Les articles en procédure pénale

L’intérêt juridique à recourir contre un refus de retrait de moyens de preuve du dossier pénal

Le refus du ministère public d’écarter des moyens de preuve prétendument inexploitables du dossier pénal crée un « intérêt juridiquement protégé » au sens de l’art. 382 al. 1 CPP pour celui qui entend contester cette décision. Un recours au sens des art. 393 ss CPP est par conséquent ouvert, sans qu’il ne soit nécessaire d’établir un « préjudice irréparable » aux termes de l’art. 93 LTF.

Contenu de l’acte d’accusation et appréciation des preuves (« déclarations contre déclarations ») relatives à un viol

Lorsque l’acte d’accusation ne décrit pas les viols reprochés au prévenu de manière individualisée mais expose, de façon globale et détaillée, un seul mode opératoire, le principe d’accusation (art. 9 CPP) est respecté s’il peut être déduit de cet acte que la manière d’agir s’applique pour l’ensemble des infractions. Sous l’angle temporel, il est suffisant que les faits soient circonscrits approximativement. Enfin, dans le cas où les déclarations de la victime sont le principal élément de preuve à charge et s’opposent à celles de l’accusé (« déclarations contre déclarations »), il n’est pas arbitraire pour le tribunal de fonder sa conviction sur une pluralité d’éléments ou d’indices convergents si leur rapprochement permet de déduire de manière soutenable l’état de fait retenu.

Comblement d’une lacune proprement dite aux art. 269 al. 2 CPP et 66a CP par rapport à l’art. 2 LAQEI

Bien que le catalogue respectif des art. 269 al. 2 CPP concernant les mesures de surveillance secrète et de l’art. 66a CP au sujet de l’expulsion obligatoire contienne l’art. 260ter (a)CP incriminant l’organisation criminelle (et terroriste), tel n’est pas le cas de l’art. 2 LAQEI (Loi fédérale interdisant Al-Qaïda et l’État islamique). L’interprétation des art. 269 al. 2 CPP et 66a CP conduit toutefois à retenir que l’absence de l’art. 2 LAQEI est une lacune proprement dite qui doit en conséquence être comblée modo legislatoris par l’autorité judiciaire (art. 1 al. 2 CC).

Les enjeux liés à une réalisation anticipée de cryptoactifs séquestrés

La réalisation anticipée d’actifs séquestrés au sens de l’art. 266 al. 5 CPP doit préserver les intérêts de son titulaire à ne pas subir de préjudice patrimonial et ceux de l’État à éviter d’en causer un. Dans cette optique, il revient à l’autorité compétente de préciser les modalités de celle-ci. Une certaine précaution est de mise lorsqu’une réalisation immédiate et globale de cryptoactifs serait susceptible de faire diminuer leur valeur sur le marché. Le Tribunal fédéral enjoint donc aux autorités pénales à considérer minutieusement la nature et les particularités des valeurs à réaliser et les invite à faire appel à un expert lorsque la situation l’exige.

Obligation pour chaque autorité pénale de rappeler au prévenu son droit de demander un défenseur d’office

L’information devant le ministère public du droit de solliciter la nomination d’un défenseur d’office (art. 158 al. 1 let. c CPP) ne suffit pas pour l’entier de la procédure. Elle doit être répétée devant chaque autorité pénale (art. 143 CPP), en particulier devant le Tribunal de première instance. À défaut, l’audition du prévenu est inexploitable (art. 158 al. 2 CPP).

La proportionnalité de la durée de la détention pour des motifs de sûreté ordonnée afin de garantir la mise en œuvre d’une mesure

L’art. 440 CPP constitue une base légale explicite permettant d’ordonner ou de prolonger une détention pour des motifs de sûreté ordonnée pour garantir l’exécution d’une mesure, même lorsque la condamnation est entrée en force. Une telle détention est compatible avec le droit matériel fédéral lorsqu’il s’agit d’une situation d’urgence transitoire de courte durée. Afin de déterminer si la durée de la détention est conforme au principe de la proportionnalité, il faut prendre en considération l’intensité des efforts déployés par l’État pour placer la personne concernée dans un établissement adapté ainsi que la mise en place de soins thérapeutiques dans le cadre de la détention qui précède la mise en œuvre de la mesure. Les difficultés que pourrait rencontrer l’État au moment du placement et qui sont engendrées par le condamné doivent également être prises en compte.

L’art. 392 al. 1 let. a CPP n’est applicable qu’en présence d’une appréciation différente des faits à l’exclusion d’une requalification juridique

Aux termes de l’art. 392 al. 1 let. a CPP, l’admission d’un recours de certains des prévenus ou condamnés permet l’annulation ou la modification de la décision attaquée en faveur des personnes qui n’ont pas interjeté recours pour autant que l’autorité supérieure se repose sur une appréciation différente des faits par rapport à l’autorité inférieure. Le Tribunal fédéral exclut ainsi l’application de l’art. 392 CPP pour une requalification juridique du même état de fait. À cet égard, le constat d’une violation du principe de célérité amène l’autorité de recours à considérer les actes constitutifs de celle-ci comme une question de fait justifiant l’application de l’art. 392 al. 1 let. a CPP.

De la latitude de l’expert psychiatre pour fonder son expertise sur des hypothèses factuelles

Conformément au principe de célérité (art. 5 CPP), l’autorité pénale doit en principe désigner un expert dès qu’elle est en mesure de constater la nécessité d’une expertise et de poser les questions qui doivent être élucidées pour assurer la poursuite de la procédure. Les faits devraient cependant être suffisamment éclaircis pour que l’expert ne soit pas contraint de se fonder sur ses propres hypothèses factuelles. L’autorité doit à tout le moins être en mesure d’indiquer à l’expert de baser son évaluation sur l’hypothèse de la commission de l’infraction par le prévenu.

Application analogique au prévenu des droits spécifiques de ne pas déposer du témoin

En plus de la notification du droit général de ne pas collaborer (art. 113 CPP), l’autorité de poursuite doit également notifier au prévenu les droits spécifiques de ne pas déposer du témoin (art. 168 ss CPP) qui lui sont applicables par analogie en particulier pour son conjoint. La question de savoir si les droits doivent nécessairement être notifiés à chaque audition est laissée ouverte, même si la jurisprudence semble retenir une obligation en ce sens.

Aucun mandat de perquisition n’est nécessaire – immédiatement ou de manière ultérieure – lorsque la police intervient en cas de péril en la demeure dans des locaux privés

Le Tribunal fédéral profite d’un recours sur l’exploitabilité de moyens de preuve obtenus par la police dans un garage privé sans mandat de perquisition pour préciser les contours de l’art. 213 al. 2 CPP. Selon cette disposition, en cas de péril en la demeure, la police est autorisée à pénétrer dans des locaux non ouverts au public sans qu’un mandat de perquisition ne soit nécessaire immédiatement, ni même ultérieurement.

Le maintien au dossier de preuves issues de recherches secrètes illicites (art. 298a ss CPP) ne crée pas de préjudice irréparable au sens de l’art. 93 LTF

Dès l’existence de soupçons d’infraction portée à la connaissance de l’autorité pénale, le CPP s’applique aux mesures de surveillances ordonnées sur cette base. La conclusion d’un achat fictif de cocaïne auprès de la personne soupçonnée tombe ainsi sous le coup des art. 298a ss CPP. Faute de disposition expresse du CPP sur le sort des preuves obtenues grâce aux recherches secrètes illicites, les dispositions générales s’appliquent (art. 141 al. 2 CPP). Par conséquent, le maintien de telles preuves au dossier ne constitue pas un préjudice irréparable (art. 93 LTF).