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Le ministère public ne peut plus recourir contre les décisions rendues par le TMC en matière de détention

Le Tribunal fédéral met fin à sa jurisprudence constante en matière de détention et s’aligne sur la volonté du législateur : seule la personne détenue peut désormais s’opposer aux décisions rendues par le TMC selon l’art. 222 CPP. Ainsi, le ministère public ne peut plus recourir contre les décisions du TMC ordonnant, prolongeant ou levant la détention provisoire, respectivement la détention pour des motifs de sûreté. La voie de recours en la matière accordée jusqu’à ce jour au ministère public était problématique au regard de l’art. 5 al. 3 CEDH. Pour cette raison et compte tenu de la volonté clairement exprimée par le législateur lors des travaux de révision du CPP, le Tribunal fédéral revient sur sa jurisprudence.

Placer un radar routier sur un terrain privé sans l’accord de son propriétaire est un acte autorisé par la loi (art. 14 CP) et ne rend pas la mesure illicite

Lorsqu’un excès de vitesse est constaté au moyen d’un radar, le conducteur peut demander la production des documents techniques le concernant, ainsi que le procès-verbal de prise de mesure, pour s’assurer de la conformité de cette dernière. Refuser une telle réquisition emporte violation du droit d’être entendu du conducteur. Par ailleurs, les policiers qui placent un radar sur le terrain privé d’un tiers, par hypothèse sans son consentement, agissent dans le cadre de leur fonction, de sorte que leur acte doit être couvert par l’art. 14 CP. Par conséquent, les preuves obtenues par ce biais ne sont pas illicites au sens de l’art. 141 al. 2 CPP.

Infraction d’abus d’autorité : le dessein de nuire à autrui peut résider dans l’acte de contrainte per se

Le Tribunal fédéral confirme sa jurisprudence relative à l’art. 312 CP incriminant l’abus d’autorité : l’agent étatique qui recourt, avec conscience et volonté, à un moyen de contrainte de manière excessive, accepte, à tout le moins, de causer un préjudice à autrui et se rend coupable de cette infraction, quand bien même son but serait légitime. Le dessein de porter préjudice à autrui, tel qu’exigé par l’art. 312 CP, peut résider dans l’acte de contrainte en soi. Dans de telles circonstances, l’intention en tant qu’élément constitutif subjectif n’a plus de portée indépendante. Par ailleurs, le principe d’accusation est respecté même si l’acte d’accusation ne mentionne pas que le recourant aurait dû s’attendre à humilier ou blesser la victime.

Qualité de partie plaignante du créancier en cas d’obtention frauduleuse d’un concordat judiciaire (art. 170 CP)

L’infraction d’obtention frauduleuse d’un concordat judiciaire (art. 170 CP) protège avant tout la bonne exécution de la procédure concordataire et seulement indirectement les intérêts des créanciers de la société en faillite. Ces derniers ne revêtent en tout cas pas la qualité de lésé et de partie plaignante s’ils n’ont pas été admis à l’état de collocation et ne participent donc pas à la procédure d’exécution forcée.

Saisie de données signalétiques et établissement d’un profil ADN : rappel à l’ordre du Tribunal fédéral

La saisie de données signalétiques ainsi que le prélèvement d’un échantillon et l’établissement d’un profil ADN, s’ils ne servent pas à élucider une infraction pour laquelle une instruction pénale est en cours, ne sont conformes au principe de la proportionnalité que s’il existe des indices sérieux et concrets de l’implication du prévenu dans d’autres infractions, mêmes futures. De plus, il doit s’agir d’infractions revêtant une certaine gravité. En l’espèce, le Tribunal fédéral a considéré que la seule inscription, dans le casier judiciaire du prévenu, d’une condamnation pour une infraction à la LStup ainsi qu’à la LCR ne suffit pas pour retenir que de tels indices existent.

Le principe de l’interdiction de la reformatio in pejus s’applique à l’indemnité allouée à l’avocat d’office

En l’absence d’appel principal interjeté par le ministère public sur l’indemnité allouée à l’avocat d’office, l’autorité de recours viole le principe de l’interdiction de la reformatio in pejus en octroyant à ce dernier une indemnité inférieure à celle accordée en première instance.

Le retrait d’une plainte pénale ne conduit pas à l’annulation d’une ordonnance pénale entrée en force

Le principe de l’indivisibilité de la plainte pénale (art. 32 CP) ne permet pas d’en déduire que le retrait de la plainte pénale par le lésé dans toutes les procédures (en rapport à une infraction poursuivie sur plainte) conduit à l’annulation d’une ordonnance pénale entrée en force, et ce alors même que les autres prévenus dans l’affaire ont bénéficié d’un classement de la procédure.

L’autorité statuant sur renvoi d’un arrêt du Tribunal fédéral n’est liée que par les faits non contestés et les questions de droit définitivement tranchées

Un classement implicite suppose qu’une partie des faits a été abandonnée sans qu’une décision formelle n’ait été rendue à leur sujet. Lorsque la décision de renvoi annule un tel classement implicite sans trancher le fond du litige et impose aux autorités d’éclaircir les faits contestés, le Ministère public doit mener une nouvelle instruction. En prononçant un deuxième classement à l’encontre du principal prévenu en raison de son décès, le Ministère public ne peut pas abandonner l’ensemble des investigations concernant l’implication éventuelle de tiers, sauf à violer l’interdiction du déni de justice. En l’espèce, la plainte d’une victime à l’encontre du prévenu décédé et de tout autre personne impliquée imposait au Ministère public de poursuivre des recherches, malgré le décès du principal suspect.

Chute d’un employé de chantier : violation du devoir de prudence de l’employeur et rapport de causalité adéquate

Les règles strictes de l’Ordonnance sur les travaux de construction (OTConst) et l’Ordonnance sur la prévention des accidents (OPA) existent précisément en raison des dangers inhérents à l’activité de construction et de l’inclination naturelle de tout employé de chantier à parfois prendre des risques. Ces prises de risques, pour autant qu’elles n’aient rien d’extraordinaire, ne suffisent toutefois pas à rompre le rapport de causalité adéquate entre l’omission de l’employeur de sécuriser les installations du chantier et les lésions subies par un ouvrier à la suite d’une chute.

Expertise de crédibilité et prise en compte des déclarations peu circonstanciées d’une victime

Un tribunal ne peut se résoudre à prononcer un acquittement à l’égard de tous les faits reprochés dans l’acte d’accusation au motif que les actes décrits les plus graves proviennent de témoignages indirects et peu concordants. Les déclarations faites lors de l’audition LAVI de la victime – jugées crédibles par une expertise – doivent aussi être approfondies. Cela vaut même si la victime ne livre que peu de circonstances. En n’opérant aucune distinction entre les actes dénoncés par la victime et ceux (peu concordants) décrits par des témoins indirects, le tribunal peut verser dans l’arbitraire.

Mesures techniques de surveillance secrètes : les preuves récoltées entre l’échéance de la durée de la mesure et la demande de prolongation tardive du ministère public sont absolument inexploitables

Une demande de prolongation d’une mesure technique de surveillance déposée un jour après l’échéance de la durée précédemment accordée ne peut couvrir la période qui sépare l’échéance précédente de celle-ci. Les preuves récoltées durant ce laps de temps sont absolument inexploitables, nonobstant une autorisation rétroactive du Tribunal des mesures de contrainte. Ce dernier doit se limiter à accorder la prolongation au jour de la réception de la demande du ministère public. 

Condamnation de l’organe d’une société en tant que complice d’une infraction commise par cette personne morale

Le principe ne bis in idem est respecté lorsque l’organe d’une société est condamné pénalement en tant que complice d’une soustraction d’impôt pour laquelle la personne morale a déjà été sanctionnée comme auteure principale, dont la punissabilité découle de la faute de son organe. Un tel cumul de sanctions – qui est d’ailleurs autorisé par le texte clair de l’art. 181 al. 3 LIFD – n’est en effet pas contraire au droit fédéral, dès lors qu’une société et ses organes sont des sujets fiscaux indépendants et qu’il n’y a donc pas d’identité des personnes punies.