de la disposition qu’elle implique une unité juridique d’actions. Par conséquent, le délai de prescription commence à courir le jour du dernier acte (de la dernière omission) participant de la mise en danger du développement de l’enfant. Lorsque ces différents actes se sont produits sous l’empire de deux régimes juridiques différents, il convient d’appliquer le nouveau droit puisqu’ils forment a priori un tout « indivisible ».

Caractère insistant et valeur culturelle d’une représentation de la violence (art. 135 CP) et dol éventuel de l’art. 2 aLAQEI

Le caractère insistant des actes de cruauté punis par l’art. 135 al. 1 CP ne peut pas être exclu en raison de la courte durée d’une vidéo qui peut durer vingt secondes. En outre, le simple fait que les vidéos contiennent des légendes incitant au partage afin de condamner les violences représentées ne suffit pas à leur conférer une valeur culturelle digne de protection, faute de fournir ni clarification ni analyse, privant ainsi le spectateur d’une confrontation critique à la violence. Enfin, l’art. 2 al. 1 aLAQEI sanctionne une infraction intentionnelle et le dol éventuel suffit.