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De la latitude de l’expert psychiatre pour fonder son expertise sur des hypothèses factuelles

Conformément au principe de célérité (art. 5 CPP), l’autorité pénale doit en principe désigner un expert dès qu’elle est en mesure de constater la nécessité d’une expertise et de poser les questions qui doivent être élucidées pour assurer la poursuite de la procédure. Les faits devraient cependant être suffisamment éclaircis pour que l’expert ne soit pas contraint de se fonder sur ses propres hypothèses factuelles. L’autorité doit à tout le moins être en mesure d’indiquer à l’expert de baser son évaluation sur l’hypothèse de la commission de l’infraction par le prévenu.

Application analogique au prévenu des droits spécifiques de ne pas déposer du témoin

En plus de la notification du droit général de ne pas collaborer (art. 113 CPP), l’autorité de poursuite doit également notifier au prévenu les droits spécifiques de ne pas déposer du témoin (art. 168 ss CPP) qui lui sont applicables par analogie en particulier pour son conjoint. La question de savoir si les droits doivent nécessairement être notifiés à chaque audition est laissée ouverte, même si la jurisprudence semble retenir une obligation en ce sens.

La coactivité et la complicité par omission improprement dite en matière de viol et de contrainte sexuelle

En quittant la pièce et en laissant la victime se faire violer et contraindre sexuellement par l’auteur, le prévenu adopte un comportement passif moralement critiquable qui peut sembler pénalement répréhensible. Cependant, en l’absence d’une obligation juridique qualifiée dépassant le seuil de l’obligation morale ou éthique, le prévenu n’a pas de position de garant et ne s’est donc pas abstenu en violation d’une obligation juridique d’agir. Il n’a pas non plus participé de manière active aux actes de l’auteur si bien que son comportement demeure sans conséquence pénale.

Aucun mandat de perquisition n’est nécessaire – immédiatement ou de manière ultérieure – lorsque la police intervient en cas de péril en la demeure dans des locaux privés

Le Tribunal fédéral profite d’un recours sur l’exploitabilité de moyens de preuve obtenus par la police dans un garage privé sans mandat de perquisition pour préciser les contours de l’art. 213 al. 2 CPP. Selon cette disposition, en cas de péril en la demeure, la police est autorisée à pénétrer dans des locaux non ouverts au public sans qu’un mandat de perquisition ne soit nécessaire immédiatement, ni même ultérieurement.

Le maintien au dossier de preuves issues de recherches secrètes illicites (art. 298a ss CPP) ne crée pas de préjudice irréparable au sens de l’art. 93 LTF

Dès l’existence de soupçons d’infraction portée à la connaissance de l’autorité pénale, le CPP s’applique aux mesures de surveillances ordonnées sur cette base. La conclusion d’un achat fictif de cocaïne auprès de la personne soupçonnée tombe ainsi sous le coup des art. 298a ss CPP. Faute de disposition expresse du CPP sur le sort des preuves obtenues grâce aux recherches secrètes illicites, les dispositions générales s’appliquent (art. 141 al. 2 CPP). Par conséquent, le maintien de telles preuves au dossier ne constitue pas un préjudice irréparable (art. 93 LTF).

Jonction de procédures (indépendante ultérieure et ordinaire) confirmée par le TF et rappel du principe de la légalité en matière de conversion de mesures pénales

Une procédure indépendante en matière de mesures (art. 363 ss CPP) initiée pour le prononcé d’un internement peut être jointe avec une procédure pénale ordinaire ouverte ultérieurement contre la même personne ayant également pour objet son internement. Si un appel est déposé contre le jugement de 1ère instance qui en résulte, l’autorité d’appel est compétente pour statuer globalement sur l’internement. Par ailleurs, faute de disposition pénale expresse qui la prévoit, la conversion d’un traitement ambulatoire (art. 63 ss CP) en un internement (art. 64 ss CP) n’est pas possible (cf. art. 1 CP).

Les infractions de génocide et crimes contre l’humanité à l’épreuve des principes d’imprescriptibilité et de non-rétroactivité

L’art. 101 al. 3 CP permet de déroger au principe général de non-rétroactivité de la loi pénale (art. 2 al. 1 CP) ainsi qu’à l’exception de la lex mitior (art. 2 al. 2 CP). Ces dispositions sont complétées, selon les mêmes principes, par les art. 388 à 390 CP concernant l’exécution des jugements, des peines et des mesures, la prescription ainsi que la plainte. L’art. 389 al. 1 CP réserve en effet toute disposition contraire de la loi. Une telle dérogation découle de l’art. art. 101 al. 3 CP s’agissant notamment de la prescription du génocide et des crimes contre l’humanité. Dès lors, sont imprescriptibles les infractions de génocide (art. 264 CP) et de crimes contre l’humanité (art. 264a CP) si l’action pénale ou la peine n’était pas prescrite le 1er janvier 1983, respectivement le 1er janvier 2011 en vertu du droit applicable à ces dates. L’art. 101 al. 3 CP instaure ainsi une rétroactivité limitée des règles sur l’imprescriptibilité des infractions de génocide et de crimes contre l’humanité.

Nemo tenetur face à l’obligation de collaborer selon la LFINMA

Les déclarations faites à la FINMA ou à un chargé d’enquête lors d’une procédure d’enforcement durant laquelle il existe une obligation générale de collaborer peuvent être exploitées au cours d’une procédure pénale subséquente à l’encontre de la personne concernée. Celle-ci doit cependant être informée de son droit de refuser de collaborer et ne subir aucune contrainte abusive de la part de l’autorité, à défaut de quoi le principe nemo tenetur se ipsum accusare serait violé.

Entraide internationale : qualité pour recourir du trust et formalisme excessif

La qualité pour recourir contre une décision de clôture ordonnant la transmission de la documentation bancaire relative à un compte sur lequel sont déposés des biens appartenant à un trust n’est reconnue qu’au seul trustee titulaire dudit compte. Lorsque le recours est formé au nom du trust, il est irrecevable et ce même si le trust agit de manière reconnaissable à travers son trustee. Il ne s’agit pas de formalisme excessif. À cet égard, le TPF n’applique pas la jurisprudence du TF concernant les hoiries en matière de procédure pénale.

La législation sur les jeux d’argent confrontée à la règle de la lex mitior

La question de savoir lequel du nouveau ou de l’ancien droit est le plus favorable au prévenu doit être évaluée selon une méthode comparative concrète, suivant une logique « en cascade ». Lorsque la révision d’une loi a pour effet d’aggraver les peines pour des infractions données en les faisant passer du rang de contraventions à celui de délits ou de crimes (tel que ceci est le cas, dans le domaine de la législation sur les jeux d’argent, avec le passage de l’ancien art. 56 al. 1 let. a LMJ au nouvel art. 130 al. 1 let. a LJAr), la comparaison se fait entre deux peines de genre différent. Dans ce cas, l’amende doit être considérée comme plus clémente qu’une peine pécuniaire, même assortie du sursis. Ce n’est que si les peines principales sont de même genre qu’elles doivent être comparées en fonction de leur modalité d’exécution, justifiant l’application de l’ATF 134 IV 82 concluant qu’une peine pécuniaire avec sursis est plus clémente qu’une amende dans une telle constellation.