Les articles en procédure pénale

Hormis les cas de défense obligatoire, la faute de l’avocat est imputée à son client

Le Tribunal fédéral confirme les conditions posées dans l’ATF 143 I 284 et précise que les seuls cas dans lesquels la faute de l’avocat ne peut pas être imputée à son client sont ceux qui relèvent de la défense obligatoire au sens de l’art. 130 CPP. Ainsi, l’omission fautive, par l’avocat, de poster dans les délais légaux une opposition à l’ordonnance pénale qui condamnait son client a été imputée à ce dernier, ce qui l’a, de fait, privé d’un recours effectif contre la décision le condamnant.

Refus de l’assistance judiciaire et garantie d’un procès pénal équitable : analyse d’une jurisprudence étonnante

La CourEDH a rendu un arrêt dans lequel elle reconnaît que, au vu des circonstances du cas d’espèce, les autorités suisses auraient dû ordonner la défense d’office et gratuite du prévenu (art. 132 al. 1 let. b CPP). Néanmoins, elle nie toute violation, par la Suisse, de l’art. 6 CEDH. En effet, après une analyse globale relative à l’exigence d’une procédure pénale équitable, la CourEDH parvient à la conclusion que le requérant a, effectivement, été défendu pro bono par un avocat, malgré le refus du Tribunal fédéral de lui accorder une assistance judiciaire. Par conséquent, elle estime que le requérant n’a pas souffert concrètement de ce refus.

Écoutes téléphoniques : une durée de 17 mois pour requérir l’autorisation d’une découverte fortuite est largement excessive, même si le délai de 24 heures est une prescription d’ordre 

En cas de découverte fortuite issue d’une surveillance active d’un raccordement téléphonique (art. 269 ss CPP), l’autorité de poursuite pénale doit immédiatement ordonner la surveillance et requérir l’autorisation du tribunal des mesures de contrainte (TMC) pour l’exploiter contre un nouveau prévenu (art. 278 CPP). Un délai de 17 mois entre l’identification de la découverte fortuite et la requête au TMC est excessif, de sorte que le TMC doit refuser la requête en pareil cas. En conséquence, l’ensemble des opérations d’instruction effectuées sur cette base sont absolument inexploitables et doivent être écartées du dossier pénal, puis détruites à l’issue de la procédure.

Refus d’ordonner une nouvelle expertise psychiatrique et préjudice juridique au sens de l’art. 394 let. b CPP

La personne qui souhaite recourir contre le refus du ministère public d’ordonner un acte d’instruction doit établir l’existence d’un préjudice juridique au sens de l’art. 394 let. b CPP. Un pareil préjudice est admis lorsque le refus d’instruire concerne des moyens de preuve qui risquent de disparaître. Si le refus d’instruire porte sur la mise en œuvre d’une nouvelle expertise psychiatrique, le risque que le moyen de preuve disparaisse réside dans le fait que la procédure de première instance a lieu, en règle générale, plusieurs mois voire plusieurs années après l’établissement de l’expertise. Si le tribunal du fond devait arriver à la conclusion que l’expertise psychiatrique présente des lacunes ou est inexploitable, la mise en œuvre d’une nouvelle expertise, après l’écoulement d’un temps conséquent, ne serait potentiellement plus pertinente. Il revient en principe au recourant de démontrer que ce risque pourrait se réaliser.

Le ministère public ne peut plus recourir contre les décisions rendues par le TMC en matière de détention

Le Tribunal fédéral met fin à sa jurisprudence constante en matière de détention et s’aligne sur la volonté du législateur : seule la personne détenue peut désormais s’opposer aux décisions rendues par le TMC selon l’art. 222 CPP. Ainsi, le ministère public ne peut plus recourir contre les décisions du TMC ordonnant, prolongeant ou levant la détention provisoire, respectivement la détention pour des motifs de sûreté. La voie de recours en la matière accordée jusqu’à ce jour au ministère public était problématique au regard de l’art. 5 al. 3 CEDH. Pour cette raison et compte tenu de la volonté clairement exprimée par le législateur lors des travaux de révision du CPP, le Tribunal fédéral revient sur sa jurisprudence.

Placer un radar routier sur un terrain privé sans l’accord de son propriétaire est un acte autorisé par la loi (art. 14 CP) et ne rend pas la mesure illicite

Lorsqu’un excès de vitesse est constaté au moyen d’un radar, le conducteur peut demander la production des documents techniques le concernant, ainsi que le procès-verbal de prise de mesure, pour s’assurer de la conformité de cette dernière. Refuser une telle réquisition emporte violation du droit d’être entendu du conducteur. Par ailleurs, les policiers qui placent un radar sur le terrain privé d’un tiers, par hypothèse sans son consentement, agissent dans le cadre de leur fonction, de sorte que leur acte doit être couvert par l’art. 14 CP. Par conséquent, les preuves obtenues par ce biais ne sont pas illicites au sens de l’art. 141 al. 2 CPP.

Qualité de partie plaignante du créancier en cas d’obtention frauduleuse d’un concordat judiciaire (art. 170 CP)

L’infraction d’obtention frauduleuse d’un concordat judiciaire (art. 170 CP) protège avant tout la bonne exécution de la procédure concordataire et seulement indirectement les intérêts des créanciers de la société en faillite. Ces derniers ne revêtent en tout cas pas la qualité de lésé et de partie plaignante s’ils n’ont pas été admis à l’état de collocation et ne participent donc pas à la procédure d’exécution forcée.

Saisie de données signalétiques et établissement d’un profil ADN : rappel à l’ordre du Tribunal fédéral

La saisie de données signalétiques ainsi que le prélèvement d’un échantillon et l’établissement d’un profil ADN, s’ils ne servent pas à élucider une infraction pour laquelle une instruction pénale est en cours, ne sont conformes au principe de la proportionnalité que s’il existe des indices sérieux et concrets de l’implication du prévenu dans d’autres infractions, mêmes futures. De plus, il doit s’agir d’infractions revêtant une certaine gravité. En l’espèce, le Tribunal fédéral a considéré que la seule inscription, dans le casier judiciaire du prévenu, d’une condamnation pour une infraction à la LStup ainsi qu’à la LCR ne suffit pas pour retenir que de tels indices existent.

Le principe de l’interdiction de la reformatio in pejus s’applique à l’indemnité allouée à l’avocat d’office

En l’absence d’appel principal interjeté par le ministère public sur l’indemnité allouée à l’avocat d’office, l’autorité de recours viole le principe de l’interdiction de la reformatio in pejus en octroyant à ce dernier une indemnité inférieure à celle accordée en première instance.

Le retrait d’une plainte pénale ne conduit pas à l’annulation d’une ordonnance pénale entrée en force

Le principe de l’indivisibilité de la plainte pénale (art. 32 CP) ne permet pas d’en déduire que le retrait de la plainte pénale par le lésé dans toutes les procédures (en rapport à une infraction poursuivie sur plainte) conduit à l’annulation d’une ordonnance pénale entrée en force, et ce alors même que les autres prévenus dans l’affaire ont bénéficié d’un classement de la procédure.

L’autorité statuant sur renvoi d’un arrêt du Tribunal fédéral n’est liée que par les faits non contestés et les questions de droit définitivement tranchées

Un classement implicite suppose qu’une partie des faits a été abandonnée sans qu’une décision formelle n’ait été rendue à leur sujet. Lorsque la décision de renvoi annule un tel classement implicite sans trancher le fond du litige et impose aux autorités d’éclaircir les faits contestés, le Ministère public doit mener une nouvelle instruction. En prononçant un deuxième classement à l’encontre du principal prévenu en raison de son décès, le Ministère public ne peut pas abandonner l’ensemble des investigations concernant l’implication éventuelle de tiers, sauf à violer l’interdiction du déni de justice. En l’espèce, la plainte d’une victime à l’encontre du prévenu décédé et de tout autre personne impliquée imposait au Ministère public de poursuivre des recherches, malgré le décès du principal suspect.

Expertise de crédibilité et prise en compte des déclarations peu circonstanciées d’une victime

Un tribunal ne peut se résoudre à prononcer un acquittement à l’égard de tous les faits reprochés dans l’acte d’accusation au motif que les actes décrits les plus graves proviennent de témoignages indirects et peu concordants. Les déclarations faites lors de l’audition LAVI de la victime – jugées crédibles par une expertise – doivent aussi être approfondies. Cela vaut même si la victime ne livre que peu de circonstances. En n’opérant aucune distinction entre les actes dénoncés par la victime et ceux (peu concordants) décrits par des témoins indirects, le tribunal peut verser dans l’arbitraire.