Une attente de 17 mois entre le prononcé de l’exécution anticipée de la mesure et la mise en œuvre effective d’un traitement thérapeutique institutionnel viole l’art. 5 § 1 let. e CEDH

Le Tribunal fédéral juge qu’une attente de 17 mois entre le prononcé de l’exécution anticipée de la mesure thérapeutique institutionnelle (au sens de l’art. 59 CP) et la mise en œuvre effective de cette dernière viole l’art. 5 § 1 let. e CEDH. Cette conclusion est notamment motivée par le fait qu’une expertise psychiatrique réalisée en cours de procédure a mis en évidence l’effet néfaste d’un séjour en détention sur l’évolution de la maladie du recourant. De plus, le canton de Berne souffre d’un manque avéré de places de thérapie, ce qui implique de longs délais d’attente avant que la mesure ne puisse effectivement être exécutée. Dans ces circonstances, les autorités cantonales compétentes en matière d’exécution des peines et des mesures ne pouvaient se contenter de contacter, dans un premier temps, que trois des huit établissements susceptibles d’accueillir le recourant. Ce dernier a par conséquent droit à une indemnisation.

Pour lire des messages WhatsApp injurieux, il vaut mieux rester en Suisse

Dans le cas de propos injurieux adressés, depuis l’étranger, à un tiers se trouvant à l’étranger par le biais de la messagerie WhatsApp, puis relayés au lésé se trouvant en Suisse, le résultat de l’infraction qu’est l’injure survient au lieu de (la première) prise de connaissance des propos. La compétence territoriale des autorités pénales suisses fondée sur le lieu du résultat (art. 3 al. 1 cum 8 al. 1 CP) est niée.

Violation du domaine secret ou du domaine privé au moyen d’un appareil de prises de vues (art. 179quater CP) : filmer une partie commune d’immeuble ne réalise pas les éléments constitutifs objectifs de l’infraction

Filmer une partie commune d’un immeuble d’habitation sans le consentement des autres habitants ne constitue pas une infraction au sens de l’art. 179quater CP. En effet, les occupants de l’immeuble ne disposent pas d’un droit exclusif les uns par rapport aux autres et ne bénéficient donc pas d’une protection de leur sphère privée en ces lieux.

La victime de traite d’êtres humains n’a pas de droit à obtenir de l’État une indemnisation LAVI correspondant au salaire non perçu

Le texte de la loi qui exclut le dommage purement économique et/ou patrimonial de l’indemnisation LAVI est clair et correspond à la volonté du législateur. Le fait que le recourant, victime de traite d’êtres humains, n’ait pas le droit d’obtenir de l’État une indemnisation LAVI correspondant au salaire non perçu ne saurait par conséquent être corrigé par la voie de l’interprétation. De même, il ne peut être conclu à l’existence d’une lacune proprement dite, qui devrait être comblée par le juge.

Obligation de s’annoncer auprès des autorités sanitaires cantonales au retour d’une zone à risque : l’exigence de précision de l’ordonnance Covid-19 alors en vigueur fait défaut

Une voyageuse ayant rempli une carte de contact de l’OFSP ne peut se voir condamnée sur la base de l’art. 83 al. 1 let. k et al. 2 LEp au motif qu’elle n’a pas simultanément averti les autorités sanitaires cantonales de son entrée en Suisse. Cette obligation d’annonce, prévue dans l’ordonnance Covid-19 sur le transport international des voyageurs en vigueur jusqu’en février 2021, ne saurait être assimilée à l’obligation de faire connaître son identité, ses coordonnées et son itinéraire ancrée à l’art. 41 al. 2 let. a LEp. L’intéressée ne pouvait donc pas être condamnée sur la base de cette disposition. Même à considérer ces deux obligations comme équivalentes, la voyageuse n’a pas enfreint ses devoirs dès lors qu’elle a rempli une carte de contact de l’OFSP.

Viol et contrainte sexuelle : la question de l’éventuel consentement d’une victime ne peut pas être tranchée sur la seule base de vidéos des actes d’ordre sexuel 

L’autorité cantonale qui retient que des jeunes femmes ont consenti à des actes d’ordre sexuel sur la base de vidéos, alors que leurs déclarations et des expertises sexologiques indiquent le contraire, sombre dans l’arbitraire. De même, il est manifestement inexact d’établir que le photographe amateur qui a mis en place une stratégie pour obtenir des actes d’ordre sexuel de ses modèles ignorait que ces dernières n’étaient pas consentantes.

Le stealthing est constitutif de désagréments causés par la confrontation à un acte d’ordre sexuel (art. 198 al. 2 CP)

Le stealthing, soit le fait de retirer son préservatif à l’insu de son ou sa partenaire durant un rapport sexuel consenti, est constitutif de désagréments causés par la confrontation à un acte d’ordre sexuel (art. 198 al. 2 CP), en l’état actuel du droit pénal en matière sexuelle. En effet, cette disposition a fonction d’infraction subsidiaire, lorsque, comme dans le cas d’espèce, la contrainte ou l’abus fait défaut. En retirant son préservatif à l’insu de sa partenaire, délibérément, tout en étant conscient que celle-ci pensait qu’il en portait un et ne souhaitait pas qu’il le retire, l’auteur commet un acte d’ordre sexuel sans son consentement et se rend ainsi coupable d’infraction à l’art. 198 al. 2 CP.

La prise en charge des frais d’avocat selon la LAVI

Les frais d’avocat au sens de la LAVI ne peuvent être réclamés qu’au titre d’aide immédiate ou d’aide à plus long terme (art. 13 LAVI) et non au titre d’indemnité (art. 19 LAVI). En outre, la victime LAVI qui ne requiert pas l’assistance judiciaire gratuite dans la procédure pénale peut encore demander ultérieurement la prise en charge de ses frais d’avocat par le biais de l’aide aux victimes. La seconde institution n’est pas subsidiaire à la première.

La conversion d’une mesure ambulatoire en mesure institutionnelle à la suite d’une peine privative de liberté

La conversion d’une mesure thérapeutique ambulatoire en une mesure institutionnelle après l’exécution complète d’une peine privative de liberté (ici de neuf ans) porte sérieusement atteinte à la liberté personnelle de la personne qui en fait l’objet. Son prononcé suppose une dangerosité particulière de l’intéressé et une grave mise en danger de la sécurité publique après l’échec de la thérapie ambulatoire, ce qui doit être évalué au regard de la nature, ainsi que de la gravité des actes commis et prédits. La mesure institutionnelle doit être l’unique moyen d’atteindre le but de prévention, conformément à un examen strict de sa proportionnalité. À ce dernier égard, il s’impose de procéder à une mise en balance des intérêts de la sécurité publique et du droit à la liberté personnelle, la durée de la privation de liberté déjà subie devant être prise en compte. Plus cette dernière est importante, plus la probabilité et la gravité d’infractions futures doivent être élevées. S’agissant du prononcé d’une mesure institutionnelle, il convient toutefois de garder à l’esprit que la privation de liberté qu’elle induit n’existe pas pour elle-même, mais est mise au service d’un traitement efficace.

Délit de chauffard : accélérer pour faire plaisir à un enfant n’est pas un motif suffisant pour renverser la présomption du caractère intentionnel prévue par l’art. 90 al. 3 et 4 LCR

Un important dépassement de vitesse tombant objectivement sous le coup de l’art. 90 al. 3 et 4 LCR ne peut pas être réprimé sur la base de l’art. 90 al. 2 LCR du seul fait que le conducteur a décidé d’accélérer pour « faire plaisir à un enfant » qui souhaite tester la puissance du moteur. Le fait que le conducteur n’est resté que huit secondes au-delà du seuil de l’art. 90 al. 4 LCR n’y change rien. Par son comportement, le conducteur a au contraire démontré qu’il a intentionnellement dépassé largement la limite de vitesse autorisée et s’est accommodé du fait de faire courir un grand risque d’accident à autrui. L’autorité précédente a par conséquent outrepassé la marge de manœuvre limitée dont elle dispose dans le cadre de l’art. 90 al. 3 et 4 LCR.

Le droit à la libération conditionnelle d’un détenu en situation irrégulière qui n’a pas l’intention de quitter le territoire suisse

L’étranger qui a exécuté les deux tiers de sa peine privative de liberté et qui a un bon comportement durant sa détention n’a pas le droit à la libération conditionnelle lorsqu’il n’a pas le projet de quitter le territoire suisse alors qu’il fait l’objet d’une mesure d’expulsion ainsi que de plusieurs condamnations pour entrée et séjours illégaux.

L’expulsion du jeune adulte ayant commis des infractions avant et après sa majorité

Bien qu’elle ne soit ni visée par l’art. 3 al. 2 DPMin dans sa teneur actuelle, ni mentionnée dans le catalogue des dispositions du CP applicables par analogie au droit pénal des mineurs (art. 1 al. 2 DPMin a contrario), l’expulsion pénale obligatoire ou non obligatoire peut être ordonnée par le juge dans les cas dits mixtes, soit ceux dans lesquels un auteur (Übergangstäter) a commis des infractions avant et après l’âge de 18 ans.