Responsabilité pénale de l’employeur en cas d’accident de travail : devoir de diligence, formation des travailleurs, directives CFST et listes de contrôle de la SUVA

Le tribunal peut admettre une violation du devoir de diligence (cf. art. 12 al. 3 CP) de l’employeur en se fondant sur les listes de contrôle de la SUVA et les directives CFST. L’inobservation de ces directives ne constitue pas nécessairement une violation du devoir de diligence, mais en représente un indice. Ainsi, l’employeur viole son devoir de diligence en n’exigeant pas de son employé, lors de son engagement, une attestation de formation d’utilisation de plateformes élévatrices, obligatoire selon les listes de contrôle de la SUVA, alors que les travaux à effectuer nécessitent d’avoir recours à cet équipement, et qu’il ne parvient pas à démontrer qu’il a honoré ses obligations d’une autre manière.

Attouchements commis dans un bus de nuit : réalisation de la contrainte sexuelle (art. 189 CP)

La contrainte sexuelle (art. 189 CP) est réalisée notamment lorsque la victime ne consent pas à l’acte sexuel, en le manifestant de manière suffisamment reconnaissable, en évitant tout contact visuel avec son agresseur, en le repoussant, en se mettant dos à lui et en pleurant. De plus, l’auteur qui profite du fait que la victime soit seule, dans un pays qui lui est étranger, dans un bus de nuit, non éclairé et rempli d’inconnus, coincée entre la vitre et lui-même (dont la corpulence et l’âge étaient déjà propres à créer une infériorité physique pour la victime), et qui écarte les jambes de la victime de force pour introduire ses doigts dans son intimité, fait usage de moyen de contrainte sous la forme de pressions psychiques et de la force. Le fait que la victime renonce à appeler à l’aide d’autres voyageurs n’exclut pas la contrainte.

Toxicodépendance, responsabilité pénale et expertise psychiatrique

L’autorité pénale (d’instruction ou de jugement) doit ordonner une expertise s’il existe une raison sérieuse de douter de la responsabilité de l’auteur (art. 20 CP), c’est-à-dire lorsqu’elle a effectivement des doutes à ce propos, ou qu’elle aurait dû en avoir compte tenu des circonstances. Une dépendance aux stupéfiants peut être un indice sérieux, propre à générer de tels doutes et à fonder la nécessité d’une expertise, mais uniquement si elle a entraîné une nette perturbation de la conscience, de la faculté volitive ou de la capacité à réagir de l’auteur au moment de la commission des faits. La consommation de drogues à elle seule ne suffit pas à jeter un doute sur la responsabilité pénale. De même, on ne saurait retenir une toxicodépendance et, dans le prolongement, mettre en question la pleine responsabilité de l’auteur, sur la seule base d’une consommation de plusieurs stupéfiants, surtout lorsque celle-ci est sporadique ; dans un tel cas, l’autorité n’est donc pas tenue d’ordonner une expertise.

Le pacte corruptif et l’avantage indu dans le cadre d’une affaire de corruption d’agent public étranger

Faute de preuve directe, l’existence d’un pacte corruptif peut être établie sur la base d’un faisceau d’indices. Ainsi, le juge peut se référer sans arbitraire à la temporalité et aux circonstances dans lesquelles se sont inscrits les faits en cause. En l’occurrence, le versement de USD 1’500’000.- au fils du président du Conseil d’administration d’une entreprise publique constitue un avantage indu lorsque le montant ne s’inscrit pas dans un rapport d’échange de prestations.

Obtention illicite d’une prestation d’une assurance sociale ou de l’aide sociale : évaluation de l’ampleur de la faute

Lorsque le montant du délit se trouve dans la zone « médiane » au vu des seuils chiffrés par le Tribunal fédéral, il convient d’évaluer l’ampleur de la faute de l’auteur en se fondant sur l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, la durée de la période de perception illicite de la prestation étant un facteur d’appréciation pertinent. Par ailleurs, seule l’infraction d’obtention illicite de prestations sociales au sens de l’art. 148a al. 1 CP constitue un cas d’expulsion obligatoire, et non le cas de peu de gravité au sens de l’art. 148a al. 2 CP.

La responsabilité pénale des exploitants de remontées mécaniques lors d’un accident de luge

Les responsables d’exploitation des remontées mécaniques d’une station de ski ne se sont pas rendus coupables de lésions corporelles par négligence lors de l’accident d’une lugeuse qui est entrée en collision avec un piquet en bois en bordure de piste. Le devoir d’assurer la sécurité des pistes, dont l’étendue est déterminée en référence aux directives édictées par les associations de sports d’hiver et qui varie en fonction des circonstances locales, ne leur imposait pas de sécuriser davantage l’obstacle qu’avec le tapis de protection orange mis en place.

L’obligation de communiquer au sens de l’art. 37 LBA du président du CdA d’une banque

Le président du CdA d’une banque qui a eu connaissance d’éléments nouveaux qui auraient dû intensifier des soupçons dont il était au courant pourrait se voir reprocher la violation de l’obligation de communiquer prévue à l’art. 37 LBA. Dans le cas d’espèce, le Tribunal fédéral renvoie l’affaire à la Cour d’appel du Tribunal pénal fédéral pour qu’elle complète l’état de fait afin de déterminer si le président du CdA a eu connaissance de tels éléments.

Appel au boycott de l’armée face à l’art. 276 CP : le TPF fait prévaloir la liberté d’expression de militants

Dans un arrêt portant sur l’application très rare de la provocation et l’incitation à la violation des devoirs militaires, le Tribunal pénal fédéral a fait prévaloir la liberté d’expression des prévenus pour prononcer leur acquittement. D’abord condamnés par ordonnances pénales rendues par le Ministère public de la Confédération, les prévenus avaient, par la publication d’un article en ligne, enjoint leur lectorat à ne pas payer la taxe militaire, à privilégier le service civil et à ne pas se rendre au service militaire. Selon le Tribunal pénal fédéral, une publication qui participe au débat public bénéficie d’une protection accrue. En ce sens, elle ne saurait être restreinte, sans violer la liberté d’expression, que si les propos qu’elle contient exhortent à la violence ou constituent un discours de haine.

Le prononcé d’une détention pour motifs de sûreté dans le cadre d’une décision judiciaire ultérieure à l’exécution d’une peine

Le prononcé d’une détention pour des motifs de sûreté en vue ou dans le cadre d’une décision judiciaire ultérieure indépendante suppose de sérieuses raisons de penser que l’exécution d’une peine ou d’une mesure privative de liberté sera ordonnée à l’encontre de la personne condamnée (art. 364a et 364b CPP). Ce changement de sanction (art. 65 al. 1 CP) est possible uniquement si, après l’entrée en force du jugement initial, de nouveaux faits ou moyens de preuves, alors inconnus du tribunal mais déjà existants au moment du premier jugement, sont apparus et satisfont les conditions d’une mesure. Conformément à la jurisprudence de la CourEDH, ces nouveaux faits et moyens de preuve doivent porter sur la nature de l’infraction ou sur la culpabilité, et non uniquement sur les conditions du prononcé ultérieur de la mesure.

Violation de l’obligation d’entretien (art. 217 CP) : le juge pénal doit toujours établir concrètement la capacité du débiteur de s’acquitter de la contribution d’entretien (condition objective de punissabilité)

Une condamnation pour violation de l’obligation d’entretien (art. 217 CP) suppose que le débiteur dispose de moyens suffisants pour s’acquitter de ses obligations, ce qui constitue une condition objective de punissabilité. Dans le cadre de cet examen, le juge pénal doit procéder à une analyse « concrète » de la capacité financière du prévenu, en se référant si besoin aux éléments établis par le juge civil. Entrent dans la capacité financière concrète du prévenu tant ses moyens actuels que les possibilités de gain qui lui sont offertes et qu’il pourrait accepter.

Les critères de fixation de la peine en cas de viol, tentative de viol et contrainte sexuelle commis en commun (art. 49 et 200 CP)  

Lorsque plusieurs actes d’ordre sexuel sont commis en commun, l’autorité de jugement doit, selon la jurisprudence rendue en application de l’art. 49 CP, fixer une sanction hypothétique pour chaque acte (avec aggravation pour commission en commun selon l’art. 200 CP) afin de déterminer la peine d’ensemble conforme à la culpabilité du prévenu. À cet égard, il est conforme au droit de tenir compte de la durée d’un viol comme facteur participant à déterminer la culpabilité au sein de l’art. 47 CP.

Prescription des poursuites pénales en raison de la lenteur de l’instruction : le procureur jugé pour entrave à l’action pénale

Le procureur qui engage l’accusation devant le Tribunal de première instance deux mois et demi avant la prescription de l’action pénale ne se rend pas coupable d’entrave à l’action pénale au sens de l’art. 305 al. 1 CP, malgré le classement subséquent de la procédure, faute pour le Tribunal d’avoir pu rendre son jugement avant l’échéance du délai de prescription. Compte tenu des circonstances, le magistrat pouvait légitimement espérer que les procédures seraient menées à terme en temps voulu. Son comportement relève de la négligence consciente et échappe à la sanction pénale.