Imputation de la détention avant jugement (art. 51 CP) : le Tribunal fédéral pose la règle de calcul applicable en cas de détention qui se chevauche sur deux jours consécutifs

Lorsqu’une fraction de jour de détention avant jugement a été subie par le condamné, il convient d’imputer un jour complet de détention sur la peine prononcée. En revanche, l’art. 51 CP ne précise pas comment une détention avant jugement qui s’étend sur deux jours consécutifs doit être imputée. Le Tribunal fédéral tranche la controverse doctrinale et pose la règle suivante : ce n’est que lorsque la durée totale de la privation de liberté dépasse 24 heures que le condamné a droit à l’imputation de deux jours de détention sur la peine. Notre Haute Cour rappelle en outre les principes applicables en matière de fixation et de motivation de la peine, notamment la prise en compte des antécédents.

Concours entre tentative de lésions corporelles graves et omission de prêter secours : le Tribunal fédéral précise sa jurisprudence

Un enregistrement vidéo obtenu illégalement et ne figurant pas au dossier peut être utilisé comme moyen de preuve, malgré la violation de l’obligation de tenir un dossier complet, en raison notamment du caractère grave de l’infraction de tentative de lésions corporelles graves, peu importe qu’il s’agisse d’une violation d’une prescription de validité ou d’ordre au sens de l’art. 141 al. 2 ou 3 CPP. Par ailleurs, il n’y a pas de concours entre tentative de lésions corporelles graves (art. 122 CP cum art. 22 al. 1 CP) et omission de prêter secours (art. 128 CP) lorsqu’il n’y a pas de risque de survenance d’un résultat allant au-delà de la blessure acceptée par l’auteur. L’omission de prêter secours est considérée comme une abstention subséquente non punissable (straflose Nachtat) coréprimée (mitbestrafte) par la tentative de lésions corporelles graves commise préalablement, excluant ainsi le concours d’infractions.

Infraction commise à l’étranger : lex mitior et prescription

Lorsque le juge suisse est en charge de statuer sur des crimes ou des délits commis à l’étranger, il se doit d’appliquer le principe de lex mitior entre le droit du lieu de commission de l’infraction et le droit suisse s’agissant de la fixation de la sanction (art. 6 al. 2 et 7 al. 3 CP). Cela implique de prendre en compte la quotité de la peine ainsi que le type de sanction. L’analyse de la prescription du droit du lieu de commission est en revanche exclue.

Assistance au suicide

En confirmant la conformité au droit fédéral de l’acquittement de l’ancien président d’Exit Suisse romande pour avoir prescrit du natrium pentobarbital (NAP) à une femme de 86 ans en bonne santé, mais désireuse de mourir, le Tribunal fédéral a tranché une affaire hautement controversée, mêlant droit et éthique. Le Professeur Thommen de l’Université de Zurich commente l’arrêt TF 6B_393/2023 du 13 mai 2024.

Les petits trafics font les grands délits

Qu’un trafiquant de drogue procède à plusieurs transactions distinctes ou que celles-ci forment un ensemble au sens d’une unité naturelle d’action, il faut toujours additionner les quantités de stupéfiants dont il est question pour déterminer si le trafic tombe sous la circonstance aggravante de l’art. 19 al. 2 let. a LStup. Le Tribunal fédéral confirme sa jurisprudence en ce sens, rendue sous l’ancien droit.

Affaire Soral : première condamnation pour incitation à la haine en raison de l’orientation sexuelle

Est constitutif d’une incitation à la haine (art. 261bis par. 1 CP) le fait de qualifier, dans une vidéo sur Internet, une journaliste de « militante queer » (dans le sens de désaxée) et de « grosse lesbienne militante pour les migrants ». Au vu des termes choisis, il ne fait pas de doute que le recourant se réfère à l’orientation sexuelle de la journaliste, soit une caractéristique protégée par l’art. 261bis CP depuis sa modification en 2020. Les termes lesbienne et queer ne sont pas utilisés dans un contexte neutre, mais dans un discours rabaissant et déshumanisant, incitant à mépriser la journaliste et l’ensemble des personnes homosexuelles en raison de leur orientation sexuelle.

L’interdiction de prononcer une mesure trop clémente qui suspend l’exécution d’une longue peine privative de liberté

Une mesure thérapeutique institutionnelle ne peut être ordonnée qu’à titre exceptionnel lorsque sa durée est inférieure aux deux tiers de la durée d’exécution de la longue peine privative de liberté qu’elle suspend, à défaut de quoi un traitement ambulatoire accompagnant l’exécution de la peine doit lui être préféré, en application du principe de proportionnalité. Un individu âgé de 27 ans, condamné à 14 années et demie d’emprisonnement, ne peut par conséquent être mis au bénéfice d’une mesure pour jeune adulte (art. 61 CP), car cette dernière lui aurait permis, en cas de succès, d’être relâché deux ans avant qu’une libération conditionnelle n’entre en considération dans le cadre de l’exécution de sa peine privative de liberté.

Visites intimes en détention : un droit réservé aux personnes détenues pouvant justifier de relations stables et durables

Il est conforme au droit constitutionnel et au droit conventionnel, notamment au droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8 CEDH), de refuser, sur la base d’un règlement cantonal, une visite intime à un détenu qui ne peut justifier d’une relation stable et durable avec sa partenaire libre. Cette double condition de stabilité et de durabilité répond à la logique voulant que les visites (comme moyen de conserver des relations avec le monde extérieur selon l’art. 84 CP) visent le maintien de liens affectifs étroits entre proches.

Appréciation arbitraire des faits s’agissant de l’existence d’une contrainte et de la réalisation de l’élément constitutif subjectif dans le cas d’un viol

Il est arbitraire de nier l’intention de l’auteur qui a initié une relation sexuelle avec une personne après que celle-ci lui a signifié verbalement son refus à une reprise au moins. L’auteur qui, après le refus de la victime, s’obstine, la déshabille, lui tient les épaules et s’appuie sur sa poitrine pour se saisir d’un préservatif exerce une pression et une emprise physiques suffisantes pour constituer une contrainte au sens de l’art. 190 CP.