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Appréciation arbitraire des faits s’agissant de l’existence d’une contrainte et de la réalisation de l’élément constitutif subjectif dans le cas d’un viol

Il est arbitraire de nier l’intention de l’auteur qui a initié une relation sexuelle avec une personne après que celle-ci lui a signifié verbalement son refus à une reprise au moins. L’auteur qui, après le refus de la victime, s’obstine, la déshabille, lui tient les épaules et s’appuie sur sa poitrine pour se saisir d’un préservatif exerce une pression et une emprise physiques suffisantes pour constituer une contrainte au sens de l’art. 190 CP.

L’indemnisation d’une détention injustifiée devant les Tribunaux suisses lorsque la CourEDH a déjà alloué une satisfaction équitable

Lorsque la CourEDH a accordé une satisfaction équitable (art. 41 CEDH) suite au constat de la violation de la CEDH, le requérant ne peut, indépendamment du dédommagement déjà alloué, prétendre à une indemnisation supplémentaire dans le cadre de la procédure de révision subséquente devant le Tribunal fédéral. En effet, une base légale en ce sens fait défaut en droit suisse. Le recours d’une personne qui réclamait, en sus de l’indemnité de € 40’000.- allouée par la Cour, plusieurs centaines de milliers de francs pour sa détention injustifiée entre 2010 et 2022, est ainsi rejeté.

Entraide judiciaire pénale avec le Brésil : la Suisse ordonne la restitution de USD 16 millions

Dans le cadre d’une demande d’entraide du Brésil à la Suisse portant sur la remise de documentation bancaire et de fonds à hauteur de USD 16 millions (art. 74a EIMP), le Tribunal fédéral laisse ouverte la question de la possibilité pour une personne morale d’invoquer la clause de l’ordre public de l’art. 2 EIMP. Par ailleurs, le jugement brésilien sur lequel repose la demande de confiscation est clair, définitif et exécutoire. Toute question matérielle y relative n’est donc pas recevable devant les autorités suisses. Enfin, la durée du séquestre de 22 ans n’a pas été considérée comme excessive par le Tribunal fédéral au vu de l’ampleur de la procédure.

Responsabilité pénale de l’employeur en cas d’accident de travail : devoir de diligence, formation des travailleurs, directives CFST et listes de contrôle de la SUVA

Le tribunal peut admettre une violation du devoir de diligence (cf. art. 12 al. 3 CP) de l’employeur en se fondant sur les listes de contrôle de la SUVA et les directives CFST. L’inobservation de ces directives ne constitue pas nécessairement une violation du devoir de diligence, mais en représente un indice. Ainsi, l’employeur viole son devoir de diligence en n’exigeant pas de son employé, lors de son engagement, une attestation de formation d’utilisation de plateformes élévatrices, obligatoire selon les listes de contrôle de la SUVA, alors que les travaux à effectuer nécessitent d’avoir recours à cet équipement, et qu’il ne parvient pas à démontrer qu’il a honoré ses obligations d’une autre manière.

La production de pièces provenant de procédures pénales dont les jugements ne figurent plus au casier judiciaire

La nouvelle loi sur le casier judiciaire, entrée en vigueur le 23 janvier 2023, est moins restrictive s’agissant de l’utilisation des données radiées. Cependant, compte tenu du droit à l’oubli ainsi que de l’intérêt à la réhabilitation et à la resocialisation de la personne concernée, le lien de connexité et la pertinence de la condamnation antérieure doivent être scrupuleusement démontrés. Bien que l’élément temporel ne puisse être ignoré au moment de la pesée des intérêts, il convient de prendre en considération la gravité des infractions ayant fait l’objet des procédures dont les jugements ont été éliminés du casier judiciaire, les éventuelles condamnations figurant dans l’extrait du casier judiciaire actuel, et les chefs de prévention faisant l’objet de la procédure actuelle.

Attouchements commis dans un bus de nuit : réalisation de la contrainte sexuelle (art. 189 CP)

La contrainte sexuelle (art. 189 CP) est réalisée notamment lorsque la victime ne consent pas à l’acte sexuel, en le manifestant de manière suffisamment reconnaissable, en évitant tout contact visuel avec son agresseur, en le repoussant, en se mettant dos à lui et en pleurant. De plus, l’auteur qui profite du fait que la victime soit seule, dans un pays qui lui est étranger, dans un bus de nuit, non éclairé et rempli d’inconnus, coincée entre la vitre et lui-même (dont la corpulence et l’âge étaient déjà propres à créer une infériorité physique pour la victime), et qui écarte les jambes de la victime de force pour introduire ses doigts dans son intimité, fait usage de moyen de contrainte sous la forme de pressions psychiques et de la force. Le fait que la victime renonce à appeler à l’aide d’autres voyageurs n’exclut pas la contrainte.

Les résultats d’une surveillance secrète mise en œuvre à l’étranger et transmis au procureur suisse ne constituent pas des « découvertes fortuites » soumises à autorisation du Tribunal des mesures de contrainte

L’autorité de poursuite pénale suisse qui obtient par la voie de l’entraide judiciaire des résultats de mesures de surveillance secrètes contre le prévenu, en l’espèce des communications opérées aux Etats-Unis sur l’application ANOM (fausse application de chat créée par le FBI notamment), ne doit pas procéder comme en cas de « découvertes fortuites » (art. 278 CPP). Le Tribunal des mesures de contrainte n’est pas compétent pour autoriser l’exploitation de ces preuves. Il appartient au juge du fond de se prononcer sur l’exploitabilité de telles preuves obtenues auprès d’autorités étrangères.

Indemnisation forfaitaire du défenseur d’office et violation du droit d’être entendu

Le tribunal qui refuse d’accorder une rémunération effective de l’activité déployée par un défenseur d’office et décide de lui appliquer un taux forfaitaire arrêté par un règlement cantonal doit motiver sa décision. En ce sens, la simple mention qu’il n’y a pas lieu de s’écarter dudit forfait, complétée en deuxième instance par l’indication que le poste problématique, en l’espèce celui concernant la correspondance, est artificiellement gonflé par des activités qui ne remplissent pas les exigences légales pour prétendre à une indemnisation, ne sont pas suffisantes. Elles ne permettent pas de déterminer si le montant alloué couvre la rémunération du défenseur d’office.

Toxicodépendance, responsabilité pénale et expertise psychiatrique

L’autorité pénale (d’instruction ou de jugement) doit ordonner une expertise s’il existe une raison sérieuse de douter de la responsabilité de l’auteur (art. 20 CP), c’est-à-dire lorsqu’elle a effectivement des doutes à ce propos, ou qu’elle aurait dû en avoir compte tenu des circonstances. Une dépendance aux stupéfiants peut être un indice sérieux, propre à générer de tels doutes et à fonder la nécessité d’une expertise, mais uniquement si elle a entraîné une nette perturbation de la conscience, de la faculté volitive ou de la capacité à réagir de l’auteur au moment de la commission des faits. La consommation de drogues à elle seule ne suffit pas à jeter un doute sur la responsabilité pénale. De même, on ne saurait retenir une toxicodépendance et, dans le prolongement, mettre en question la pleine responsabilité de l’auteur, sur la seule base d’une consommation de plusieurs stupéfiants, surtout lorsque celle-ci est sporadique ; dans un tel cas, l’autorité n’est donc pas tenue d’ordonner une expertise.

Le pacte corruptif et l’avantage indu dans le cadre d’une affaire de corruption d’agent public étranger

Faute de preuve directe, l’existence d’un pacte corruptif peut être établie sur la base d’un faisceau d’indices. Ainsi, le juge peut se référer sans arbitraire à la temporalité et aux circonstances dans lesquelles se sont inscrits les faits en cause. En l’occurrence, le versement de USD 1’500’000.- au fils du président du Conseil d’administration d’une entreprise publique constitue un avantage indu lorsque le montant ne s’inscrit pas dans un rapport d’échange de prestations.

Violation de la maxime d’accusation consécutive à une condamnation pour actes d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance

Une condamnation fondée sur l’art. 191 CP viole la maxime d’accusation (art. 9 et 325 CPP) lorsque l’acte d’accusation n’expose pas que la victime était incapable de résistance au moment des faits, que l’auteur s’en est rendu compte, qu’il a exploité son état pour obtenir un acte d’ordre sexuel et l’infraction reprochée au prévenu.

Contrôle d’identité et violation de l’art. 5 CEDH

Une détention d’une durée de 6 heures pour des motifs de contrôle de sécurité suite à une manifestation viole l’art. 5 CEDH. En effet, cette mesure a été jugée par la CourEDH comme ne respectant pas les principes de proportionnalité et de nécessité. En particulier, les autorités suisses n’ont pas réussi à démontrer l’intention des requérants de commettre un acte illégal ; elles n’ont d’ailleurs initié aucune poursuite à leur encontre.