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Spectacle humoristique à relents négationnistes punissables :  des propos contraires aux valeurs de la CEDH ne bénéficient pas de la protection de la liberté d’expression

La remise en question de l’existence des chambres à gaz durant l’Holocauste constitue une négation de l’extermination systématique des personnes juives sous le régime nazi et est dès lors susceptible de réaliser les éléments constitutifs de l’art. 261bis par. 4 in fine CP (incriminant la négation, la minimisation ou la justification d’un génocide ou d’autres crimes contre l’humanité), même si les propos négationnistes sont tenus dans le cadre d’un spectacle humoristique. Si la protection de la liberté d’expression au sens de l’art. 10 CEDH couvre également la satire, elle est néanmoins restreinte par la clause de l’interdiction de l’abus de droit de l’art. 17 CEDH. Ainsi des propos contraires aux valeurs sous-tendant la CEDH se voient-ils soustraits à la protection de l’art. 10 CEDH par le biais de l’art. 17 CEDH.

Refus d’une nouvelle audition d’enfants dans le cadre d’une affaire d’abus sexuels et préjudice irréparable (art. 394 let. b CPP)

Un recours contre le refus du ministère public d’ordonner un acte d’instruction n’est recevable que s’il existe un préjudice juridique irréparable au sens de l’art. 394 let. b CPP. Un tel préjudice existe lorsque le refus d’instruire porte sur un moyen de preuve qui risque de disparaître. Tel peut être le cas lorsque le ministère public refuse d’ordonner une seconde audition d’enfants en bas âge dans le cadre d’une instruction portant sur des faits d’abus sexuels.

Le prévenu ne peut pas retirer son opposition si le Ministère public rend une nouvelle ordonnance pénale ou s’il porte l’accusation devant le tribunal

En cas d’opposition du prévenu, celui-ci ne peut pas la retirer avant que le Ministère public ne décide de la nouvelle issue de la procédure. En outre, la possibilité pour le prévenu de retirer son opposition n’existe que si le Ministère public maintient l’ordonnance pénale initiale, mais pas s’il rend une nouvelle ordonnance pénale ou s’il porte l’accusation devant le tribunal compétent. Dans ces deux derniers cas, le Ministère public n’est pas lié par son ordonnance pénale initiale et l’interdiction de la reformatio in pejus ne s’applique pas.

Hormis les cas de défense obligatoire, la faute de l’avocat est imputée à son client

Le Tribunal fédéral confirme les conditions posées dans l’ATF 143 I 284 et précise que les seuls cas dans lesquels la faute de l’avocat ne peut pas être imputée à son client sont ceux qui relèvent de la défense obligatoire au sens de l’art. 130 CPP. Ainsi, l’omission fautive, par l’avocat, de poster dans les délais légaux une opposition à l’ordonnance pénale qui condamnait son client a été imputée à ce dernier, ce qui l’a, de fait, privé d’un recours effectif contre la décision le condamnant.

Refus de l’assistance judiciaire et garantie d’un procès pénal équitable : analyse d’une jurisprudence étonnante

La CourEDH a rendu un arrêt dans lequel elle reconnaît que, au vu des circonstances du cas d’espèce, les autorités suisses auraient dû ordonner la défense d’office et gratuite du prévenu (art. 132 al. 1 let. b CPP). Néanmoins, elle nie toute violation, par la Suisse, de l’art. 6 CEDH. En effet, après une analyse globale relative à l’exigence d’une procédure pénale équitable, la CourEDH parvient à la conclusion que le requérant a, effectivement, été défendu pro bono par un avocat, malgré le refus du Tribunal fédéral de lui accorder une assistance judiciaire. Par conséquent, elle estime que le requérant n’a pas souffert concrètement de ce refus.

Pas de thérapie par électrochocs sous la contrainte

Un jugement pénal qui prononce une mesure thérapeutique institutionnelle (art. 59 CP) contre l’auteur tout en réservant la possibilité d’une médication forcée ne permet pas à l’autorité d’exécution des peines d’ordonner une thérapie par électrochocs (électroconvulsivothérapie) sous la contrainte, traitement distinct et, en l’état actuel de la science, sujet à débat.

Écoutes téléphoniques : une durée de 17 mois pour requérir l’autorisation d’une découverte fortuite est largement excessive, même si le délai de 24 heures est une prescription d’ordre 

En cas de découverte fortuite issue d’une surveillance active d’un raccordement téléphonique (art. 269 ss CPP), l’autorité de poursuite pénale doit immédiatement ordonner la surveillance et requérir l’autorisation du tribunal des mesures de contrainte (TMC) pour l’exploiter contre un nouveau prévenu (art. 278 CPP). Un délai de 17 mois entre l’identification de la découverte fortuite et la requête au TMC est excessif, de sorte que le TMC doit refuser la requête en pareil cas. En conséquence, l’ensemble des opérations d’instruction effectuées sur cette base sont absolument inexploitables et doivent être écartées du dossier pénal, puis détruites à l’issue de la procédure.

Refus d’ordonner une nouvelle expertise psychiatrique et préjudice juridique au sens de l’art. 394 let. b CPP

La personne qui souhaite recourir contre le refus du ministère public d’ordonner un acte d’instruction doit établir l’existence d’un préjudice juridique au sens de l’art. 394 let. b CPP. Un pareil préjudice est admis lorsque le refus d’instruire concerne des moyens de preuve qui risquent de disparaître. Si le refus d’instruire porte sur la mise en œuvre d’une nouvelle expertise psychiatrique, le risque que le moyen de preuve disparaisse réside dans le fait que la procédure de première instance a lieu, en règle générale, plusieurs mois voire plusieurs années après l’établissement de l’expertise. Si le tribunal du fond devait arriver à la conclusion que l’expertise psychiatrique présente des lacunes ou est inexploitable, la mise en œuvre d’une nouvelle expertise, après l’écoulement d’un temps conséquent, ne serait potentiellement plus pertinente. Il revient en principe au recourant de démontrer que ce risque pourrait se réaliser.

Participation à l’infraction, perpétration par métier et affiliation à une bande

La commission en bande constitue une forme de commission en commun plus intense que la coactivité, car elle se caractérise par un but commun et supérieur ainsi qu’une volonté de former un groupe consolidé. L’affiliation à une bande suppose que le membre participe à la cohésion de celle-ci et à la réalisation de son objectif. Pour que cette circonstance personnelle soit réalisée, il faut notamment fournir une contribution déterminante lors de la décision, la planification ou l’exécution des infractions. En outre, l’absence de revenus légaux d’un auteur ou d’un participant ne permet pas de retenir la circonstance aggravante du métier. De manière générale, inscrire les contributions d’un auteur ou d’un participant dans un contexte global diffus, sans énumérer précisément les éléments pertinents ne suffit pas à retenir la commission en bande et la perpétration par métier.

Entraide judiciaire pénale avec la Russie : suspension provisoire de la procédure d’entraide mais maintien de la saisie d’avoirs bancaires situés en Suisse

La saisie à titre provisionnel d’avoirs bancaires ordonnée dans le cadre d’une demande d’entraide judiciaire russe doit être maintenue et ce même si la demande d’entraide judiciaire est provisoirement suspendue en raison du non-respect par la Russie de ses engagements internationaux.

Le ministère public ne peut plus recourir contre les décisions rendues par le TMC en matière de détention

Le Tribunal fédéral met fin à sa jurisprudence constante en matière de détention et s’aligne sur la volonté du législateur : seule la personne détenue peut désormais s’opposer aux décisions rendues par le TMC selon l’art. 222 CPP. Ainsi, le ministère public ne peut plus recourir contre les décisions du TMC ordonnant, prolongeant ou levant la détention provisoire, respectivement la détention pour des motifs de sûreté. La voie de recours en la matière accordée jusqu’à ce jour au ministère public était problématique au regard de l’art. 5 al. 3 CEDH. Pour cette raison et compte tenu de la volonté clairement exprimée par le législateur lors des travaux de révision du CPP, le Tribunal fédéral revient sur sa jurisprudence.

Placer un radar routier sur un terrain privé sans l’accord de son propriétaire est un acte autorisé par la loi (art. 14 CP) et ne rend pas la mesure illicite

Lorsqu’un excès de vitesse est constaté au moyen d’un radar, le conducteur peut demander la production des documents techniques le concernant, ainsi que le procès-verbal de prise de mesure, pour s’assurer de la conformité de cette dernière. Refuser une telle réquisition emporte violation du droit d’être entendu du conducteur. Par ailleurs, les policiers qui placent un radar sur le terrain privé d’un tiers, par hypothèse sans son consentement, agissent dans le cadre de leur fonction, de sorte que leur acte doit être couvert par l’art. 14 CP. Par conséquent, les preuves obtenues par ce biais ne sont pas illicites au sens de l’art. 141 al. 2 CPP.