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L’autorité statuant sur renvoi d’un arrêt du Tribunal fédéral n’est liée que par les faits non contestés et les questions de droit définitivement tranchées

Un classement implicite suppose qu’une partie des faits a été abandonnée sans qu’une décision formelle n’ait été rendue à leur sujet. Lorsque la décision de renvoi annule un tel classement implicite sans trancher le fond du litige et impose aux autorités d’éclaircir les faits contestés, le Ministère public doit mener une nouvelle instruction. En prononçant un deuxième classement à l’encontre du principal prévenu en raison de son décès, le Ministère public ne peut pas abandonner l’ensemble des investigations concernant l’implication éventuelle de tiers, sauf à violer l’interdiction du déni de justice. En l’espèce, la plainte d’une victime à l’encontre du prévenu décédé et de tout autre personne impliquée imposait au Ministère public de poursuivre des recherches, malgré le décès du principal suspect.

Chute d’un employé de chantier : violation du devoir de prudence de l’employeur et rapport de causalité adéquate

Les règles strictes de l’Ordonnance sur les travaux de construction (OTConst) et l’Ordonnance sur la prévention des accidents (OPA) existent précisément en raison des dangers inhérents à l’activité de construction et de l’inclination naturelle de tout employé de chantier à parfois prendre des risques. Ces prises de risques, pour autant qu’elles n’aient rien d’extraordinaire, ne suffisent toutefois pas à rompre le rapport de causalité adéquate entre l’omission de l’employeur de sécuriser les installations du chantier et les lésions subies par un ouvrier à la suite d’une chute.

Expertise de crédibilité et prise en compte des déclarations peu circonstanciées d’une victime

Un tribunal ne peut se résoudre à prononcer un acquittement à l’égard de tous les faits reprochés dans l’acte d’accusation au motif que les actes décrits les plus graves proviennent de témoignages indirects et peu concordants. Les déclarations faites lors de l’audition LAVI de la victime – jugées crédibles par une expertise – doivent aussi être approfondies. Cela vaut même si la victime ne livre que peu de circonstances. En n’opérant aucune distinction entre les actes dénoncés par la victime et ceux (peu concordants) décrits par des témoins indirects, le tribunal peut verser dans l’arbitraire.

Mesures techniques de surveillance secrètes : les preuves récoltées entre l’échéance de la durée de la mesure et la demande de prolongation tardive du ministère public sont absolument inexploitables

Une demande de prolongation d’une mesure technique de surveillance déposée un jour après l’échéance de la durée précédemment accordée ne peut couvrir la période qui sépare l’échéance précédente de celle-ci. Les preuves récoltées durant ce laps de temps sont absolument inexploitables, nonobstant une autorisation rétroactive du Tribunal des mesures de contrainte. Ce dernier doit se limiter à accorder la prolongation au jour de la réception de la demande du ministère public. 

Condamnation de l’organe d’une société en tant que complice d’une infraction commise par cette personne morale

Le principe ne bis in idem est respecté lorsque l’organe d’une société est condamné pénalement en tant que complice d’une soustraction d’impôt pour laquelle la personne morale a déjà été sanctionnée comme auteure principale, dont la punissabilité découle de la faute de son organe. Un tel cumul de sanctions – qui est d’ailleurs autorisé par le texte clair de l’art. 181 al. 3 LIFD – n’est en effet pas contraire au droit fédéral, dès lors qu’une société et ses organes sont des sujets fiscaux indépendants et qu’il n’y a donc pas d’identité des personnes punies.

L’utilisation d’une planche de surf à propulsion (eFoil) sur le lac Léman est interdite

Les normes réprimant l’utilisation d’une planche de surf à propulsion (eFoil) sur le lac Léman sont formulées de façon suffisamment claire et précise pour permettre de s’y conformer et, en cas de violation, prévoir les conséquences qui en découlent. La condamnation d’un individu à une amende après que ce dernier a fait usage d’un eFoil sur les rives genevoises du Léman ne viole par conséquent pas le principe de la légalité (art. 1 CP).

La modification de l’acte d’accusation (art. 333 al. 1 CPP) est exclue si elle porte sur la même infraction

La modification de l’acte d’accusation (art. 331 al. 1 CPP) consacre une exception au principe de l’immutabilité et doit dès lors être interprétée restrictivement. Conformément au texte légal, elle n’est possible que si l’accusation modifiée porte sur une autre infraction (requalification ou concours idéal), mais pas lorsque l’infraction en cause – ici un homicide par négligence – demeure la même.

Extradition et risque d’une peine de réclusion à vie sans possibilité de libération conditionnelle dans l’État requérant

En matière d’extradition, les principes de la CourEDH sur les peines de réclusion à vie sans possibilité de libération conditionnelle prononcées dans des États parties à la CEDH s’appliquent de manière modulée, entraînant un examen en deux étapes. Premièrement, le requérant doit démontrer qu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’il sera, dans l’État requérant, condamné à une telle peine. Deuxièmement, il s’agit de vérifier s’il existe dans l’État requérant un mécanisme de réexamen de la peine axé sur l’amendement du détenu. Dans le présent arrêt, la CourEDH revient ainsi sur sa jurisprudence Trabelsi c. Belgique.

Télémarketing et LCD : quelques précisions autour de la relation commerciale entre un client et un fournisseur

En matière de télémarketing, l’art. 3 al. 1 let. u LCD interdit au fournisseur l’envoi de publicité aux personnes ayant exprimé le refus d’en recevoir au moyen d’un astérisque dans un annuaire. Seule une relation commerciale actuelle existant entre un client et un fournisseur permet de faire échec à ce principe et autorise ainsi un tel envoi dans une relation spécifique. Le Tribunal fédéral estime, à cet égard, que la commande de compléments alimentaires effectuée sept ans avant l’appel publicitaire concerné ne permet pas de considérer la relation commerciale comme actuelle.

Hors circonstance aggravante, le dépassement par la droite sur l’autoroute doit être sanctionné d’une simple amende d’ordre de CHF 250.-

La jurisprudence fédérale établie retenant que tout dépassement par la droite sur l’autoroute ou semi-autoroute avec rabattement sur la gauche est systématiquement constitutif d’une violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 LCR) et ayant pour conséquence un retrait de permis automatique de trois mois au moins (art. 16c al. 2 LCR) ne peut être maintenue. La modification de l’art. 36 al. 5 OCR et son pendant dans l’OAO (Annexe 1 ch. 314.3) commande depuis le 1er janvier 2021 de se limiter exceptionnellement au prononcé d’une simple amende d’ordre de CHF 250.- lorsqu’aucune circonstance aggravante ne permet de retenir que le dépassement par la droite a causé une mise en danger abstraite accrue.

Infraction routière à l’étranger : la durée du retrait du permis de conduire prononcée par les autorités suisses

Le conducteur récidiviste d’infractions à la LCR ne saurait bénéficier du traitement favorable réservé aux délinquants primaires de l’art. 16c bis al. 2 LCR selon lequel la durée du retrait du permis de conduire prononcée à l’étranger ne peut être dépassée par les autorités suisses. La durée minimale du retrait est alors de trois mois (art. 16c al. 2 let. a LCR). Cela est vrai même si les délais prévus à l’art. 16c al. 2 let. b-e LCR en vertu du système dit en cascade ne trouvent plus application en raison de l’écoulement du temps.

Notification fictive d’une ordonnance pénale sans audition préalable

La fiction de la notification d’une ordonnance pénale à l’échéance du délai de garde postal (art. 85 al. 4 let. a CPP) ne vaut que lorsque le prévenu devait s’attendre à recevoir un tel acte, ce qui suppose qu’il ait été préalablement informé, de façon claire et précise, qu’il faisait l’objet d’une procédure pénale. Tel n’est pas le cas lorsque le prévenu ne fait que remplir un formulaire destiné à identifier le conducteur responsable d’un excès de vitesse, en l’absence de toute audition par la police ou le ministère public.