Les articles en droit matériel
Confirmation de jurisprudence concernant la fixation de la peine pécuniaire : le juge ne peut pas combiner l’ancien et le nouveau droit des sanctions
Lorsque le juge décide lequel de l’ancien ou du nouveau droit des sanctions est applicable, il ne peut pas combiner les deux pour fixer la peine. Si le principe de la lex mitior est potentiellement applicable, le juge doit procéder en deux temps : fixer la peine sous l’ancien droit uniquement, réitérer l’exercice en application du nouveau droit et choisir le résultat (et donc le droit) le plus favorable au prévenu. La juridiction d’appel ne peut dès lors pas se limiter à confirmer la culpabilité du prévenu (240 jours-amende selon l’ancien droit) tout en réduisant la peine à 180 jours-amende conformément à l’actuel art. 34 CP.
La localisation de l’enlèvement de mineur (art. 220 CP)
L’infraction de l’art. 220 2e variante CP (enlèvement de mineur par refus de remettre ce dernier à l’ayant droit) peut être localisée à la fois au lieu où l’auteur doit rendre le mineur (lieu d’exécution) et au lieu où se situe l’auteur tant que perdure l’obligation d’agir et qu’il persiste à ne pas s’y soumettre (lieu de séjour).
Complément ou clarification d’une expertise psychologique et actes d’ordre sexuel avec des personnes hospitalisées
Pour déterminer le seuil à partir duquel une exploitation du rapport de dépendance au sens de l’art. 192 al. 1 CP est réalisée, il faut examiner le rapport de dépendance en tant que tel. Plus l’infériorité de la personne dépendante est élevée, plus il y a lieu de retenir une exploitation parce que la liberté de décision ou la capacité de se défendre de la victime dépendante est limitée et sa docilité plus élevée. De plus, le consentement inhérent à l’exploitation d’un rapport de dépendance ne suffit pas à exclure la punissabilité de l’auteur. En effet, la personne dépendante ne jouit plus entièrement de sa liberté de choix en matière sexuelle. Si la victime consent aux relations sexuelles, même explicitement, l’auteur demeure punissable si le rapport de dépendance a entraîné la docilité de la victime. Le fait que l’auteur initie le contact sexuel constitue un indice supplémentaire d’une exploitation du rapport de dépendance de la victime, malgré son éventuel consentement valablement exprimé.
Viol : la prise en compte du refus de consentir à des rapports sexuels
On ne saurait reprocher à la victime d’un viol (art. 190 CP) qui a clairement manifesté son refus d’avoir des rapports sexuels le fait que son opposition n’ait été que verbale. L’absence de réaction physique de la victime n’est pas décisive en soi, en particulier lorsque, au vu des circonstances globales, il se justifie de considérer que la crainte fondée par le caractère violent et impulsif de l’auteur empêche la victime de s’opposer d’une autre manière. Cela vaut quand bien même il n’y a eu ni menace, ni violence.
Contenu de l’acte d’accusation et appréciation des preuves (« déclarations contre déclarations ») relatives à un viol
Lorsque l’acte d’accusation ne décrit pas les viols reprochés au prévenu de manière individualisée mais expose, de façon globale et détaillée, un seul mode opératoire, le principe d’accusation (art. 9 CPP) est respecté s’il peut être déduit de cet acte que la manière d’agir s’applique pour l’ensemble des infractions. Sous l’angle temporel, il est suffisant que les faits soient circonscrits approximativement. Enfin, dans le cas où les déclarations de la victime sont le principal élément de preuve à charge et s’opposent à celles de l’accusé (« déclarations contre déclarations »), il n’est pas arbitraire pour le tribunal de fonder sa conviction sur une pluralité d’éléments ou d’indices convergents si leur rapprochement permet de déduire de manière soutenable l’état de fait retenu.
Comblement d’une lacune proprement dite aux art. 269 al. 2 CPP et 66a CP par rapport à l’art. 2 LAQEI
Bien que le catalogue respectif des art. 269 al. 2 CPP concernant les mesures de surveillance secrète et de l’art. 66a CP au sujet de l’expulsion obligatoire contienne l’art. 260ter (a)CP incriminant l’organisation criminelle (et terroriste), tel n’est pas le cas de l’art. 2 LAQEI (Loi fédérale interdisant Al-Qaïda et l’État islamique). L’interprétation des art. 269 al. 2 CPP et 66a CP conduit toutefois à retenir que l’absence de l’art. 2 LAQEI est une lacune proprement dite qui doit en conséquence être comblée modo legislatoris par l’autorité judiciaire (art. 1 al. 2 CC).
Utilisation frauduleuse d’un ordinateur par métier et unité naturelle d’actions
Selon le Tribunal fédéral, l’auteur qui se saisit d’une carte bancaire et l’utilise plusieurs fois pour obtenir de l’argent ou des marchandises réalise l’acte à plusieurs reprises, même si l’auteur a eu l’intention d’obtenir le plus d’argent possible dès qu’il s’est emparé de la carte. Chaque retrait ou paiement effectué avec la carte suppose une nouvelle prise de décision. De plus, le fait que l’auteur utilise les sommes provenant de son activité délictueuse à des fins inutiles n’exclut pas la perpétration par métier. Admettre l’inverse reviendrait à mieux traiter l’auteur qui souhaite vivre dans le luxe que celui qui utilise les montants provenant de l’activité délictueuse pour subvenir à ses besoins urgents, ce qui n’est pas en accord avec le but de l’art. 147 al. 2 CP : prendre en compte la dangerosité sociale inhérente à la perpétration par métier.
Le médecin n’est pas responsable du décès par choc anaphylactique de sa nouvelle patiente si celle-ci persiste à ne pas lui transmettre ses antécédents médicaux faisant état d’hypersensibilité allergique
Le nouveau médecin-traitant n’a pas l’obligation d’aller lui-même obtenir à tout prix les dossiers médicaux antérieurs d’une nouvelle patiente auprès de ses confrères ou consœurs. Si la patiente s’abstient de transmettre ses antécédents médicaux après que le médecin lui a demandé par deux fois et avec insistance qu’elle les lui transmette, le risque d’erreur médicale doit être pleinement assumé par elle. Aucune imprévoyance coupable ne peut ainsi être retenue à l’endroit du médecin qui prescrit à sa nouvelle patiente un antibiotique hautement allergénique et létal pour elle.
Le prononcé ultérieur de l’internement en violation de la CEDH
En ordonnant l’internement (art. 65 al. 2 CP) d’un condamné après qu’il a purgé sa peine privative de liberté de 20 ans et alors que le jugement initial n’était pas assorti d’une telle mesure privative de liberté, les autorités suisses ont violé le droit conventionnel à un triple égard.
La coactivité et la complicité par omission improprement dite en matière de viol et de contrainte sexuelle
En quittant la pièce et en laissant la victime se faire violer et contraindre sexuellement par l’auteur, le prévenu adopte un comportement passif moralement critiquable qui peut sembler pénalement répréhensible. Cependant, en l’absence d’une obligation juridique qualifiée dépassant le seuil de l’obligation morale ou éthique, le prévenu n’a pas de position de garant et ne s’est donc pas abstenu en violation d’une obligation juridique d’agir. Il n’a pas non plus participé de manière active aux actes de l’auteur si bien que son comportement demeure sans conséquence pénale.
Jonction de procédures (indépendante ultérieure et ordinaire) confirmée par le TF et rappel du principe de la légalité en matière de conversion de mesures pénales
Une procédure indépendante en matière de mesures (art. 363 ss CPP) initiée pour le prononcé d’un internement peut être jointe avec une procédure pénale ordinaire ouverte ultérieurement contre la même personne ayant également pour objet son internement. Si un appel est déposé contre le jugement de 1ère instance qui en résulte, l’autorité d’appel est compétente pour statuer globalement sur l’internement. Par ailleurs, faute de disposition pénale expresse qui la prévoit, la conversion d’un traitement ambulatoire (art. 63 ss CP) en un internement (art. 64 ss CP) n’est pas possible (cf. art. 1 CP).
Les infractions de génocide et crimes contre l’humanité à l’épreuve des principes d’imprescriptibilité et de non-rétroactivité
L’art. 101 al. 3 CP permet de déroger au principe général de non-rétroactivité de la loi pénale (art. 2 al. 1 CP) ainsi qu’à l’exception de la lex mitior (art. 2 al. 2 CP). Ces dispositions sont complétées, selon les mêmes principes, par les art. 388 à 390 CP concernant l’exécution des jugements, des peines et des mesures, la prescription ainsi que la plainte. L’art. 389 al. 1 CP réserve en effet toute disposition contraire de la loi. Une telle dérogation découle de l’art. art. 101 al. 3 CP s’agissant notamment de la prescription du génocide et des crimes contre l’humanité. Dès lors, sont imprescriptibles les infractions de génocide (art. 264 CP) et de crimes contre l’humanité (art. 264a CP) si l’action pénale ou la peine n’était pas prescrite le 1er janvier 1983, respectivement le 1er janvier 2011 en vertu du droit applicable à ces dates. L’art. 101 al. 3 CP instaure ainsi une rétroactivité limitée des règles sur l’imprescriptibilité des infractions de génocide et de crimes contre l’humanité.