Les articles en procédure pénale

Saisie de données signalétiques et établissement d’un profil ADN : rappel à l’ordre du Tribunal fédéral

La saisie de données signalétiques ainsi que le prélèvement d’un échantillon et l’établissement d’un profil ADN, s’ils ne servent pas à élucider une infraction pour laquelle une instruction pénale est en cours, ne sont conformes au principe de la proportionnalité que s’il existe des indices sérieux et concrets de l’implication du prévenu dans d’autres infractions, mêmes futures. De plus, il doit s’agir d’infractions revêtant une certaine gravité. En l’espèce, le Tribunal fédéral a considéré que la seule inscription, dans le casier judiciaire du prévenu, d’une condamnation pour une infraction à la LStup ainsi qu’à la LCR ne suffit pas pour retenir que de tels indices existent.

Le principe de l’interdiction de la reformatio in pejus s’applique à l’indemnité allouée à l’avocat d’office

En l’absence d’appel principal interjeté par le ministère public sur l’indemnité allouée à l’avocat d’office, l’autorité de recours viole le principe de l’interdiction de la reformatio in pejus en octroyant à ce dernier une indemnité inférieure à celle accordée en première instance.

Le retrait d’une plainte pénale ne conduit pas à l’annulation d’une ordonnance pénale entrée en force

Le principe de l’indivisibilité de la plainte pénale (art. 32 CP) ne permet pas d’en déduire que le retrait de la plainte pénale par le lésé dans toutes les procédures (en rapport à une infraction poursuivie sur plainte) conduit à l’annulation d’une ordonnance pénale entrée en force, et ce alors même que les autres prévenus dans l’affaire ont bénéficié d’un classement de la procédure.

L’autorité statuant sur renvoi d’un arrêt du Tribunal fédéral n’est liée que par les faits non contestés et les questions de droit définitivement tranchées

Un classement implicite suppose qu’une partie des faits a été abandonnée sans qu’une décision formelle n’ait été rendue à leur sujet. Lorsque la décision de renvoi annule un tel classement implicite sans trancher le fond du litige et impose aux autorités d’éclaircir les faits contestés, le Ministère public doit mener une nouvelle instruction. En prononçant un deuxième classement à l’encontre du principal prévenu en raison de son décès, le Ministère public ne peut pas abandonner l’ensemble des investigations concernant l’implication éventuelle de tiers, sauf à violer l’interdiction du déni de justice. En l’espèce, la plainte d’une victime à l’encontre du prévenu décédé et de tout autre personne impliquée imposait au Ministère public de poursuivre des recherches, malgré le décès du principal suspect.

Expertise de crédibilité et prise en compte des déclarations peu circonstanciées d’une victime

Un tribunal ne peut se résoudre à prononcer un acquittement à l’égard de tous les faits reprochés dans l’acte d’accusation au motif que les actes décrits les plus graves proviennent de témoignages indirects et peu concordants. Les déclarations faites lors de l’audition LAVI de la victime – jugées crédibles par une expertise – doivent aussi être approfondies. Cela vaut même si la victime ne livre que peu de circonstances. En n’opérant aucune distinction entre les actes dénoncés par la victime et ceux (peu concordants) décrits par des témoins indirects, le tribunal peut verser dans l’arbitraire.

Mesures techniques de surveillance secrètes : les preuves récoltées entre l’échéance de la durée de la mesure et la demande de prolongation tardive du ministère public sont absolument inexploitables

Une demande de prolongation d’une mesure technique de surveillance déposée un jour après l’échéance de la durée précédemment accordée ne peut couvrir la période qui sépare l’échéance précédente de celle-ci. Les preuves récoltées durant ce laps de temps sont absolument inexploitables, nonobstant une autorisation rétroactive du Tribunal des mesures de contrainte. Ce dernier doit se limiter à accorder la prolongation au jour de la réception de la demande du ministère public. 

La modification de l’acte d’accusation (art. 333 al. 1 CPP) est exclue si elle porte sur la même infraction

La modification de l’acte d’accusation (art. 331 al. 1 CPP) consacre une exception au principe de l’immutabilité et doit dès lors être interprétée restrictivement. Conformément au texte légal, elle n’est possible que si l’accusation modifiée porte sur une autre infraction (requalification ou concours idéal), mais pas lorsque l’infraction en cause – ici un homicide par négligence – demeure la même.

Notification fictive d’une ordonnance pénale sans audition préalable

La fiction de la notification d’une ordonnance pénale à l’échéance du délai de garde postal (art. 85 al. 4 let. a CPP) ne vaut que lorsque le prévenu devait s’attendre à recevoir un tel acte, ce qui suppose qu’il ait été préalablement informé, de façon claire et précise, qu’il faisait l’objet d’une procédure pénale. Tel n’est pas le cas lorsque le prévenu ne fait que remplir un formulaire destiné à identifier le conducteur responsable d’un excès de vitesse, en l’absence de toute audition par la police ou le ministère public.

Toute fouille corporelle doit respecter le principe de proportionnalité

Le principe de proportionnalité est violé lorsque, pour déterminer si le prévenu était en possession d’armes ou d’autres objets dangereux, voire d’éventuelles substances illicites, il aurait suffi de le palper par-dessus ses vêtements ou d’user d’autres moyens techniques. Une fouille avec déshabillage complet et inspection visuelle de la zone intime n’est admissible que s’il existe des indices sérieux et concrets laissant suspecter que le prévenu y cache des objets ou substances dangereux ou interdits qui ne peuvent pas être détectés d’une autre manière.

Le placement préventif d’un mineur (art. 15 DPMin) ne correspond pas à une détention préventive ouvrant le droit à une indemnité fondée sur l’art. 431 al. 2 CPP

La mesure visant à placer un mineur au sein d’un établissement fermé ou chez des particuliers (art. 15 DPMin) peut aussi être ordonnée au cours de l’instruction pénale selon l’art. 5 DPMin. Une telle mesure ne correspond toutefois pas à une détention préventive « déguisée » au sens de l’art. 110 al. 7 CP. Celle-ci sert avant tout les objectifs poursuivis par le droit pénal des mineurs, à savoir la protection et l’éducation du délinquant mineur. Par conséquent, cette mesure ne donne pas droit à une indemnité fondée sur l’art. 431 al. 2 CPP, même si la durée du placement dépasse l’éventuelle peine privative de liberté prononcée.

Le ministère public n’est tenu de participer à l’audience d’appel que lorsque la peine privative de liberté encourue par la personne prévenue est de plus d’un an

L’interprétation littérale de l’art. 337 al. 3 CPP est telle que le ministère public est notamment tenu de soutenir en personne l’accusation devant le tribunal lorsqu’il requiert une peine privative de liberté de plus d’un an, ce par quoi il faut comprendre 12 mois et un jour au minimum. Aussi le ministère public est-il dispensé de participer personnellement à l’audience d’appel lorsque la personne prévenue n’encourt pas une peine de plus d’un an. Ceci vaut également dans les cas de défense obligatoire. En l’espèce, le recourant a été condamné à 12 mois de privation de liberté en première instance et lui seul a fait appel de cette décision, le ministère public n’ayant donc pas requis de peine plus élevée. Étant admis que la juridiction d’appel ne peut pas prononcer une peine supérieure (art. 391 al. 2 CPP), le ministère public est dispensé de participer à l’audience.

Lex mitior et législation sur les jeux d’argent : l’art. 56 al. 1 aLMJ est plus favorable à l’auteur que l’art. 130 al. 1 LJAr

La révision de la législation en matière de jeux d’argent avait pour but de durcir le cadre légal, notamment en transformant des infractions de contraventions en délits. L’amende qui sanctionne une contravention (comme prévu par l’ancien droit, art. 56 al. 1 aLMJ) représente une peine plus favorable que la peine pécuniaire qui sanctionne un délit (comme prévu par le nouveau droit, art. 130 al. 1 LJAr), et ce indépendamment des modalités d’exécution et de l’ampleur du montant. Dans ce cas, en application du principe de la lex mitior, l’ancien droit est plus favorable à l’auteur.